La nouvelle mission de la Délégation des Oblats de Marie Immaculée à Madagascar, nommée « Befasy », est située dans le diocèse de Morondava, à 50 km de cette capitale de la Région Sud-Ouest de l’île. A la mission, nous avons une église sous le patronage de Ste Thérèse de l’Enfant Jésus, mais nous avons également trois chapelles en brousse. Au début de notre mission (le 27 novembre 2016), il n’y avait qu’une quarantaine de pratiquants à Befasy, mais aujourd’hui, on en compte jusqu’à deux cents le dimanche. Il faut noter que dans cette partie de l’île, l’utilisation du gris-gris est encore dominante pour les soins etc…

La plupart des gens de cette région du Menabe sont des Sakalava. Mais nous pouvons rencontrer aussi des tribus comme les Antandroy, les Vezo, les Betsileo, les Merina, les Mahafaly… De ce fait, il y a de nombreuses coutumes et traditions à Befasy. Ici, nous n’allons en citer qu’une qui est l’élevage de zébus. Ces derniers tiennent une grande place dans les traditions de cette région car c’est une marque de richesse, de force, et couramment utilisée aussi pour la fête. Pour certaines tribus, voler des bœufs fait partie de la culture. Il faut voler des bœufs avant d’entrer en mariage pour montrer la maturité et la force, pour montrer à tout le monde qu’on est capable de protéger sa future famille. En tout, être un « dahalo » (voleur de zébu) n’est pas un crime pour eux car il n’y a pas recours à la violence sur la vie humaine. Auparavant, les villageois faisait bien la différence entre « voleur de bœufs » (dahalo) et « bandits », c’est-à-dire ceux qui tuent les gens.

Depuis notre installation dans ce village, nous avons remarqué que la situation sur la sécurité s’est complètement dégradée. Selon les villageois, auparavant, Befasy n’était jamais attaqué par des bandits, il y avait la paix car c’était leur village. Mais cela a changé petit à petit. Maintenant, les bandits commencent à entrer dans le village en volant au moins une quarantaine des bœufs en utilisant des fusils, des sifflets, des cris, et des gris-gris. Quelquefois, ils font même des annonces comme quoi ils viendront tel jour et à telle heure pour attaquer le village. Le pire, c’est qu’ils tuent des gens, font des vengeances et arrivent même à faire des kidnappings pour des questions d’argent à valeur de 500.000 ariary. Ce cas s’est passé au mois de janvier dans un village appelé Antevamena.

La dernière fois (le 7 mars 2018), on a arrêté un bandit recherché depuis une semaine. La raison c‘est qu’il a cambriolé une famille et a volé 300.000 ariary, un sac de riz de 50 kg et 8 marmites, puis il a frappé la tête de la mère de famille et a donné des coups de hache à un enfant, qui, suite à ces blessures, est décédé.

La commune rurale de Befasy possède un poste de gendarmerie comprenant une dizaine de gendarmes mais on peut dire qu’ils sont tous corrompus et, quelquefois, ne participent même pas à l’arrestation des bandits avec la population. En effet, la population n’a plus confiance en eux. Durant le mois de décembre et le mois de janvier (période estimée très dangereuse), le poste de gendarmerie a demandé des renforts. D’où, au lieu d’être une dizaine, ils étaient une vingtaine sur place mais cela n’a rien changé.

Ce manque de prise de responsabilité des gendarmes a incité la population à établir sa propre défense et sa propre loi. Si les membres de cette milice attrapaient des bandits, ils faisaient de suite l’exécution sans demander la permission de la gendarmerie ni des autorités civiles. Les bandits ont été tués soit avec des fusils soit à main propre (couper la tête ou la casser avec des haches). Cela est applicable à tout le monde et sans pitié.

Depuis notre arrivée, nous avons compté jusqu’à six exécutions mais nous n’allons parler que d’une seule. Il s’agit d’un jeune homme qui s’était fait arrêter pour un vol. La population a voulu l’exécuter mais son père est intervenu. Il a réussi à sauver son fils d’une vindicte populaire en faisant un accord. Malheureusement, le jeune homme a recommencé plusieurs fois à voler si bien que finalement son père en a eu marre de le sauver. Le père a exécuté lui-même son fils de ses propres mains, en lui donnant un coup de hache.

L’autre auto-défense que la population s’est forgée aussi c’est la création de plusieurs groupes de personnes pour faire la patrouille chaque nuit. Les groupes font les tours de garde pour assurer la sécurité. On les appelle « colonnes ». Malgré les initiatives prises par la population, notre commune a demandé quand même une aide militaire et nous avons reçu trois nouveaux gendarmes sous contrat d’un an. Ces derniers sont payés 400.000 ariary par mois grâce à la cotisation de chaque famille. Ces gendarmes font la patrouille avec les « colonnes » et cela nous donne un peu de stabilité. D’un autre côté, chaque famille s’est procuré au moins un fusil à la maison pour sa défense, bien que ce soit interdit par la loi.

Concernant notre mission, grâce à Dieu, jusqu’à maintenant, les bandits ont peur de l’église et des religieux. Il n’y a pas encore eu d’attaque ni dans notre maison ni dans notre église. Les gens s’enfuyaient même dans notre église pour être à l’abri. Cela nous montre que Dieu seul est notre protection et notre secours face à l’insécurité. En terminant mon partage, je vous demande de toujours prier pour notre mission, pour sa sécurité et pour la sécurité dans tout Madagascar. Loués soient Jésus-Christ et Marie Immaculée. (P. Marek OCHLAK, curé à Befasy dans Bulletin OMI, mars 2018)