(Le 13 juillet 2018, le site “Vatican Insider” (http://www.lastampa.it/vaticaninsider/ita) a publié en italien, cet article de Luciano Zanardini à propos de la situation que vivent les Oblats au Venezuela, depuis plusieurs années.)

« La situation au Venezuela est un désastre. Quand, pendant quatre années consécutives, le pays connaît l’inflation la plus élevée du monde, cela a pour conséquence que le salaire mensuel minimum des Vénézuéliens soit le plus bas du monde : moins d’un dollar par mois ! Aucune économie ne peut survivre dans une telle situation. Le découragement se répand dans la société et les gens pensent à aller ailleurs. »

Le P. José Manuel Cicuéndez, espagnol, est arrivé au Venezuela en 1999, au moment où Hugo Chavez prenait le pouvoir. Il a donc vécu les diverses “saisons” traversées par le pays, y compris la dernière, la plus terrible.

« Le gouvernement, soutenu par les militaires, contrôle le pouvoir dans sa totalité : exécutif, judiciaire, législatif. Le président Maduro a le pouvoir absolu et peut dicter les lois sans consulter l’assemblée législative. D’autre part, l’opposition est divisée et affaiblie : beaucoup de ses leaders sont emprisonnés. Il n’y a pas de projet alternatif. La chose la plus triste est que le gouvernement, même s’il dispose de tous les pouvoirs, n’est pas capable de trouver des solutions aux problèmes de la nation : inflation galopante, manque de nourriture et de médicaments, violences, impunité, corruption… Son unique obsession est de rester au pouvoir. »

P. Jose Manuel Cicuéndez, Mgr. Ramiro Diaz et P. Nene Tasar

L’Eglise a cherché à plusieurs reprises à faciliter le dialogue entre le gouvernement et l’opposition, mais cela n’a pas abouti. Elle continue à chercher des solutions aux problèmes réels. Elle réclame sans cesse la justice et la paix et s’efforce d’éduquer le peuple à ces valeurs. Le P. Cicuéndez est curé dans la ville de Catia la Mar, à 34 km de la capitale, et il enseigne au grand séminaire tout en étant responsable de la formation diocésaine des laïcs. La paroisse des Oblats compte soixante mille habitants. En plus du P. José, il y a Mgr Ramiro Diaz, lui aussi espagnol, évêque émérite du Vicariat apostolique de Machiques, et le P. René Tasar, congolais. Les missionnaires gèrent un centre paroissial pour l’éducation et la formation au travail des enfants et adolescents. Selon leur charisme, ils s’efforcent de « marcher avec la population et de rester proches des plus pauvres. » Depuis 2015, ils ont formé 16 communautés ecclésiales de base, mais leur rêve c’est d’en avoir encore davantage. Une autre priorité est sans doute la catéchèse de première annonce. Ces deux dernières années, on a formé et institué des ministères laïcs pour l’évangélisation, pour la liturgie, pour la pastorale sociale, pour la catéchèse, pour la pastorale de jeunesse. « Ce sont des services qui font grandir l’Eglise. »

Paroisse Notre-Dame de Carmen, Catia La Mar

Que peut-on faire ? Comment l’Eglise progresse-t-elle, au Venezuela? 

« L’Eglise vénézuélienne subit, comme tout le pays, cette grave crise sociale, économique et politique. Nous ne pouvons pas rester en marge de cette réalité. Beaucoup de laïcs, surtout jeunes, émigrent. La situation est très douloureuse parce nous perdons des membres, actifs dans les communautés. La crise nous empêche d’avoir des ressources pour les activités pastorales normales ; beaucoup de prêtres ont de grandes difficultés économiques. Parfois, les tensions politiques se reflètent dans la communauté elle-même : certains laïcs et certains prêtres, mais de moins en moins, soutiennent le gouvernement, les autres lui sont opposés. Ces divisions affaiblissent l’Eglise. Cependant, malgré tant d’adversités, l’Eglise représente un signe d’espoir et de crédibilité pour la société. Elle continue à annoncer Jésus en un moment très douloureux. Dans notre diocèse de La Guaira un processus de renouveau du plan pastoral est en route. »

Dieu a-t-Il encore sa place ? 

« Quand tant de choses vont mal, quand la population souffre de la faim, quand les médicaments manquent, quand les hôpitaux n’ont plus les moyens de prendre soin des malades, quand il n’y a plus d’espoir de changement, quand les familles se défont à cause de l’émigration, les personnes se rapprochent… Beaucoup viennent vers nous, pour chercher du réconfort, de l’espoir, des paroles d’encouragement. Dieu a une grande place dans notre société et dans notre peuple, au Venezuela. En ce sens, Dieu a toujours davantage de place. »

Les Oblats au Venezuela

Quelle est la difficulté principale que vous rencontrez? 

« La difficulté principale est que nous manquons de tout : la nourriture de base, les produits pour l’hygiène personnelle, les médicaments, les pièces de rechange pour les véhicules… L’inflation fait que beaucoup de produits sont hors d’atteinte. De même, l’insécurité et la violence représentent une grande menace : les vols sont très fréquents. Plusieurs fois, nous avons été volés dans la maison, dans la paroisse et en voiture. Nous aurions besoin d’avoir des aides humanitaires : médicaments et nourriture. Le gouvernement national nous empêche d’importer ces aides et se refuse de reconnaître la terrible situation que nous vivons. Nous avons besoin de votre prière à tous, pour notre pays. »

Avez-vous encore des projets en chantier que vous aimeriez faire avancer? 

« Nous avons lancé divers projets avec la Caritas diocésaine et paroissiale. L’un d’eux est un réfectoire dans la zone la plus pauvre de la paroisse : trois jours par semaine, nous donnons à manger à 90 personnes, entre enfants et personnes âgées. Le second projet est la distribution de remèdes que nous recevons grâce à des petits dons qui nous viennent de l’extérieur. Et le troisième est un vestiaire paroissial. C’est bien peu de choses pour répondre aux difficultés, mais c’est l’action d’une communauté. »