FRANCE

Mes bien chers enfants,

Homme du XIXème siècle, je veux, par cette lettre, vous rejoindre dans votre temps du XXIème où, vous traversez une crise sanitaire planétaire. Avec mon expérience de vie, je voudrai vous partager ceci :

Comme jeune prêtre en 1814 à Aix-en-Provence, mon cœur saigne aujourd’hui avec vous devant tant de « pauvres aux multiples visages » angoissés, tant de jeunes isolés ou insouciants, tant de prisonniers révoltés. A ce sujet, n’oubliez pas que j’ai contracté le typhus auprès des prisonniers de guerre autrichiens et que je dois la guérison grâce à la prière incessante des jeunes devant la Statue de la Vierge.

Comme Supérieur Général d’une Congrégation missionnaire, mon cœur saigne aujourd’hui avec vous devant cette pandémie qui touche tous les continents : après l’Asie, maintenant l’Occident, et déjà l’Amérique Latine et l’Afrique.

Comme Évêque, mon cœur saigne aujourd’hui avec vous devant le désarroi du Peuple de Dieu qui ne peut se rassembler et célébrer. Toutefois, en 1848 – dans une toute autre circonstance certes -, rappelez-vous que j’avais dispensé les chrétiens de Marseille de la messe de Pâques pour leur permettre d’aller voter ! Vous ? Vous avez la chance d’avoir Internet ! Alors, y compris pour prier et célébrer, je vous le répète : « à besoins nouveaux, la Charité invente des moyens nouveaux » !

Comme Pasteur aussi, j’ai dû affronter l’épidémie de choléra de 1837 qui a ravagé notre chère ville de Marseille. Etant à la campagne au moment de l’arrivée du fléau, je suis aussitôt revenu à l’évêché pour vivre ces heures sombres avec les Marseillais. Je me souviens qu’un journal avait titré : « L’avenir est entre nos mains ». Certes, c’est vrai. Pour vous aujourd’hui, il est dans les mains des professionnels de santé si éprouvés, des chercheurs, des caissières, des policiers, des autorités… Mais, l’avenir est avant tout dans les mains de Dieu. Alors, à mon tour de vous dire : « n’ayez pas peur » ; et avec un autre message cher à mes fils Oblats : « Mais priez mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps » ; notre Seigneur Jésus-Christ, plein de tendresse et de miséricorde, se laisse toucher. Il ne vous abandonnera pas.

Je partage, avec vous, la peine et le deuil de tous ceux qui ont déjà perdu un être cher, victime de ce fléau. Moi-même, j’ai été très durement éprouvé par la mort de mon plus fidèle serviteur à l’évêché, lors du choléra. Là encore, cette perte m’a fait saigner le cœur. A l’issue de l’épidémie, j’ai célébré un office solennel à la cathédrale pour toutes les victimes.

Encore un petit conseil : inventez les moyens pour prendre soin, prendre des nouvelles des familles frappées par cette terrible épidémie, des familles et personnes isolées, confinées. Il est important que personne ne soit oublié.

Enfin, rappelez-vous qu’au début de l’épidémie de 1837, mon premier geste a été de monter à Notre Dame de la Garde pour y célébrer la sainte Messe et pour demander à Notre Bonne Mère d’intercéder pour nous auprès de son divin Fils. Alors, mes chers enfants, aujourd’hui, tournez-vous aussi vers elle, avec la même confiance.

Charles Joseph Eugène +

P. Bernard Dullier, OMI (Publié pour la première fois sur www.centremazenod.org)