Le bicentenaire de notre première Règle

L.J.C. et M.I.
Chers frères Oblats et tous ceux qui font partie de la Famille oblate,

Parmi les célébrations de notre histoire oblate, nous célébrons cette année la première rédaction de notre Règle. Poussé par l’Esprit à s’associer des compagnons pour commencer une société dont le but était la ré-évangélisation des campagnes de Provence, le jeune Eugène a senti très tôt la nécessité de donner à cette petite et jeune société, un code de vie, une règle. Elle contiendrait les normes aptes à aider tous ses membres, dans le double objectif qu’il avait déjà esquissé dans la supplique aux Vicaires d’Aix, quand, ensemble avec ses cinq premiers compagnons, il avait demandé la permission de vivre en communauté, dans le vieux Carmel d’Aix, qu’il avait acheté pour cela.

Nos premiers Pères ont demandé l’autorisation de vivre ensemble en communauté et sous une règle commune. Ce qui suit est tiré de la “pétition” et synthétise les points principaux de cette première Règle qui commence en spécifiant les deux objectifs principaux de notre première communauté.

La fin de cette Société n’est pas seulement de travailler au salut du prochain en s’employant au ministère de la prédication, elle a encore principalement en vue de fournir à ses membres le moyen de pratiquer les vertus religieuses pour lesquelles ils ont un si grand attrait, que la plupart d’entre eux se seraient consacrés à les observer toute leur vie dans quelque Ordre religieux, s’ils n’avaient conçu l’espérance de trouver dans la communauté des Missionnaires, à peu près les mêmes avantages que dans l’état religieux auquel ils voulaient se vouer.

Nous devrions lire plus souvent, cette demande d’autorisation, du 25 janvier 1816 ; c’est un “texte fondateur” de notre famille et de notre spiritualité, une véritable “Règle en miniature”.

Dans l’introduction au livre “Prier avec nos Constitutions”, les PP. James Sullivan et Richard Haslam parlent de la vie oblate comme d’un projet à long terme. Je cite: “Etre Oblats signifie vivre la vision évangélique que notre Fondateur et chacun de nous a reçue du Saint Esprit.” Cette vision est exprimée dans notre “livre de vie”, nos Constitutions, une expression écrite des éléments fondamentaux de notre vocation religieuse et missionnaire, l’expression permanente de notre charisme. D’une part, nos Constitutions cristallisent et reflètent l’expérience de l’ensemble de la Congrégation, renforçant et confirmant notre vie de tous les jours ; d’autre part, elles nous montrent l’idéal qui devrait inspirer notre projet de vie.

Dans les Constitutions, nous trouvons qui nous sommes et qui nous devrions être. La réalité et l’idéal sont entremêlés dans une tension sans fin qui nous engage quotidiennement et se traduit dans un progrès patient et continu, du réel à l’idéal, afin que l’idéal prenne chair dans la réalité de nos vies.

La première copie des Constitutions et Règles manuscrites du Fondateur

La rédaction de la Règle de 1818 a été rendue nécessaire principalement par la présence des Oblats à Notre-Dame du Laus, prévue pour les premiers jours de 1819. Eugène a senti qu’il était important pour la jeune société, de maintenir l’unité entre ses membres. Voici ce qu’il écrivait dans ses Mémoires : “J’ai cru de mon devoir de réunir dans un conseil extraordinaire tous ceux qui, à l’époque, composaient ma jeune société, y compris les jeunes qui n’étaient pas encore dans les ordres sacrés. C’était pour leur faire comprendre que, du moment qu’ils étaient appelés dans un autre diocèse pour une nouvelle fondation, il était nécessaire d’étendre les règlements qui nous gouvernaient et, pour nous, il s’agissait de nous mettre à rédiger des constitutions plus complètes, qui servent de liens plus étroits, et d’établir une hiérarchie, en un mot, de coordonner toute chose, de telle sorte qu’il n’y ait qu’une volonté et qu’un même esprit inspire notre conduite.”

Eugène part rapidement pour St Laurent du Verdon, avec les jeunes Moreau et Suzanne et y reste trois semaines. Avec ses deux compagnons il a quelques conversations spirituelles et la pratique des exercices religieux. Le reste du temps il le passe tout seul, dans sa chambre ; là, assis ou à genoux devant son bureau, sur lequel il a placé sa croix de missionnaire, il écrit les règles et les constitutions de sa Congrégation. C’est ce que les pères Rambert et Rey disent dans leur biographie d’Eugène.

Une autre raison rendait nécessaire une Règle : l’introduction dans notre Famille des vœux de religion, ratifiée au Chapitre qui a commencé et s’est probablement terminé le 24 octobre 1818.

Dans sa présentation à la Congrégation du commentaire des Constitutions et Règles par le P. Jetté, le P. Zago les a définies comme un point de référence duquel dépend l’identité des membres de la famille, une source d’approfondissement du charisme, une manière concrète pour discerner la volonté de Dieu, une réflexion de l’Evangile qui nous aide à en comprendre les exigences, un moyen de renouveau des individus et des communautés.

Il rappelait alors ce qu’Eugène écrivit le lendemain de l’approbation pontificale, le 18 février 1826: “la conclusion que nous devons en tirer est de nous attacher de tout notre cœur et de toute notre âme aux Règles et de mettre en pratique exactement ce qu’elles prescrivent”. Et quelques années plus tard, dans les notes pour la retraite annuelle (vers la fin de 1831) : “Tenons cette Règle précieuse en haute estime, ayons la toujours devant les yeux, et plus encore dans le cœur, nourrissons continuellement nos âmes des principes qu’elle contient, ne disons rien, ne pensons rien qui ne soit en conformité avec son esprit. Ce n’est qu’ainsi que nous serons ce que Dieu veut que nous soyons et que nous nous rendrons dignes de notre sublime vocation.” 

Le Comité permanent pour les Constitutions et Règles, érigé par le Supérieur général pendant la première session plénière du Conseil général de 2016, a commencé un projet qui devrait s’étendre à toute la Famille oblate afin de préserver la place et la valeur que nos Constitutions et Règles ont dans notre vie et notre mission dans l’Eglise et dans le monde. A l’occasion du bicentenaire de nos Règles, le comité enverra à tous les Oblats un questionnaire simple et élémentaire pour aider chaque Oblat à réfléchir et évaluer sa vie et son ministère à la lumière de ce joyau qu’est notre Règle.

L’occasion du bicentenaire de notre première Règle nous offre une chance unique pour nous recentrer sur le chemin de conversion et de renouveau que nous avons entrepris depuis quelques années, dans la Congrégation.

Ce n’est pas suffisant d’avoir travaillé pendant tant d’années sur le nouveau texte de notre code de vie, pour le mettre à jour dans l’esprit de Vatican II et lui donner un langage appropriée à notre temps, pour le rendre “capable” de nous guider, dans le temps où nous vivons. Ce n’est pas suffisant si ce texte ne fait qu’inspirer notre vie et notre travail missionnaire. Nous ne pouvons pas non plus nous contenter de le lire et de l’étudier, ou de l’utiliser comme référence occasionnelle pour évaluer notre vie oblate. Pour continuer à grandir comme Oblats et pour que notre charisme continue à nous inspirer sur notre chemin, nous devons être capables d’assimiler les valeurs que ces Constitutions expriment.

Nous vivons l’année de prière pour les vocations oblates, la réponse à notre vocation, notre capacité à assimiler le charisme oblat, de manière à nous guider sur la route, dépend de notre capacité à nous approprier les valeurs contenues dans notre Règle, au point d’en faire une part de nous-mêmes. Nous sommes appelés à les assimiler comme principes qui nous guident, comme une force qui nous motive.

L’appel  qui s’exprime dans nos Constitutions est un don du Seigneur, et comme tel, nous devons le demander, avec humilité et sens des responsabilités, dans le désir de le transformer en action.  La prière est essentielle pour intérioriser la Règle.

Le jour de notre oblation perpétuelle, quand nous recevons le texte des Constitutions et Règles, il nous est dit des paroles qui contiennent une promesse de vie : “fais ceci et tu vivras!”. Et la Constitution 168 nous ramène à ce moment précis quand elle nous rappelle qu’ “avec son oblation, chaque Oblat assume la responsabilité du patrimoine commun de la Congrégation, exprimé dans les Constitutions et Règles et notre tradition de famille.” L’héritage commun de la Congrégation est un héritage que nous devons recevoir, chérir et transmettre, en même temps que les traditions de notre famille. Chaque Oblat est exhorté à se laisser guider par ces normes, dans une fidélité créative à l’héritage transmis par saint Eugène de Mazenod.

Le Pape François, parlant aux Capitulants oblats, le 7 octobre 2016, vers la fin de notre 36e Chapitre général, a, dans son invitation, rejoint la Règle et le dernier Testament de notre Fondateur. “ En suivant l’exemple du Fondateur, nous a dit François, la charité parmi vous est votre première règle de vie, le cœur de toute action apostolique, et le zèle pour le salut des âmes est la conséquence naturelle de cette charité fraternelle.” Par ces paroles, le Pape nous invite à voir dans notre Règle le reflet de l’inspiration charismatique de notre Père commun et de son Testament final. La Charité parmi nous, et, à l’extérieur, le zèle apostolique restent les deux piliers sur lesquels notre charisme repose, notre raison d’être dans l’Eglise et dans le monde, la synthèse de notre identité et de notre activité missionnaire.

Puisse, cet anniversaire nous trouver disponibles pour continuer le chemin de renouveau, toujours actif dans nos vies et nos communautés. Puissent Marie et saint Eugène bénir notre famille et la guider sur le chemin de sa mission dans le monde d’aujourd’hui !

Votre frère Oblat, avec mes prières et mon affection, en Jésus-Christ et Marie Immaculée,
Louis Lougen, OMI