1. Première fondation (1849-1851)
  2. Seconde fondation: construction d’un centre missionnaire (1852-1858)
  3. Mexique (1858-1866)
  4. La crise. Espoir diminué à Paris. Division interne au Texas
  5. Les Oblats sont toujours au Texas et à Brownsville

Première fondation (1849-1851)
En 1849, le père Adrien Telmon, se croyant encore autorisé de faire une fondation oblate aux Etats-Unis après l’insuccès de l’essai de Pittsburgh, accepta de répondre à la demande de Mgr Jean-Marie Odin, premier évêque de Galveston, d’étendre la présence de l’Église catholique du Texas dans la basse vallée du Rio Grande. Il partit de Montréal avec les pères Gaudet et Soulerin, le frère Joseph Menthe et le scolastique Paul Gélot. Il envoya tempo­rairement le père Gaudet et le frère Gélot à Galveston avec Mgr Odin pendant qu’avec ses deux autres compagnons il prit le bateau depuis la Nouvelle Orléans jusqu’à l’embouchure du Rio Grande. Il débarqua à Point Isabel le 3 décembre 1849 et continua, après deux jours, jus­qu’à Brownsville, à 30 miles de distance.

Il n’y avait là ni église ni résidence puisque Brownsville était une ville nou­velle sur la rive nord du Rio Grande, rivière qui venait d’être choisie comme frontière internationale entre les États-Unis et le Mexique, après la guerre de 1846-1848. On y trouvait quelques chapelles dans des «ranches », mais les gens qui habitaient ce qui était désormais le côté américain du Texas dépendaient traditionnellement pour les services religieux des prêtres de la ville mexicaine de Matamoros de l’autre côté de la rivière. À cause de sa position sur les nouvelles frontières internationales où le Rio Grande se jette dans le golfe du Mexique, Brownsville, avec son port Point Isabel, était depuis les débuts un important centre commercial et administratif de toute la région de la basse vallée du Rio Grande. C’est pourquoi, surtout au début lorsque les structures politiques, civiles et économiques étaient à peine en formation, arrivèrent beaucoup d’aventuriers euro­péens et américains peu intéressés à la religion dans ce qui demeurait une région catholique rurale mexicaine.

Au début les trois Oblats furent très peu aidés même par les Mexicains qui avaient l’habitude de respecter les prêtres. Les Oblats attribuèrent cette méfiance initiale au fait qu’ils parlaient anglais; les gens hésitaient pensant que ces prêtres n’étaient pas réellement catholiques. De plus, un prêtre vagabond irlandais avait été là avant l’arrivée des Oblats et les gens l’avaient chassé à cause de sa mauvaise conduite. Après trois mois, les Oblats perdirent l’usage de l’édifice qu’ils avaient loué pour la chapelle, car ils n’arrivaient pas à payer le loyer. Ils acceptèrent alors pendant six semaines l’hospitalité d’un officier franco-américain de la garnison militaire. Pendant ce temps, les catholiques n’eurent pas la messe puisque le public n’était pas admis dans la garnison. Les pères voyagèrent alors par bateau sur la rivière pour visiter les postes militaires. Mgr Odin avait confié aux pères la charge pastorale de tout le comté qui s’étendait sur 75 miles en remontant la rivière et même davantage vers le nord. Comme ils ne réussissaient pas à visiter tout le comté, ils eurent la consolation d’être bien accueillis chaque semaine dans la chapelle mariale du village voisin de Santa Rita, fréquentée traditionnellement par les dévots catho­liques mexicains.

Petit à petit, avec l’amélioration civile et le fait que les Oblats commençaient à savoir l’espagnol, ceux-ci gagnèrent la confiance des gens de Brownsville. Ils purent commencer à célébrer la messe en ville le Jeudi Saint dans une petite maison prêtée. À la fin de juin 1850, ils ache­tèrent à crédit une propriété et construi­sirent une petite chapelle en bois, dédiée à Sainte Marie. Ils firent régulièrement les offices en anglais et en espagnol. Au mois de septembre, ils commencèrent la cons­truction d’une école pour garçons et espéraient obtenir des religieuses pour une école de filles. Ironiquement, lorsque les choses commençaient à aller mieux, les premières lettres de Brownsville et de Galveston, qui parlaient des dures condi­tions du début, arrivèrent finalement en France. Ignorant ce qui s’était passé, le conseil général décida de rappeler au Canada les pères Soulerin de Brownsville et Gaudet de Galveston, laissant le père Telmon seul à Brownsville. Après le départ du père Soulerin, le 14 novembre, le père Telmon continua le ministère jusqu’au jour où il constata que sa position isolée et sa mauvais santé lui rendaient la position insoutenable. Il quitta le 22 janvier 1851.

Seconde fondation: construction d’un centre missionnaire (1852-1858)
Mgr Odin fut très déçu mais ne se découragea pas. Ayant beaucoup besoin de prêtres, de religieux et d’argent, il s’embarqua pour l’Europe en 1851. À Marseille, il supplia Mgr de Mazenod de venir en aide au Texas, lui fixant deux objectifs: retourner dans la vallée de Rio Grande et commencer un collège-séminaire à Galveston. Le Fondateur répondit généreusement en faisant partir le plus grand groupe de missionnaires qu’il n’avait jamais envoyé en même temps: 6 prêtres et un frère, tous très jeunes, entre 24 et 34 ans. La supérieur fut Jean Marie Verdet, ordonné prêtre trois ans plus tôt, les cinq autres prêtres avaient été ordonnés prêtres en février 1852, juste avant leur départ. Le frère Pierre Roudet avait fait profession en décembre. Ces sept missionnaires exercèrent une longue et profonde influence sur les missions oblates du Texas où ils demeurèrent jusqu’à leur mort. Quatre vécurent jusqu’à la fin du siècle; les pères Hippolyte Oli­vier, Pierre Parisot, Étienne Vignolle et le frère Roudet. Deux autres, le père Jean Marie Gaye et Pierre Kéralum vécurent encore respectivement trente et 20 ans.

Comme le comté de Rio Grande était régulièrement en état de troubles à cause de la révolution du côté mexicain – expérience souvent répétée par la suite – Mgr Odin laissa d’abord tous les Oblats à Galveston. Ils arrivèrent en mai 1852 et se mirent à l’étude de l’anglais et de l’espagnol, tout en aidant au ministère. Le père Gaye apparut particulièrement doué pour l’espagnol et la culture mexicaine; il fut le pionnier, au cours des 30 prochaines années, de presque toutes les initiatives apostoliques oblates parmi les Mexicains du Texas et du Mexique. Les pères Gaye, Verdet, Olivier et le frère Roudet partirent pour Brownsville en octobre 1852. En février 1853 le père Kéralum et le père Barthélemy Duperray, prêtre diocésain ordonné en France et devenu postulant oblat à Galveston, partirent eux aussi pour Brownsville. Voyagèrent avec eux les Sœurs du Verbe Incarné du Saint-Sacrement, recrutées en France par Mgr Odin pour fonder dans la vallée la première académie catholique pour filles. Elles et leur école sont encore aujourd’hui à Brownsville. Les Oblats ouvrirent eux aussi une école pour garçons, école fermée après le décès du père Duperray dans l’épidémie de 1855. Ils disaient que le ministère de l’enseignement avait un effet négatif sur la santé des Oblats.

Dès le début, la maison de Browns­ville devint noviciat pour les novices d’origine française et les candidats frères mexicains. Mais le père Duperray et le frère novice mexicain moururent lors des épidémies des années 1850. En 1860, un frère novice mexicain quitta après trois mois de noviciat, un fut refusé aux vœux et un vieux prêtre français quitta après quatre mois. Il ne semble pas y voir eu d’autres candidats avant les années 1890.

Le père Kéralum, charpentier et archi­tecte de profession avant de devenir oblat, fut sans doute envoyé à Brownsville non pour le ministère pastoral mais pour aider le père Verdet, lui-même bon construc­teur, et le frère Roudet dans la construc­tion d’une résidence, d’églises et d’écoles dans le vaste district missionnaire de Brownsville, en commençant par la ville. Entre 1853 et 1861 les Oblats ont cons­truit le couvent et l’école des Sœurs, l’église de l’Immaculée conception qui devint l’église mère du territoire mission­naire de Brownsville et enfin leur propre résidence. L’église néo-gothique et le grand presbytère servent encore aujourd’hui.

Comme le Fondateur lui-même a écrit plus tard, la nouvelle fondation de Brownsville était prévue comme centre missionnaire des campagnes et des villages de ce qui était alors le comté de Cameron et de Hidalgo (aujourd’hui comtés de Cameron, Hidalgo, Willacy, Kenedy et partie de Brooks). Avec l’augmentation du personnel, les Oblats commencèrent à prolonger leurs circuits de visites le long du Rio Grande vers l’intérieur qu’ils appelaient «la Costa », territoire parallèle au golfe sur plus de 100 miles vers le nord. En 1853, ils avaient accepté, à la demande de l’évêque, d’étendre leur territoire de mission le long du Rio Grande pour y inclure le comté de Starr, où le père Gaye avait ouvert une résidence dans la ville de Roma, en 1854. Lorsque le père Verdet alla en France en 1855 pour demander d’autres missionnaires, la réponse du conseil général fut de retirer les Oblats de Roma dès que l’Évêque trouverait un remplaçant qui arriva à la fin de juin 1856. Par hasard! Le père Verdet se noya au mois d’août non loin de la Louisiane lors du naufrage d’un navire marchand sur lequel se trouvait le matériel acquis pour les constructions de Brownsville. Le père Kéralum y arriva pour continuer les travaux du père Verdet.

Lorsque les Oblats décidèrent de quit­ter l’école de Galveston en 1857, la com­munauté de Brownsville en profita et jeta les yeux vers le Mexique. Cinq des sept religieux de Galveston furent envoyés à Brownsville, y compris le père Gaudet qui, après le décès du père Verdet, avait été envoyé à Galveston comme supérieur des Oblats du Texas. Les autres étaient les pères Parisot et Vignolle, arrivés en 1852, le père de Lustrac et le frère Copeland, entrés dans la Congrégation à Galveston. À son arrivée à Brownsville en octobre 1857, le père Parisot, sur instance de Mgr Odin, partit avec le père Gaye, char­gés provisoirement des églises des catholiques de langue espagnole et anglaise de San Antonio en l’absence du pasteur parti pour l’Europe. Ils espéraient que l’Évêque les y aurait laissés, mais ce ne fut pas le cas.

Mexique (1858-1866)
Après le retour des pères Parisot et Gaye en mai 1858, et après le décès du père de Lustrac la même année, il y avait de nouveau à Brownsville cinq prêtres, tous du premier groupe, sous la direction du père Gaudet. Bien que cela était peu au-dessus du strict minimum pour les communautés de langue anglaise et espa­gnole de la ville et pour les visites dans les villages et les «ranches» des comtés de Cameron et Hidalgo, les Oblats bondirent sur une offre qui leur fut faite. Pendant plusieurs années, ils avaient été demandés pour aider le clergé de la grande ville de Matamoros, de l’autre côté du Rio Grande, et dans d’autres villes mexicaines. Après avoir quitté Roma, le père Gaye avait aidé occasionnellement le curé de Matamoros, le père Mùsquiz en décembre 1855 et janvier 1856 avant d’être envoyé au Mexique pour quêter en faveur de la construction de l’église de Brownsville. À son retour de San Antonio à l’été 1858, il fut demandé par le père Mùsquiz, doyen de l’état mexicain du Nord Tamaulipas, pour prêcher une mission d’un mois dans une ville de l’intérieur. À la fin de la mission, le curé de Matamoros, qui pensait à sa retraite, lui demanda de se charger de la cure, sans avoir le titre de curé.

Mgr de Mazenod avait toujours espéré que la fondation le long du Rio Grande aurait eu d’importantes conséquences sur le Mexique. Les Oblats acceptèrent l’ad­ministration de Matamoros où le père Gaye est demeuré jusqu’en 1864, aidé par plusieurs assistants. En 1860-1861, le père Parisot s’occupa du ministère pasto­ral de la ville de Reynosa à 60 miles en amont de la rivière du côté mexicain. Alors que le père Verdet n’avait pas obtenu d’Oblats pour le Texas en 1853, le père Gaudet en obtint en vue du ministère à Matamoros et au Mexique. Le Fonda­teur envoya deux prêtres en décembre 1859, les pères François Sivy et Joseph Rieux, et trois autres en 1861: Jean Eugène Schumacher, Jean Maurel et Jean Marie Clos. Sivy et Schumacher mouru­rent lors de l’épidémie de 1862, les autres travaillèrent longtemps le long du Rio Grande.

Avec ces nouveaux renforts, le père Olivier prit avec lui en 1860 le nouvel arrivé Sivy pour se charger de la paroisse de Ciudad Victoria, capitale de Tamau­lipas, à 190 miles au sud de Brownsville, mais ils furent chassés à la fin de l’année par les autorités libérales qui avaient établi leur domination politique au Mexique. Le père Gaye laissa aussi la remuante et cosmopolite Matamoros à la fin de 1864 pour aider et éventuellement remplacer le vieux pasteur mexicain de la petite ville de Agualeguas, 40 miles au sud-ouest de Roma, dans le voisinage de l’état mexicain de Nuevo Léon. Cette fois les autorités oblates ne se sont pas souciées du fait que cette ville est éloignée de Brownsville, puisque cet endroit était au Mexique et près des frontières. La ville de Agualeguas se trouvait hors des routes importantes et trop «insignifiante» pour préoccuper les libéraux de la présence du clergé français. Les pères Gaye et Rieux demeurèrent là pendant deux décennies, exerçant le ministère à Agualeguas et dans deux ou trois villes voisines.

Les guerres civiles aux Etats-Unis et au Mexique entre 1860 et 1866, incluant l’intervention française au Mexique, ap­portèrent des malheurs au peuple, tout comme le blocus des ports américains, ce qui accrut l’importance de Matamoros et de son port de Bagdad. La sympathie des Oblats, comme Français dans le sud des États-Unis, était pour le côté perdant dans les conflits des deux pays. La situation de guerre rendit les communications avec les supérieurs français rares et en retard et arrêta tout transfert de personnel vers ou hors de Brownsville. Avec le retour des communications régulières à la fin de la guerre civile en 1865, les Oblats de Brownsville cherchèrent à étendre leur apostolat au Mexique en répondant aux invitations de plusieurs évêques.

Affirmant que les huit prêtres (sans compter le père Gaudet, supérieur), désor­mais assez âgés, étaient surchargés par leur ministère à Matamoros, Brownsville, Agualeguas et dans les divers villages et «ranches », et que le champ du Mexique était mûr pour la récolte, les pères persua­dèrent le père Joseph Fabre, supérieur général, qui envoya trois autres prêtres à la fin de 1865, incluant les pères Joseph Malmartel et Jean Marie Jaffrès, nouveau prêtre. À peine ces pères étaient-ils arri­vés que les Oblats furent chassés de Matamoros en 1866 par le triomphant régime libéral. L’écrasante évidence de la réalité politique du Mexique mit fin aux projets d’apostolat au Mexique dans le futur, à l’exception du poste presque caché de Agualeguas. Les Oblats demeu­raient disponibles pour répondre aux appels de l’Église mexicaine en cas d’urgence, comme a fait le père Esteban Vignolle en étant curé de Reynosa pendant six mois en 1867.

La crise. Espoir diminué à Paris. Division interne au Texas
Les portes du Mexique étant fermées, les Oblats se tournèrent de nouveau vers le Texas. Ils recevaient des invitations pour s’étendre là et voulaient s’établir so­lidement à San Antonio, ville qui prospé­rait, loin de leur bien-aimée vallée du Rio Grande. Cependant, l’administration gé­nérale ne fut pas d’accord pour de nouvelles fondations hors du Mexique. Les membres du conseil général discu­tèrent même pour savoir s’il fallait ou non rester au Texas et cherchèrent un moyen honnête pour quitter, pensant que cette mission était trop isolée et dont le déve­loppement était improbable. Ceci parut plus vrai quand en 1874 fut créé le vicariat apostolique de Brownsville, comprenant le sud du Texas, avec un évêque américain qui venait de l’Ala­bama. On demanda aux Oblats de laisser nommer un des leurs, mais l’adminis­tration générale préférait plutôt les retirer du pays. On les laissa parce que le nouvel évêque ne pouvait les remplacer tout de suite. Ils quitteraient volontiers si une autre congrégation pouvait les remplacer.

Le changement d’attitude de l’admi­nistration générale était évident. Pendant que 23 Oblats étaient arrivés au Texas entre 1852 et 1865, il n’y en eut que 10 entre 1866 et 1883, envoyés seulement pour que les Oblats sur place ne se sentent pas abandonnés. Il y eut dans le même temps huit départs. En 1874, le père Vandenberghe remplaça le père Gaudet comme supérieur. Deux des nouveaux arrivés ne convenaient pas pour cette mission. Un frère quitta la congrégation. Deux pères chargés d’enseigner partirent après une année. Mais le départ qui frappa le plus profondément les Oblats, ce fut la disparition en 1872 du père Kéralum. Pendant ses vingt années à Brownsville «el santo padre Pedrito» était devenu une figure aimée par tous, laïcs et Oblats, non seulement pour son habileté dans les constructions, mais surtout pour son hu­milité évidente, sa gentillesse, son dévouement dans la visite des «ranches ». Lorsqu’il ne retourna pas d’une de ses tournées apostoliques, sa perte inexpli­quée parut symptomatique de cette période de découragement.

Mais dans ses discussions sur le statut de la mission au Texas, l’administration générale décida d’y laisser les pères à moins d’événements contraires. Après l’expulsion de Matamoros en 1866, il y avait 10 prêtres et trois frères dans la résidence de Brownsville, en plus des deux pères de Agualeguas. Ils tournèrent leur regard vers les missions en amont de la rivière, c’est-à-dire vers le district de Roma où ils avaient travaillé une décennie plus tôt. Ce district incluait désormais les comtés de Starr et de Zapata, allant jusqu’au village de San Ignacio au-dessous de Lareda. L’Évêque du Texas fut heureux d’offrir la mission de Roma aux Oblats et l’administration générale «approuva très volontiers ». Dans l’inten­tion de l’administration générale il ne s’agissait cependant pas d’une nouvelle mission mais d’une extension de celle de Brownsville qui avait l’avantage de placer des Oblats près du district de Agualeguas. Avec l’établissement de Roma le territoire de Brownsville fut un peu réduit puisque la ligne de division des deux missions fut La Lomita, enlevant à la mission de Brownsville le tiers ouest du comté de Hidalgo. La Lomita était un «ranche» avec une petite chapelle et une résidence sur une des deux propriétés coloniales qui avait été donnée aux oblats en 1861.

Après que trois Oblats furent placés à Roma, il restait encore à Brownsville huit prêtres et deux frères. Cela semblait beau­coup à qui ne connaissait pas la réalité de la mission. Pour enlever cette impression le père Gaudet écrivit au Chapitre général en 1867. Il affirma que les centaines de ranchs éloignés ne recevaient pas une cure pastorale suffisante par manque de missionnaires. «Pour faire le bien en rap­port avec les exigences, écrivait-il, il fau­drait pouvoir visiter nos ranchos au moins tous les deux mois, ce qui demanderait qu’au moins six pères fussent continuel­lement en course.» Trois de ces circuits missionnaires se trouvaient dans le district de Brownsville, trois autres dans la mis­sion de Roma. Le personnel de Browns­ville devait s’occuper des communaués de langue anglaise et espagnole de la ville de 10 000 habitants, et être aumônier des sœurs. Le père Gaudet faisait peu de ministère, malgré cela on pouvait penser que la communauté était assez nombreuse pour répondre à tous les besoins.

Quelques Oblats accusaient le père Gaudet d’être le vrai problème à cause de ses priorités. Ils disaient que le père tenait à garder beaucoup de pères en ville pendant qu’il en manquait à l’extérieur. En plus, les pères Gaudet et Parisot construisirent une coûteuse académie pour garçons que la plupart des pères ne voulaient pas. La vie «monastique» et l’académie signifiaient moins d’attention et de ressources pour les vastes districts missionnaires, d’où le mécontentement des pères. Déçus par le refus de l’ad­ministration générale d’accepter de nouvelles fondations au Texas, le désac­cord des pères apparaissait davantage contre les priorités du supérieur. Le père Parisot et les deux autres supérieurs, les pères Gaudet et surtout Vandenberghe accentuèrent le malaise en essayant d’améliorer le ministère parmi les fidèles de langue anglaise de la ville, disant que les négliger serait négliger la future évolu­tion du pays. Ils firent beaucoup d’efforts pour établir l’académie des garçons, le collège Saint Joseph, essayant d’améliorer l’éducation pour le bien des futurs leaders. Dans ce but, ils firent appels à deux différentes congrégations de frères qui ne restèrent pas longtemps, ou encore en nommant professeurs un ou plusieurs Oblats. Ils firent appels aux Oblats de langue anglaise du Canada.

En 1877, le père Soullier, dans sa visite canonique comme assistant général, pensa que le collège était une erreur étant donnée la situation de Brownsville; il confirma le jugement de l’administration générale sur l’opportunité de retirer les Oblats du Texas, quand cela pourra se faire honnêtement. Il donna ordre aux Oblats de se retirer de l’administration du collège. À partir de ce moment, le père Fabre, de Paris, chargea souvent le père Vandenberghe de trouver le moyen de retirer les Oblats du Texas, même s’il savait que cela allait contre le sentiment de ceux qui s’y trouvaient.

Malgré cela, les Oblats continuèrent leur ministère à Brownsville et dans les villages et les «ranches» de son vaste territoire. En plus des chapelles privées de San Rafael, San Pedro, Santa Rita, Encantado et El Carmen le long de la rivière et de Tio Cano à l’intérieur, il y avait aussi la chapelle de Point Isabel, détruite au départ de «l’union army» en 1864 et par les ouragans de 1874 et de 1880, mais reconstruite chaque fois par le courageux père Parisot. Une nouvelle chapelle, construite à Aguanegra en 1868 par le propriétaire du «ranch », devint un centre religieux pour la partie Est du comté de Hidalgo. Même quand la mis­sion du Texas était de plus en plus mise en question en France, les missionnaires de Brownsville ajoutèrent de nouvelles chapelles aux limites opposées de la route de la rivière: à Santa Rosalia sous Brownsville en 1877, à Edinburgh (au­jourd’hui Hidalgo) en 1879. Mais les épreuves succédèrent aux épreuves. L’ou­ragan de 1880 ne détruisit pas seulement la chapelle de Point Isabel, mais l’inondation de la rivière et son nouveau cours causa l’abandon de la chapelle de El Carmen et la perte de celles de San Rafael, San Pedro, Encantado, Aguane­gra, Ti Cano et Santa Rita ou Villanueva. Les deux seules chapelles sauvées furent la nouvelle chapelle de Santa Rosalia et d’Edinburgh.

En 1882, un joyau de chapelle fut terminé à Santa Maria, mais dès le début la nouvelle ville à qui elle devait servir de lieu de culte se développa trop loin d’elle. Quand le père Louis Pitoye fut envoyé en 1883 de Brownsville à la mission de Rio Grande City (séparée de Brownsville en 1880), les limites entre les territoires de mission de Brownsville et de Rio Grande City furent déplacées plus à l’Est dans le comté de Hidalgo, enlevant Edinburgh de la juridiction de Brownsville. Ceci permit sans doute au père Pitoys de continuer à visiter Edinburgh comme il avait fait quand il était à Brownsville. Ceci laissa à cette dernière mission seulement trois chapelles, toutes dans le comté de Came­ron: Point Isabel, Santa Rosalia et Santa Maria. Mais il y avait encore des cen­taines de villages et de ranchs à visiter, avec ou sans chapelles.

Les pères ont continué comme ils avaient toujours fait à prêcher des mis­sions paroissiales partout où ils pouvaient, selon les disponibilités du personnel. Les missionnaires étaient habituellement deux, quelquefois trois, et restaient sur place plusieurs jours ou semaines. C’est le père Gaye qui avait donné la première mission, mais les prédicateurs les plus connus furent les pères Olivier et Clos. Ils avaient prêché dans plusieurs villes du Mexique avant d’être chassés en 1866; ils furent ensuite invités dans plusieurs villes du Sud du Texas.

Les Oblats sont toujours au Texas et à Brownsville
Le père Vandenberghe mourut au cours d’une épidémie en 1882. Le père Aimé Martinet, assistant général, fit alors une visite canonique. Il constata le bien opéré par les Oblats et l’attachement de la population. Il proposa à l’administration générale d’accepter deux fondations dans le diocèse de San Antonio: la paroisse Sainta Maria à San Antonio et le vaste district de Eagle Pass. Il proposa aussi de créer une province oblate américaine, comprenant les misions du Texas et les maisons de l’Est des États-Unis relevant jusqu’alors de la province du Canada. L’administration générale accepta ces propositions. La fondation de San Anto­nio donna finalement au Texas un pied à terre solide. La première province améri­caine fut érigée le 5 mars 1883. L’histoire des provinces, de leurs maisons et de leurs œuvres sera exposée brièvement dans d’autres volumes du Dictionnaire histo­rique oblat.

Robert E Wright, o.m.i.