Viêt Nam

Témoignage du Scolastique Joseph Phương, OMI, diacre

Joseph Phương, OMI, diacre

Cette année, j’ai vécu une fête du Tết (Nouvel An lunaire) très spéciale. Par l’ambassade du Viêt Nam à Sri Lanka, j’ai su que les Vietnamiens d’ici organisent souvent une célébration du Tết à Colombo ou Kandy. Cette année, ils n’étaient plus qu’une vingtaine de personnes. Empêchés par la pandémie de rentrer au Viêt Nam, ils se sont réunis pour l’occasion à Kandy. J’ai obtenu la permission de me joindre à ce groupe – principalement des moines et moniales bouddhistes, avec quelques ouvriers. J’étais le seul chrétien.

Nous sommes allés visiter le temple de la dent du Bouddha ; mais nous n’avons pu que regarder de loin : l’accès était interdit. La ville ancienne de Kandy ressemble beaucoup aux quartiers du Lac de l’Épée et du Lac de l’Ouest à Hanoi ; mais le rythme de vie très calme évoque davantage la ville de Huế… J’étais touché, bouleversé d’émotion : en plein milieu de ce pays lointain, j’apercevais un coin de ma patrie !

J’ai pu faire l’expérience de la vie des pauvres.

Mes compagnons m’ont mené visiter la grande université bouddhiste internationale de Kandy, puis le camp des d’éléphants : chaque année en août, ces éléphants défilent en procession avec les reliques du Bouddha. Nous sommes également allés voir la « première pagode vietnamienne à Sri Lanka ». Dé-ception : le terrain qui porte ce nom n’a que des palissades de bambou. Il n’y a pas encore de pagode : elle va être construite dans les prochains mois.

Dans une plantation de thé

D’emblée, nous nous sommes affairés : placer des prunus, décorer avec des branches de pêcher en fleur, couper des feuilles de bananier, du bambou : à chacun sa tâche. Du Viêt Nam on avait reçu riz gluant, haricots, graines de melon et fruits confits. Les 5 litres de riz gluant – inconnu ici – sont devenus des gâteaux traditionnels, bánh chưng, bánh tét ! Que c’est beau, le bánh chưng enveloppé dans ses feuilles de bananier !

À 10 h du soir, nous étions assis autour d’un feu de camp, racontant joyeusement notre vie et notre travail dans ce pays. Les moines et moniales étaient venus ici étudier le bouddhisme ; l’un d’eux ensei-gnait même au SIBA (Sri Lanka International Buddhist Academy), le plus grand centre international d’études bouddhiques. Un homme est ici pour construire la pagode ; plusieurs ouvriers travaillent pour une entreprise japonaise de construction. Quant à moi, j’étais venu étudier la théologie et m’exercer à la pastorale.

De l’avis général, Sri Lanka est un pays magnifique, mais encore trop pauvre. À mon tour, j’ai raconté mon existence heureuse dans les montagnes, le contact direct avec le labeur quotidien des gens, et la visite des pauvres chez eux. Tous furent très surpris, surtout les moines et les moniales. Pour leur part, disaient-ils, tout ce qu’ils savent, leurs sentiments pour ce pays, c’est à travers ce qu’ils apprennent à l’école, ou par les récits de moines locaux ou de personnes amicales ; tandis que moi, je suis plongé à fond dans la réalité, bien mieux à même de comprendre la vie des familles et leurs conditions de vie. Je me suis contenté de sourire ; j’ai dit que c’était là notre spiritualité : nous allons vers les pauvres des régions montagneuses les plus reculées, pour les aider à reconnaître le visage aimant de Dieu, du Très-Haut.

Je me suis senti tout heureux que mon partage candide les amène à une prise de conscience : leur regard, leurs impressions s’arrêtent aux aspects théoriques et officiels, tandis que ma perception est une combinaison d’action concrète et d’expérience vécue. Comme Oblat, j’étais fier d’être face à des moines et moniales bouddhistes, y compris un professeur du SIBA, et de converser avec eux. Ma fier-té, c’est d’avoir le Seigneur avec moi ; tout ce que j’ai dit ou décrit est la pure vérité, cueillie dans ma vie quotidienne. Cette expérience et mon partage sincère m’ont rapproché de tous et de chacun dans ce groupe. Étant là, tous ensemble, nous nous sommes entraidés pour saisir la pensée de l’autre et mieux comprendre le peuple sri-lankais. Après tout, presque tous ceux qui viennent à Colombo pour étudier le bouddhisme ou pour travailler ont une vision unilatérale du peuple tamoul : expliquer ma façon de penser et partager mon expérience les a aidés à remettre en cause leurs préjugés.

Je remercie le Seigneur et les responsables de la Mission du Viêt Nam qui, en m’envoyant étudier et servir à l’étranger, m’ont donné l’occasion d’apprendre, et de voir la réalité d’un point de vue positif. Je vous ai livré ici ce que j’ai observé et appris dans ce bref séjour à Kandy, le dernier jour de l’année lunaire.