1. Les écrits d'eugène de mazenod
  2. Les constitutions et règles
  3. Les chapitres généraux
  4. Les supérieurs généraux
  5. La tradition de l'église
  6. L'actualité de l'enseignement du fondateur

LES ÉCRITS D’EUGÈNE DE MAZENOD

Dès ses débuts, la Congrégation des Oblats de Marie Immaculée s’est souvenue de ses défunts. Cette sollicitude pour les morts, si évidente dans les écrits du Fondateur, apparaît clairement aussi dans nos Constitutions et Règles, dans les actes des Chapitres généraux et dans les circulaires des supérieurs généraux. Le souvenir vif et affectueux de nos défunts dans nos prières fait partie intégrante de cet héritage que nous a transmis Eugène de Mazenod à partir de la tradition de l’Église, et qui garde encore son actualité. Cet article entend s’arrêter brièvement sur chacun des points qui viennent d’être mentionnés.

Dans sa correspondance, le Fondateur revient souvent sur la peine qu’il ressent à la mort d’un Oblat. «Que te dirai-je, mon cher enfant, écrivait-il au père André Sumien, à Aix, du malheur qui nous a tous consternés. J’en suis abasourdi et puis à peine y croire» [1]. Apprenant, à une autre occasion, la mort accidentelle d’un autre de ses jeunes prêtres, il écrit au père Hippolyte Guibert, à Ajaccio: «Je viens d’offrir le saint sacrifice pour ce bon Père dont votre dernière lettre m’annonce la mort. Je le pleurerai toute ma vie comme ceux qui l’ont précédé dans l’éternité, de la perte desquels je suis inconsolable […] Je partage votre douleur […] un coup pareil m’atterre; mon âme est abîmée de douleur» [2]. Jusqu’à la fin de sa vie, la mort l’a profondément affligé, ainsi que nous le révèle cette lettre à Mgr Étienne Semeria, à Jaffna: «Qu’elle est amère la mort lorsqu’elle nous enlève ceux que nous avons tant de raisons de regretter. Croyez-vous que je me sois accoutumé à la pensée de la perte, par exemple, de notre si bon, si aimable, si admirable père Aubert? Je gémis plusieurs fois chaque jour sur cette perte irréparable. Le vide qu’il laisse auprès de moi est un abîme que rien ne saurait combler. Il fait faute à mon cœur, il fait faute journellement au service de la Congrégation, il fait faute à chacun qu’il édifiait, qu’il aidait, qu’il encourageait, qu’il entraînait par ses conseils et surtout par ses exemples. C’est à ne pas s’en consoler quelque soumis que l’on soit à l’impénétrable volonté de Dieu» [3].

Cependant Mgr de Mazenod ne se reprochait pas de se laisser abattre par la mort d’un Oblat. Au contraire, en 1831, par exemple, il écrivait au père Henri Tempier: «Jésus Christ, notre unique modèle, ne nous a pas donné cet exemple. J’adore son frémissement et ses larmes sur le bord de la tombe de Lazare autant que je dédaigne et abhorre le stoïcisme, l’insensibilité et l’égoïsme de tous ceux qui voudraient, ce semble, dépasser ce prototype de toute perfection» [4].

Il ne faut donc pas s’étonner que la foi du Fondateur ait été fortement éprouvée par la mort de ses compagnons [5]. La Congrégation était habituellement à court de personnel et on ne pouvait que rarement répondre aux besoins les plus urgents. La façon dont la Congrégation était mise à l’épreuve lui semblait parfois mystérieuse. «Plus un sujet est bon […] plus je suis inquiet, parce que [la mort] choisit ses victimes dans l’élite» s’exclame-t-il dans une lettre au père Hippolyte Courtès [6]. Tout ce qu’il peut faire, bien souvent, c’est de s’incliner devant le dessein de Dieu: «Il n’y a qu’à se prosterner et à adorer comme toujours la sainte volonté de Dieu» [7].

Mais Mgr de Mazenod savait se consoler. Les défunts, pensait-il, ne sont plus en exil, car mourir dans le sein de la Congrégation était, selon lui, un véritable signe de prédestination. Ils sont donc entre les mains de Dieu, le but final de toutes leurs espérances. Ils forment notre communauté d’en-haut, liée à celle de la terre par les liens de la charité. Leurs prières et leur amour attirent le reste de leur famille au ciel pour y habiter avec eux [8]. «Leur sainte mort est […] une grande sanction de ces Règles; elles ont reçu par là un sceau nouveau de l’approbation divine» [9]. Le Fondateur en conclut que l’on doit conserver leur mémoire par écrit pour l’édification de toute la Congrégation [10]. Le passage qui suit, extrait d’une lettre au père Courtès, résume bien ce qui précède: «En voilà quatre dans le ciel, c’est déjà une jolie communauté. Ce sont les premières pierres, les pierres fondamentales de l’édifice qui doit être construit dans la Jérusalem céleste; ils sont devant Dieu avec le signe, l’espèce de caractère propre de notre Société, les vœux communs à tous ses membres, l’habitude des mêmes vertus. Nous tenons à eux par les liens d’une charité particulière, ils sont encore nos frères, et nous sommes les leurs; ils habitent notre maison mère, notre chef-lieu; leurs prières, l’amour qu’ils conservent pour nous, nous attireront un jour à eux pour habiter avec eux le lieu de notre repos […] Je les vois à côté de Marie Immaculée, par conséquent à portée de Notre Seigneur Jésus Christ […]; nous recevrons notre part de cette plénitude, si nous nous rendons dignes d’eux par notre fidélité à pratiquer constamment cette Règle qui les a aidés à parvenir où ils sont» [11].

D’autre part, le Fondateur insistait pour que les Oblats n’oublient jamais de prier pour leurs frères défunts, en raison des liens qui les unissaient. Le 22 décembre 1860, il notait dans son Journal: «C’est ainsi que notre petite famille militante sur la terre alimente notre déjà bien nombreuse communauté du ciel. Que ces chers frères, que Dieu appelle successivement à lui, ne nous perdent pas de vue arrivés au comble de la félicité; nous avons un si grand besoin d’assistance et de multiplication pour suffire au travail qui se présente de toutes parts. De notre côté, nous ne les oublions pas quand ils nous quittent. Dans la crainte que quelque obstacle ne s’oppose à leur prompte entrée dans le ciel, nous les accompagnons de nos regrets sans doute, mais surtout de nos suffrages. Toute la Congrégation se met en prière et les indulgences et les bonnes œuvres et le saint sacrifice offert plusieurs fois par chacun de nous leur ouvrent la porte du ciel si toutefois leur sainte mort dans le sein de la Congrégation et le renouvellement de leur profession avant de quitter la terre n’avaient pas suffi pour acquitter toutes leurs dettes envers Dieu» [12]. Mgr de Mazenod pensait même que les prières qui se font sur la terre pour ceux qui ont déjà été glorifiés dans le ciel ont pour effet que Dieu les élève «plus haut dans la gloire» [13]. Cette façon de voir, singulière, dit beaucop sur l’espérance en Dieu chez notre Fondateur.

LES CONSTITUTIONS ET RÈGLES

En rédigeant les Constitutions et Règles de la Congrégation, le Fondateur y a incorporé des articles sur les défunts tirés des Statuti Capitolari des Rédemptoristes et aussi d’autres sources inconnues [14]. Le premier texte approuvé des Constitutions et Règles (1827) contenait plusieurs dispositions sur les membres décédés. Elles ont, en général, été conservées dans les éditions subséquentes jusqu’après le second Concile du Vatican. On a alors peu à peu laissé tomber les articles sur les obsèques à célébrer et, dans l’édition de 1982, on a jugé bon de placer en annexe la liste des suffrages pour nos défunts. Un résumé des dispositions contenues dans les diverses éditions pourrait ici se révéler utile à des fins de comparaison. On n’annotera que les textes tirés des éditions antérieures à Vatican II, avec lesquelles on peut être moins familier. Les additions et les changements apportés à l’édition de 1827 sont indiqués dans l’édition où ils sont apparus la première fois.

1. «Si le malade vient à mourir, avis en sera donné aussitôt, par lettres, à toutes les maisons de l’Institut, afin que tous les membres de la Société l’arrachent au plus tôt par leurs suffrages aux peines du purgatoire» (Première partie, chapitre quatrième, § 4, Suffrages, art. 1).

Les six articles suivants ont été placés sous le titre «obsequies» jusqu’à l’édition de 1928 qui adopta le mot «exsequies».

2. «Les défunts de la Société ne seront pas inhumés avant vingt-quatre heures après leur décès, à moins que, en raison de l’odeur ou pour un autre motif, le supérieur ne juge à propos de devancer un peu l’inhumation» (1827).

L’édition de 1928 simplifia le texte en permettant, pour des raisons sérieuses, de devancer l’inhumation.

3. «Le préfet de sacristie prendra les ordres du supérieur pour remettre à l’infirmier les vêtements appropriés au défunt; on ne l’en revêtira que plusieurs heures après le décès, quand la mort sera indubitablement constatée» (1827).

4. «Les vêtements seront conformes à l’Ordre du défunt. Pour les frères convers, ce sera l’habit qui est à leur usage» (1827).

5. «Le défunt aura entre les mains une croix qu’il gardera dans la tombe» (1827).

6. «Cette croix ne sera pas celle qu’il reçut au jour de l’oblation; celle-ci en effet doit rester dans la Société en souvenir des vertus de celui qui la porta, afin que, auprès des survivants, soient perpétués, en même temps que sa mémoire, les bons exemples qu’il donna à ses frères» (1827).

7. «Dans chaque maison de la Société, afin de rappeler le souvenir de la mort, une croix sera mise en un lieu apparent pour être placée dans les mains de celui qui mourra le premier et être déposée avec lui dans la tombe» (1827).

L’édition de 1853 ajouta que cette croix devait être de bois noir.

À partir de l’édition de 1827, les articles suivants apparaissent sous le titre «Des suffrages».

8. «La Société, dont la tendre charité pourvoit à tous les besoins tant spirituels que temporels de tous ses membres, n’aurait garde d’oublier ceux qui sont morts dans son sein. Non seulement ils auront une large part des mérites de la Société, mais on soulagera leurs âmes immédiatement après leur mort par l’offrande du saint sacrifice de la messe et par des suffrages abondants» (1825).

9. «Si celui qui meurt était prêtre oblat, chaque prêtre dira cinq messes pour lui; s’il était simple oblat, chaque prêtre en dira trois; s’il était novice ou frère lai, chaque prêtre en dira une; si c’est le supérieur général, chaque prêtre en dira neuf» (1825).

L’édition de 1853 prescrit que les cinq messes à dire pour un prêtre défunt, les trois pour un oblat et celle pour un novice ne seront désormais célébrées que par les prêtres de leur province ou vicariat. De plus, tous les autres prêtres de la Congrégation doivent offrir une messe pour un profès décédé et le nombre de messes à célébrer pour un supérieur général décédé est réduit à cinq.

En 1894, on divisa en deux l’article original: un article traitait des suffrages pour le supérieur général (cinq messes), les assistants généraux et le procureur auprès du Saint-Siège (trois messes); le deuxième concernait les autres défunts de la Congrégation. Cette disposition demeura en vigueur jusqu’en 1966 [15].

En retour, le supérieur général, les assistants généraux et le procureur devaient dire trois messes pour chaque profès perpétuel, une obligation qui devait tomber avec l’édition de 1910. De même, la messe offerte par tous les prêtres de la Congrégation devait l’être pour tous les Oblats décédés, qu’ils soient prêtres ou non. «Les Oblats admis aux vœux temporaires et même les novices qui, avant la fin de leur noviciat, auraient émis les vœux in articulo mortis, obtiendront, pour le repos de leur âme, le bienfait d’une messe dite par chacun des prêtres de la province ou du vicariat. Les novices qui n’auront pas fait leurs vœux, même à l’article de la mort, recevront le même secours, mais seulement des prêtres qui sont dans la maison où ils habitaient».

L’édition de 1910 inclut l’économe général parmi ceux pour lesquels trois messes devaient être dites et précisa que le procureur dont il était fait mention dans le texte de 1894 était celui auprès du Saint-Siège. On simplifia aussi l’article 385: «Si le défunt a fait des vœux perpétuels, chaque prêtre dira une messe pour lui». Puis, en 1928, en conformité avec le nouveau code de droit canonique, les Constitutions et Règles présentèrent les dispositions suivantes: «Tous les autres défunts de la Congrégation, y compris les novices, recevront le bénéfice des suffrages suivants: 1o pour chacun d’eux, le Supérieur général, les assistants, l’économe général, le procureur auprès du Saint-Siège diront une messe; 2o dans les provinces, les pères diront une messe pour chaque défunt de la province; 3o enfin, pendant les douze mois qui suivront leur décès, tous nos défunts auront le bénéfice de deux messes par mois de la part de tous les pères de la Congrégation» (C et R de 1928, art. 363).

10. «Les oblats et les novices recevront, pour le défunt, la sainte communion autant de fois que les prêtres auront de messes à dire». «Les frères convers réciteront, pour le défunt, chaque jour pendant une semaine le chapelet et recevront pour lui la sainte communion comme les oblats et les novices» (1827).

L’édition de 1894 ne demandait qu’aux oblats et aux novices (et non plus aux frères convers) d’offrir le même nombre de communions que les prêtres de leur maison avaient de messes à offrir. Les frères devaient offrir un chapelet par jour pendant une semaine uniquement pour les défunts de leur propre maison. L’édition de 1928 précisa que les Oblats et les novices qui n’étaient pas prêtres devaient offrir autant de saintes communions pour le défunt que les prêtres de leur propre maison avaient de messes à offrir.

11. «Outre la messe dite par chaque prêtre, on célébrera un service funèbre dans chacune des maisons, après la récitation de l’office des morts en entier dans la maison du défunt et de seulement un nocturne avec les laudes, dans les autres maisons» (1827).

L’édition de 1853 limita aux maisons de la province ou du vicariat du défunt le devoir de célébrer un service et de réciter l’office, et précisa que, dans les autres maisons, le service devait suivre la récitation du nocturne et des laudes. Plus tard, le texte de 1928 parlerait d’une messe chantée et d’une absoute au lieu de funérailles et dirait encore plus clairement que les dispositions ne s’appliquaient qu’aux maisons de la province ou du vicariat du défunt.

12. «Dans chaque maison de la Société, on appliquera au défunt par mode de suffrages, pendant huit jours, toutes les prières, communions, pénitences et bonnes œuvres; à la prière du soir, on fera mention de lui» (1827).

L’édition de 1853 devait limiter l’application de ces suffrages aux maisons de la province ou du vicariat qu’habitait le défunt. Il en était de même de la mention faite à la prière du soir. Le texte de 1928 omit la référence aux maisons d’un vicariat.

13. «S’il s’agit du Supérieur général, les suffrages susdits, le service funèbre et l’office des morts en entier auront lieu dans toutes les maisons de la Congrégation. Il en sera de même aussi, dans toute la Congrégation, pour les assistants généraux et le procureur; mais le service funèbre ne sera célébré pour eux qu’à la maison générale et à la résidence d’un provincial ou vicaire des missions» (1894).

Cet article était nouveau en 1894. En 1910, on ajouta à la liste l’économe général et, en 1928, on remplaça le service funèbre par une messe solennelle avec absoute. De plus, «la messe solennelle et la récitation de l’office des défunts ne [devaient] avoir lieu, pour ces derniers, qu’à la maison générale et à la résidence de chaque provincial ou vicaire des missions».

14. «Les membres qui n’appartiennent à aucune province et sont soumis à l’autorité immédiate du Supérieur général, seront considérés, quant aux suffrages actifs et passifs, comme s’ils appartenaient à la province où ils résident» (1928).

Cet article est apparu pour la première fois dans les Constitutions et Règles de 1928, n° 368.

15. «À la mort du Souverain Pontife, dans toutes nos maisons, on célébrera pour lui une messe solennelle des défunts; il en sera de même pour le cardinal protecteur, mais à la maison générale et dans les maisons provinciales seulement; et également, dans nos églises, pour l’évêque du diocèse» (1928, n° 369).

Cet article aussi était nouveau.

16. «À la mort du père ou de la mère d’un membre de la Congrégation, on observera ce qui est dit à l’article précédent» [i.e. l’article reproduit ci-dessus au n° 12]. «Les nôtres pourront dire cinq messes au décès de leur père ou de leur mère, et trois à celui de leurs frères et sœurs» (1827).

L’édition de 1928 décida de réunir ces deux articles et d’ajouter «ou d’un bienfaiteur insigne», et «le supérieur fera dire le même nombre de messes pour les parents susdits des Oblats de sa maison qui ne sont pas prêtres» (n° 370).

17. «Le jour anniversaire de la mort d’un membre de la Société, on fera, dans la maison où il est mort ou à laquelle il appartenait, un service auquel toute la communauté assistera» (1827).

En 1953, on devait remplacer le service par une messe chantée. Le texte de 1928 ne parle plus de la maison où le défunt est mort [16].

Ce qui frappe le plus à propos des articles qui précèdent et des décisions des Chapitres généraux que nous allons étudier est le temps et le soin que leur ont accordés le Fondateur et beaucoup d’autres Oblats. Ces dispositions minutieuses témoignent de l’importance que l’histoire et la spiritualité oblates accordent aux défunts.

LES CHAPITRES GÉNÉRAUX

Plusieurs Chapitres généraux ont étudié la question des défunts et des suffrages à leur appliquer. Nous présenterons ici certaines de leurs observations en suivant, pour nous référer aux articles des Constitutions et Règles, les numéros adoptés dans la section précédente.

1. Le Chapitre de 1867 demanda que le provincial, le vicaire des missions ou le supérieur local du défunt avertisse immédiatement le Supérieur général et lui envoie le plus tôt possible tout renseignement édifiant sur la maladie, les vertus et la vie du défunt. Le Supérieur général en avertirait alors toutes les maisons, demandant qu’on applique les suffrages prescrits. Il diffuserait par la suite les renseignements reçus. Sur ce point, le Chapitre de 1887 demanda que le supérieur de chaque maison où le défunt avait vécu fasse parvenir, dans les trois mois, au secrétaire général tous les documents qu’il pourrait recueillir, de sorte qu’ils puissent servir ensuite à l’édification de tous. Les autres membres de la Congrégation qui connaissaient bien le défunt étaient pressés de faire de même. Le Chapitre de 1898 décida que tous les provinciaux tiendraient un registre contenant tous les renseignements qu’un membre aurait donnés sur lui-même ainsi que ses changements de résidence. Chaque année, le provincial devait en envoyer une copie à la maison générale. Ces mesures visaient à faciliter la rédaction des notices nécrologiques [17].

2. à 5. Quant aux obsèques, le Chapitre de 1893 demanda qu’on observe la coutume locale, mais d’une façon toujours modeste, humble et pauvre [18].

6. En plus de la croix d’oblation, le Chapitre de 1837 recommanda que l’on conserve un autre souvenir du défunt, c’est-à-dire une simple notice qui fournirait quelques détails sur sa vie et ses vertus, et qu’on lirait au réfectoire la veille de l’anniversaire de son décès [19].

9. Le Chapitre de 1926 voulut tout d’abord conserver le principe d’une messe célébrée par chaque prêtre de la province. Il en fit une obligation particulière de l’Administration générale et porta à deux les messes mensuelles à dire par chacun pour tous les défunts [20].

11. Le Chapitre de 1893 demanda que les funérailles se déroulent selon les usages du pays, mais insista pour que tout se fasse à la manière des pauvres. Il admettait aussi que l’on puisse négliger plus facilement la récitation de l’office des défunts que l’application des autres suffrages [21].

13. Chaque année, le 21 mai, jour anniversaire de la mort du Fondateur, dit le Chapitre de 1867, une messe devait être dite pour lui, à perpétuité, à la Maison générale. Ce Chapitre établit aussi qu’une messe annuelle serait célébrée à perpétuité, à la Maison générale, pour le Pape Léon XII, en reconnaissance de tout ce qu’il avait fait pour la Congrégation [22]. En 1873, les capitulants décidaient de célébrer, pendant le Chapitre, un service funèbre pour le père Henri Tempier, en signe d’affection et de gratitude pour le rôle important qu’il avait joué dans la fondation de la Congrégation. De plus, le Chapitre général de 1898 décida que chaque fois qu’un chapitre serait convoqué pour élire un nouveau supérieur général, un service funèbre serait chanté pour le repos de l’âme du supérieur général qui venait de décéder [23].

16. Le Chapitre de 1893 admit que l’on accorde facilement la permission d’assister aux funérailles de ses proches parents, mais pas à celles des autres parents, à moins qu’elles n’aient lieu dans les environs [24]. Plus tôt, le Chapitre de 1867 avait fait observer que celui qui avait droit à des suffrages pour ses parents devait en faire la demande auprès des supérieurs de sa province. De plus, en signe de reconnaissance pour nos bienfaiteurs, on devait ajouter à la mention de leurs noms à la prière du soir la récitation, pour eux, d’une sixième dizaine de chapelet suivie du De profundis. Le Chapitre de 1887 ajouta aux prières que l’on disait normalement dans chaque maison ou province pour les bienfaiteurs particuliers une messe à célébrer pour eux tous, une fois par mois, à la Maison générale. Le Chapitre de 1893 se contenta d’inviter les Oblats à l’observance exacte de tout ce que la Règle prescrivait de suffrages pour les défunts [25].

17. Le Chapitre de 1898 demanda que l’anniversaire d’un décès soit annoncé la veille au réfectoire et que l’on s’acquitte, à la prière du soir, des suffrages prescrits. On devait réciter le De profundis ainsi que plusieurs autres prières [26].

LES SUPÉRIEURS GÉNÉRAUX

En 1873, le père Joseph Fabre écrivait ce qui suit: «Depuis [le dernier Chapitre général], nous avons eu le malheur de perdre cinquante-deux de nos pères ou frères. Le Seigneur les a appelés à lui. Je ne puis vous dire les noms de tous ces chers défunts. Mais il en est un qui se trouve déjà sur toutes vos lèvres: c’est celui du R. P. Tempier. Ce Chapitre général est le premier auquel n’assiste plus ce vénéré compagnon du meilleur des pères; nous avions la douce espérance de conserver longtemps encore au milieu de nous ce fidèle témoin des premiers jours de la famille, le Seigneur en a décidé autrement. Nous avons eu la consolation de recevoir son dernier soupir; le Seigneur a voulu récompenser son bon serviteur et épargner à son cœur si catholique et si français les poignantes angoisses qu’il eût éprouvées en voyant le Saint-Père prisonnier à Rome et nos ennemis vainqueurs entrer à Paris! À côté de ce nom à jamais vénéré, permettez-moi de vous citer encore celui de Mgr Semeria, de si douce et si sainte mémoire, enlevé à notre affection d’une manière si rapide et si imprévue. Cinquante autres noms suivent ces deux noms chéris; la liste funèbre est bien longue! Tous nos pères sont morts dans la paix du Seigneur, ils nous laissent un riche héritage de vertus à imiter et d’exemples à suivre; ils sont maintenant devant Dieu avec notre Père bien-aimé. Ils aimaient leur famille religieuse sur la terre, ils l’aiment au ciel où ils prient pour nous, restés dans l’exil. Que leurs prières attirent sur ce Chapitre et sur toute la famille les bénédictions les plus abondantes!» [27].

La lettre circulaire du 22 décembre 1908 de Mgr Augustin Dontenwill traitait des suffrages: «Nos Chapitres généraux se sont occupés, à diverses reprises, de la question des suffrages pour nos défunts. Fallait-il les conserver tels que le Chapitre de 1850, présidé par notre vénéré Fondateur, les avait établis ou, vu l’extension que la Congrégation a prise […] ne convenait-il pas de faire une autre répartition qui, sans être préjudiciable à nos chers défunts, grèverait d’une charge moins lourde les provinces ou les vicariats plus dénués de ressources?». Il poursuivait en rappelant que le Chapitre de 1906 avait modifié trois de ces articles et que cette décision avait été ratifiée par la Sacrée Congrégation des Instituts religieux en décembre 1908. Il concluait ainsi sa lettre: «L’esprit qui a animé sa rédaction demeure toujours cet esprit de charité pour nos défunts qui caractérisait notre vénéré Fondateur. Et je saisis avec empressement cette occasion non seulement pour vous rappeler que c’est pour chacun de nous un devoir de justice de s’acquitter ponctuellement des suffrages prescrits pour nos morts, mais pour vous exciter encore à prier beaucoup pour nos défunts, apostolat fécond qui apaise les ardeurs des flammes du purgatoire et attire sur nos âmes les grâces les plus abondantes du Cœur de Jésus» [28].

De nouveau, en 1927, le Supérieur général revenait sur la question des suffrages à la lumière des Constitutions et Règles révisées par le Chapitre de 1926 dans le but de les rendre conformes au nouveau code de droit canonique. À la fin de sa lettre, Mgr Dontenwill s’exprimait ainsi: «Nous ne pouvons terminer sans mentionner ici notre vénéré Fondateur, dont l’image présidait nos séances et dont l’esprit guidait toutes nos pensées. Nous avons touché à son œuvre en nous demandant, sans cesse, ce qu’il aurait fait lui-même, s’il avait été à notre place. La suite des événements nous donne lieu de croire qu’il a approuvé, lui aussi, notre travail et qu’il est content de nous. Ne faudrait-il pas voir, en outre, son intervention spéciale dans le fait que voici? Le jour même, 2 juillet, où était signé, à Rome, le décret approuvant les retouches faites à nos Saintes Règles, avait lieu, à Notre-Dame de Lumières, l’enquête diocésaine touchant la réalité d’un miracle éclatant qui aurait été opéré, en juin de l’année dernière, par l’intercession de Mgr de Mazenod, non loin de ce sanctuaire qu’il aimait tant» [29].

LA TRADITION DE L’ÉGLISE

En général, la pensée d’Eugène de Mazenod sur la mort et l’après-vie s’enracine solidement dans l’enseignement de l’Église. Il ne fait aucun doute que la mort l’affectait profondément et qu’il devait lutter beaucoup pour l’accepter. C’est, toutefois, par sa foi en la vie à venir, une foi simple et profonde dans le victoire du Christ sur la mort, qu’il a été capable d’en vaincre l’aiguillon. La vie éternelle et le purgatoire de même que la communion des saints étaient des réalités vivantes pour lui. Il les acceptait entièrement sur le témoignage de l’Écriture et de la Tradition. On peut, du reste, difficilement mettre en doute que ses vues sur la prédestination ne se soient situées bien à l’intérieur de l’orthodoxie, même si des études plus poussées seraient utiles pour clarifier sa position en la mettant dans son contexte historique. Le Fondateur croyait également, en accord avec la pratique et l’enseignement de l’Église, que les prières pour les défunts étaient salutaires et saintes, et qu’elles servaient à libérer les âmes du purgatoire. Mais il était aussi d’avis que les prières et les bonnes œuvres offertes par les vivants pouvaient aider les défunts à obtenir une place plus élevée dans le ciel. Comment le Fondateur en était-il arrivé à cette conclusion et quelles étaient ses raisons de soutenir cette opinion? Cela demeure obscur. Pour certains, c’était aller au-delà de l’enseignement reçu, à savoir qu’avec la mort il n’est plus possible de mériter. Sa position surprend sans doute et exigerait une étude plus poussée.

L’ACTUALITÉ DE L’ENSEIGNEMENT DU FONDATEUR

La préoccupation communautaire est une caractéristique de notre temps. De nos jours les gens deviennent de plus en plus conscients de leur interdépendance politique et économique. La technologie, les voyages et les moyens de communication amènent les pays à former une communauté universelle. On discerne à l’échelle du monde des signes d’espérance d’une harmonie dans le bien-être et la solidarité. Et pourtant les progrès dans les moyens de communication nous ont fait saisir l’étendue de la misère humaine. Nous découvrons partout les malheurs qui affectent la société de différentes façons et à différents niveaux. Il y a des situations tragiques et désespérantes d’oppression, de faim et d’aliénation. On est en quête de réponses et de valeurs qui puissent donner un sens à tout cela.

Nous, Oblats, sommes appelés à chercher une réponse aux aspirations des gens, en nous laissant guider par l’esprit d’Eugène de Mazenod. Cet esprit éclaire encore nos espoirs et nos craintes. C’est l’esprit de compassion et de confiance du Christ, un esprit de foi et de justice, un esprit de solidarité familiale. Notre Fondateur a été fermement soutenu par sa communauté oblate, celle des vivants et des morts, et, dans un sens plus large, par la communion des saints. Sa vision embrassait le présent et l’au-delà, les souffrances et la miséricorde, et tenait compte des aspirations humaines comme du plan d’amour de Dieu. Elle offre encore à notre monde une réponse et des valeurs, et un avant-goût de la vie future.

La pensée de Mgr de Mazenod sur les vérités que la mort nous fait saisir vaut pour ses disciples comme pour les gens qu’ils desservent. Elle nous montre sa compassion devant la souffrance humaine, son espoir devant la tragédie, sa coopération dans la poursuite de valeurs durables et sa conscience d’appartenir à une communauté qui transcende les limites du temps et de l’espace. Elle situe le Christ carrément au centre de l’histoire et nous met au défi d’en vivre le mystère, tout en cherchant à s’épanouir pleinement. Elle nous enseigne qu’en mourant nous prenons vie et que nos désirs les plus ardents ne sont pas vains. Elle nous fait voir avec certitude que justice sera faite un jour et que les pleurs cesseront à jamais. Elle met en évidence le fait que chacun a sa dignité et son importance, et que, au plan horizontal comme vertical, nos destinées s’entrecroisent.