1. La lecture de l’écriture sainte selon le père de mazenod
  2. Choix de textes
  3. Témoignage de foi
  4. La parole de dieu accueillie par les oblats
  5. Conclusion

La familiarité d’un homme avec la Bible est révélatrice de son identité spirituelle. Dans cette perspective, nous allons étudier la fidélité d’Eugène de Mazenod à la lecture quotidienne de la Bible, l’influence de quelques textes importants sur sa vie spirituelle et sur son apostolat, sa foi en la puissance de la Parole de Dieu et la fidélité des Oblats à cet exemple de leur Fondateur.

LA LECTURE DE L’ÉCRITURE SAINTE SELON LE PÈRE DE MAZENOD

La Parole de Dieu a été l’aliment habituel de sa vie. «Transmise par Jésus Christ à ses apôtres, elle n’a rien perdu de son efficacité en traversant les siècles, on a senti que, sortie de la bouche de celui qui est lui-même la vie éternelle, elle est toujours esprit et vie» [1].

1. DURANT LES ANNEES DE JEUNESSE

Cette conviction est ancrée dans le cœur d’Eugène de Mazenod grâce à la formation religieuse reçue à Venise de don Bartolo Zinelli. Nous ne connaissons pas dans le détail ce que don Bartolo lui a fait étudier. Il dit simplement dans son Journal: «C’est ce prêtre […] qui m’a instruit de la religion et inspiré les sentiments de piété qui ont préservé ma jeunesse […]» [2]. Si on en juge par les réactions du jeune Eugène, cet enseignement devait comporter une initiation à la Bible pour y trouver un aliment de vie. Rentré à Aix quelques années plus tard, et encore laïque, il recherchait dans la sainte Écriture une réponse aux problèmes concrets de l’existence. Nous en avons une illustration remarquable dans la lettre qu’il écrivit à un jeune officier de l’armée française, Emmanuel Gaultier de Claubry, avec qui il s’était lié d’amitié durant son voyage à Paris en septembre 1805. Pour encourager son ami dans les difficultés à témoigner de sa foi, Eugène lui offre toute une série de passages de la Bible avec ce commentaire: «[…] j’ai rassemblé ici de suite des paroles de consolation que j’ai eu soin de puiser dans la source pure, dans le Livre de vie, dans ce code admirable où tous nos besoins sont prévus et les remèdes préparés. Ce n’est donc point Eugène, c’est Jésus Christ, c’est Pierre, Paul, Jean, etc., qui vous envoient cette nourriture salutaire laquelle reçue avec cet esprit de foi dont vous êtes capable ne sera certainement pas sans effet» [3]. Après avoir cité cette lettre, le père Achille Rey ajoute «Nous ne connaissons pas d’énumération plus complète et plus saisissante en fait de textes propres à ranimer le courage chrétien pour le rendre invincible» [4]. Malheureusement, le père Rey ne cite aucune des références utilisées par Eugène de Mazenod. Cette lettre montre que déjà à cette époque, fin 1805, la Bible est pour lui parole de vie. Cette lettre manifeste aussi une réelle familiarité avec l’Écriture sainte.

2. AU SEMINAIRE

Le père Joseph Morabito a étudié avec soin l’enseignement donné au séminaire Saint-Sulpice [5]. Les archives générales des Oblats conservent les cahiers de théologie d’Eugène. Parmi eux, il y en a deux consacrés à l’Écriture sainte: 1. «Notes sur la vie de Jésus jusqu’à la Passion»; 2. «Les quatre premiers chapitres de la Genèse et notes diverses». Quand on parle de la formation biblique donnée dans les séminaires au siècle dernier, il faut distinguer l’enseignement et la lecture méditée de la Bible. Jean Leflon souligne la pauvreté de l’enseignement malgré les qualités intellectuelles des professeurs, parce qu’on était trop préoccupé d’apologétique [6]. Un point auquel les historiens ne sont pas assez attentifs, et qui pourtant est de première importance, c’est que prêtres et séminaristes d’alors consacraient au moins une demi-heure chaque jour à la lecture de la Bible, et cela façonnait leur mentalité. Ils étaient fidèles à la Lectio divina. Même si les séminaristes gaspillaient leur temps à mesurer l’arche de Noé pour savoir si elle pouvait recevoir tous les animaux lors du déluge, ils recevaient la Bible d’une manière beaucoup plus vitale en en faisant la nourriture de leur réflexion quotidienne. Et ce sera la réaction d’Eugène de Mazenod et de ses compagnons durant toute leur vie.

3. ATTITUDE PERSONNELLE DU PÈRE DE MAZENOD

a. Apprendre à agir comme Jésus Christ

Dans le règlement prévu pour son retour à Aix en octobre 1812, Eugène prend cette résolution: Après prime et le martyrologe, «je lirai la sainte Écriture pendant une demi-heure» [7]. Sa manière de parler et d’agir manifeste que pour lui la partie principale de la sainte Écriture, c’est l’Évangile. Il suffit de voir avec quelle fréquence il se réfère à Jésus Christ comme modèle. En voici quelques exemples. Dans ses notes préparant les premiers sermons du carême de 1813: «[…] l’Évangile doit être enseigné à tous les hommes et il doit être enseigné de manière à être compris. Les pauvres, portion précieuse de la famille chrétienne, ne peuvent être abandonnés à leur ignorance. Notre divin Sauveur en faisait tant de cas qu’il se chargeait lui-même du soin de les instruire et il donna pour preuve que sa mission était divine que les pauvres étaient enseignés, pauperes evangelizantur» [8]. C’est pour réagir comme le Christ que, dès le début, il s’adresse aux pauvres. Même référence à Jésus Christ comme lumière pour la vie: «Que fit Notre Seigneur Jésus Christ?» Cette question explicitée dans la Préface, le père de Mazenod la reprend dans toutes les circonstances de la vie. Sa préoccupation est d’être familier avec la manière de faire et de penser du Christ, pour réagir comme lui. C’est pour acquérir cette attitude que le sujet habituel de l’oraison sera «la vie et les vertus de Notre Seigneur Jésus Christ, que les membres de la Société doivent vivement retracer en eux» [9]. Ainsi, la lecture de la Bible consiste avant tout dans la lecture de l’Évangile, ce qui lui apprendra à être comme le Christ et à vivre avec lui. En se préparant à l’épiscopat, il pourra dire: «Ce livre du saint Évangile m’est confié pour que, conformément à ma vocation ou pour mieux dire à la mission qui m’est donnée, je parte et je prêche la bonne nouvelle du salut au peuple dont je suis chargé» [10].

Le père de Mazenod voulait tellement être fidèle à la résolution prise en 1812 de lire chaque jour la sainte Écriture qu’il s’imposait une pénitence chaque fois qu’il y manquait. On relève dans les notes de retraite de décembre 1813: «Je m’imposerai une pénitence pour chaque manquement inexcusable aux articles de mon règlement […] si c’est la lecture de l’Écriture sainte, deux heures de haire le lendemain» [11]. Il profite des retraites annuelles pour renouveler la même résolution en 1817, 1818 et 1824 [12]. Parce qu’il lui a été fidèle, il peut en mai 1837, au moment de prendre possession du siège de Marseille, remercier le Seigneur qui l’a éclairé par la Bible: «Je vous rends grâce, ô Seigneur, d’avoir fait jaillir cette lumière du dépôt sacré de vos saintes Écritures. En m’indiquant la voie que je dois suivre, en me donnant le désir de la suivre, vous y ajouterez le puissant secours de votre grâce […]» [13]. Et il entend bien continuer dans la même ligne pour être pasteur selon le cœur du Christ, «Alimenter l’amour de Dieu et toutes les vertus qui en découlent par l’oblation journalière du saint Sacrifice, par l’oraison, la prière, la lecture de la sainte Écriture, des saints Pères, de bons ouvrages ascétiques, de la vie des saints» [14]. Le règlement qu’il se propose de suivre comme évêque de Marseille prévoit une heure de lecture de la sainte Écriture [15]. Une brève réflexion montre qu’il profitait aussi des moments libres pour lire la Bible: «[…] j’attendrai qu’on me porte mon café en m’occupant à la lecture de la sainte Écriture» [16]. On remarque que dans ses résolutions le Fondateur dit d’une manière habituelle «lecture» de la sainte Écriture et non pas «étude», car il entend être fidèle à la tradition de la Lectio divina, qui est une lecture lente, durant laquelle le cœur se laisse façonner par la Parole de Dieu.

b. Comprendre le texte selon l’esprit

«Il est plus essentiel […] de réfléchir sur un passage pour connaître quelle a pu être l’intention de l’auteur […] afin de ne pas tomber dans l’inconvénient contre lequel saint Paul nous prémunit de suivre plutôt la lettre qui tue, que l’esprit qui vivifie» [17]. Pénétrer l’esprit d’un texte, parce qu’il s’agit d’un message qui ne s’adresse pas seulement à l’intelligence, mais à tout l’homme. Et celui-ci répond à ce message par son comportement. Pour le père de Mazenod, l’esprit de l’évangile, c’est d’abord la simplicité du vrai missionnaire qui se met à la portée du plus petit, comme il le dit dans un des sermons de La Madeleine: «[…] à l’imitation de l’Apôtre, nous ne sommes pas venus vous annoncer l’Évangile de Jésus Christ avec les discours élevés d’une éloquence et d’une sagesse humaine […] mais la simple parole de Dieu dénuée de tout ornement, mise autant que nous l’avons pu à la portée des plus simples» [18]. Le père de Mazenod a rencontré trop de ces prédicateurs brillants, bons connaisseurs de la Bible, mais prêchant pour se mettre en valeur. «[…] qu’il n’en [soit] pas de nos paroles comme je ne l’avais que trop reconnu des paroles de tant d’autres annonçant les mêmes vérités, c’est-à-dire un airain sonnant et le son des timbales retentissantes» [19].

c. Exprimer le vrai sens de l’Écriture

Ce sera un fruit de la compréhension selon l’esprit. Nous en avons un exemple significatif dans le paragraphe sur la confession dans la règle de 1818. Cette page est originale, même si elle débute en parlant de saint Ignace et de saint Philippe Neri. «Nous ne savons pas où notre Fondateur a puisé toute cette matière» [20]. «Pour la rédaction du paragraphe de la confession, notre Fondateur s’est peut-être inspiré de quelques preions de la Règle de saint Ignace» [21]. Mais les réflexions spirituelles viennent du Fondateur lui-même. Il est intéressant de noter qu’il appelle le ministère de la confession le talent confié par le Christ à ses disciples. Cette manière d’interpréter respecte tout à fait le sens de la parabole (voir Mt 25, 14-30). Le Seigneur confie «sa fortune» à ses serviteurs. C’est tout le trésor du salut qui est confié aux serviteurs pour qu’ils le mettent en valeur. Et dans ce trésor, il y a le ministère de la réconciliation. Ainsi, le père de Mazenod fait ressortir le vrai sens de la parabole beaucoup mieux qu’un certain nombre de prédicateurs de langue française, qui ne voient dans les talents que les qualités personnelles des disciples. Au contraire, il faut y voir toute la richesse de grâce que le Seigneur nous demande de faire fructifier. Durant sa retraite de 1814, c’est ainsi qu’il comprenait la même parabole en l’appliquant aux «grâces extraordinaires» de la vie sacerdotale: «[…] c’était là le talent qu’il ne fallait pas enfouir […]» [22].

4. DIRECTIVES DU PÈRE DE MAZENOD

a. Dans la première Règle de 1818

Pour rédiger les textes concernant les vœux, le Fondateur s’est beaucoup inspiré de la Règle de saint Alphonse. Or voici qu’après les articles parlant de la persévérance, paraît un paragraphe sur le recueillement et le silence, pour lequel le père Georges Cosentino n’a trouvé aucun modèle dans les autres règles religieuses utilisées par le père de Mazenod. Dans ce texte, notre Fondateur redit l’appel à imiter Notre Seigneur Jésus Christ et les Apôtres, nos premiers Pères. «À l’imitation de ces grands modèles, une partie de leur vie sera employée à la prière, au recueillement intérieur, à la contemplation dans le secret de la maison de Dieu, qu’ils habiteront en commun». Et un peu plus loin, il précise: «Quand les missionnaires ne seront pas en mission, ils rentreront avec joie dans la retraite de leur sainte maison, où ils emploieront le temps à se renouveler dans l’esprit de leur vocation, à méditer la loi du Seigneur, à étudier l’Écriture sainte, les saints Pères […]». Nous retrouvons ici l’idéal du père de Mazenod: imiter les Apôtres dans le zèle le plus actif et dans leur attachement profond à la personne de Jésus Christ, ces deux attitudes s’appelant l’une l’autre. Le silence est nécessaire, silence pour écouter Jésus Christ qui parle dans la Bible. L’écoute silencieuse est généreuse, animée qu’elle est d’un amour profond. C’est cela que les Oblats sont appelés à expérimenter «dans la joie», dit le Fondateur. Heureux d’être dans l’intimité du Christ en savourant sa parole. Alors la bouche parlera de l’abondance du cœur (voir Mt 12, 34). Ainsi la lecture de l’Écriture sainte ne se réduit pas à une étude, elle se comprend dans le contexte d’une rencontre avec le Christ, elle est alors une écoute de sa parole, reçue comme un message personnel.

b. Dans le texte approuvé par le Saint-Père en 1826.

Dans le même contexte de silence et d’intimité avec le Christ, on garde la directive: «Il est prescrit à chaque membre de l’Institut d’étudier tous les jours la sainte Écriture» [23]. Je ne sais quelle poussée cléricale a restreint cette étude aux prêtres et aux scolastiques dans la Règle de 1926. Quoi qu’il en soit, dans les éditions de la Règle de 1826 à 1928, cette preion est précédée par le paragraphe sur l’oraison.

c. Dans les lettres aux Oblats

Dès le début de leur formation les jeunes Oblats doivent se familiariser avec la lecture de la Bible. Au père Henry Tempier, maître des novices à Notre-Dame du Laus, le père de Mazenod écrit: «Il faut […] continuer de leur faire apprendre par cœur quelques versets du Nouveau Testament tous les jours […]» [24]. La directive de la Règle semble assez importante au père Jean-Baptiste Berne, enseignant au grand séminaire de Fréjus, pour qu’il demande au Supérieur général une dispense partielle de l’obligation de lire la Bible chaque jour. Mgr de Mazenod lui répond pour la lecture spirituelle, puis pour la Bible: «[…] je consens volontiers à ce que vous réduisiez à vingt minutes, au lieu de demi-heure, le temps que vous y employez. J’en dis autant pour la lecture de la sainte Écriture, puisque le genre de vos études vous oblige d’exploiter souvent cette mine si féconde» [25]. Cet exemple montre clairement ce qu’à l’époque notre Fondateur et les Oblats entendaient par «lecture de l’Écriture sainte». Le père Berne enseigne au grand séminaire; il a donc besoin pour son enseignement d’étudier la Bible; cela ne suffit pas, il lui faut aussi une lecture continue du Livre saint. Ainsi les Oblats, à la suite de leur Fondateur, veulent être fidèles à la tradition de la Lectio divina.

CHOIX DE TEXTES

Certains fondateurs d’ordres ont été providentiellement frappés par un texte de l’Écriture qui a radicalement changé leur genre de vie. On peut citer l’exemple de saint Antoine, fondateur de la vie cénobitique, bouleversé par le texte de l’Évangile «si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres». Dans la vie d’Eugène de Mazenod, il n’y a pas eu de changement brusque à partir d’un verset de l’Évangile, mais il y a certainement des passages de la Bible qui ont profondément marqué son existence [26]. Sans doute que le plus fondamental n’est pas un ou deux versets de l’Écriture qui reviendrait souvent sous sa plume, mais le récit de la Passion dans son ensemble. C’est en revivant, dans la prière de l’Église, la Passion du Christ qu’il a été touché par son amour sans limites et qu’il a voulu faire de toute sa vie une réponse généreuse à cet amour du Christ. La grâce du Vendredi saint 1807 en est la manifestation la plus claire. On peut y ajouter des réflexions comme celles-ci: «Prêcher, comme l’Apôtre Jésus Christ et Jésus Christ crucifié […] non pas avec le prestige de la parole, mais par une démonstration de l’Esprit» [27]. «Il faut, s’il veut vivre de la vie de Jésus Christ, que selon l’avis de l’Apôtre, il porte toujours en lui la mortification de Jésus Christ […] «pour qu’il complète en son corps ce qui manque à la passion du Christ» (Col 1, 24)» [28]. «Résolution générale d’être tout à Dieu […] de ne chercher que la Croix de Jésus et la pénitence due à mes péchés […]» [29].

Durant la liturgie des jours saints, on entend, dans les Lamentations de Jérémie, les gémissements de Jérusalem abandonnée et persécutée; la tradition liturgique y a vu les plaintes de l’Église qui pleure la défection de ses enfants. Dès son séminaire, Eugène de Mazenod s’est laissé interpeller par cette lecture traditionnelle des Lamentations, comme en témoigne cette conférence pour l’ordination au sous-diaconat: «[…] ils ont pénétré jusqu’au fond de nos âmes ces traits qui déchirent notre Mère, et nous nous sommes écriés avec l’accent de la douleur: Facta es quasi vidua Domina gentium […] Non, non, Mère tendre et chérie, tous vos enfants ne s’éloignent pas dans les jours de votre affliction; un petit nombre, il est vrai, mais précieux par les sentiments qui l’animent, se présente autour de vous pour essuyer ces larmes que l’ingratitude des hommes vous fait verser dans l’amertume de votre douleur» [30]. En un style plus sobre dans la Préface de la Règle, le père de Mazenod redira sa volonté de répondre à l’appel de l’Église aux abois. Je pense donc que la page de l’Écriture sainte qui a animé le plus profondément notre Fondateur, c’est le récit de la Passion. Cette page lui révèle l’amour personnel du Christ pour lui-même, la valeur de toute âme rachetée par le sang du Christ, l’amour de Jésus Christ pour tous les peuples de l’univers. De cet amour du Christ il ne pouvait pas séparer l’amour de l’Église, car elle est «ce bel héritage du Sauveur qu’il avait acquis au prix de son sang» [31]. «Comment serait-il possible de séparer notre amour pour Jésus Christ de celui que nous devons à son Église? Ces deux amours se confondent: aimer l’Église c’est aimer Jésus Christ et réciproquement» [32]. Ainsi, quand il médite les récits de la Passion, c’est par-dessus tout l’amour de Jésus Christ qu’il découvre et dont il s’imprègne [33].

Parmi les textes significatifs que cite notre Fondateur, je retiens d’abord les miracles de la Pentecôte et du début de la vie de l’Église tels qu’ils sont racontés dans les Actes des Apôtres. Les Oblats sont apôtres par le don de l’Esprit. «Vous êtes destinés à être des apôtres, nourrissez donc dans votre cœur le feu sacré que le Saint-Esprit y allume […]» [34]. Il dit au cardinal Fransoni à propos des missionnaires de Ceylan: «Je suis persuadé qu’ils ont une certaine participation au miracle de la Pentecôte; comment expliquer autrement qu’ils aient été capables, en si peu de temps, de savoir suffisamment ces langues difficiles pour instruire et confesser les indigènes de ce pays?» [35]. C’est par la force de l’Esprit que les Oblats accomplissent des miracles aussi merveilleux que ceux des premiers temps de l’Église. C’est ce que le Fondateur affirme dans cette lettre au père Henri Faraud: «Je viens de lire […] tout au long et avec le plus vif intérêt […] l’admirable relation que vous m’avez adressée de la Mission de la Nativité […] Comment vous exprimer tous les sentiments qu’elle a fait naître dans mon âme […] Il faut remonter jusqu’à la première prédication de saint Pierre pour retrouver quelque chose de semblable. Apôtre comme lui, envoyé pour annoncer la Bonne Nouvelle à ces nations […] le premier à leur parler de Dieu, à leur faire connaître le Sauveur Jésus […] Il faut se prosterner devant vous tant vous êtes privilégié parmi vos frères dans l’Église de Dieu dans le choix qu’il a fait de vous pour opérer ces miracles» [36]. Ici encore, nous voyons l’impact de la Lectio divina. Le texte de la Bible ne rappelle pas seulement un événement ancien, il est un message pour aujourd’hui. Parce qu’il a le cœur rempli d’admiration pour les merveilles accomplies par les Apôtres, notre Fondateur saisit la grande valeur de l’apostolat des Oblats aujourd’hui. Dans les lettres qui lui racontent leurs randonnées apostoliques, c’est le Seigneur lui-même qui lui révèle ses merveilles comme il les révèle dans le livre des Actes. Un tel acte de foi traduit un appel, comme il le dit au père Mouchette pour les scolastiques: «Ils doivent savoir que leur ministère est la continuation du ministère apostolique, et qu’il ne s’agit de rien moins que de faire des miracles. Les relations qui nous viennent des missions étrangères nous prouvent qu’il en est ainsi» [37].

Le projet apostolique de Jésus (voir Lc 4, 18-19), même s’il n’est pas souvent cité, du moins en termes explicites, est de première importance pour saisir l’esprit missionnaire de saint Eugène. Quand il cite ce texte ou y fait allusion, c’est pour dire son bonheur d’être appelé comme le Christ et sa volonté de se comporter comme lui. Comme le Christ, il se laisse conduire par l’Esprit, il parle d’«une fidélité scrupuleuse aux moindres mouvements de l’Esprit Saint» [38]. Dans la lettre qu’il envoie au père Tempier quelques jours avant son ordination épiscopale, il parle de la prière du Christ pour nous et il ajoute: «Or, c’est précisément sur ce point que la vertu de l’Esprit Saint fixe davantage ma volonté, et c’est le fruit que j’attends et que j’espère de ma retraite, c’est-à-dire que, dans cette dernière phase de ma vie, il me semble que je suis bien résolu, moyennant la surabondance de grâces que je vais recevoir, de tâcher, par une application assidue, de tellement me conformer à la volonté de Dieu, qu’il n’y ait pas une fibre de mon être qui s’en écarte sciemment» [39]. Si, comme le Christ, il se laisse guider par l’Esprit, son apostolat ne sera plus son œuvre, mais celle de Dieu.

Conduit par l’Esprit, avec et comme le Christ, il se donne généreusement à l’évangélisation des pauvres. Pour illustrer cette affirmation, il faudrait présenter toute la vie du Fondateur. Qu’il suffise de citer quelques notes de la retraite de 1831. «En aurons-nous jamais une juste idée de cette sublime vocation! Il faudrait pour cela comprendre l’excellence de la fin de notre Institut, incontestablement la plus parfaite que l’on puisse proposer ici-bas, puisque la fin de notre Institut est la même que la fin qu’a eue en vue le Fils de Dieu en venant sur la terre. La gloire de son Père céleste et le salut des âmes. Il a particulièrement été envoyé pour évangéliser les pauvres […] Et nous sommes établis précisément pour travailler à la conversion des âmes et spécialement pour évangéliser les pauvres […] Les moyens […] sont encore incontestablement les plus parfaits puisque ce sont précisément ceux mêmes employés par notre divin Sauveur […] mélange heureux de la vie active et contemplative dont Jésus Christ et les Apôtres nous ont donné l’exemple […]» [40]. Voilà bien l’essentiel que la méditation de ce texte met en lumière pour saint Eugène: être comme le Christ, être avec lui.

Très affectueux envers les Oblats, le Fondateur cite souvent les paroles de saint Paul aux Philippiens (1, 3-9), surtout le verset 8: «Je vous poursuis de toute mon affection dans la tendresse du Christ». Ce texte a manifestement inspiré ses relations avec les Oblats. Comme il le cite au complet dans la feuille d’obédience des premiers missionnaires Oblats au Canada, nous avons la chance de connaître la traduction française qu’il utilisait [41]. Nous allons la parcourir en montrant son influence sur la mentalité d’Eugène de Mazenod.

«Quant à moi, je rends grâce à mon Dieu chaque fois que je pense à vous dans toutes mes prières». Rendre grâce, c’est prendre conscience que Dieu est le premier qui agit dans l’apostolat et l’en remercier. «J’ai reçu aussi de bien bonnes lettres du père Ricard. Il me dit tout ce que nos pères en Orégon cherchent à faire pour évangéliser et convertir les peuplades au milieu desquelles ils se trouvent. Que le bon Dieu soit béni de tout le bien qui se fait par nos chers Oblats […]» [42]. Aux pères Charles-F. Gondrand et Charles Baret: «[…] je bénis Dieu du succès qu’il accorde à vos prédications […]» [43]. À ces deux jeunes pères, il recommande d’éviter la vaine gloire, car tout succès doit être attribué à Dieu.

— «Le suppliant avec joie pour vous tous». «Avec joie». Mgr de Mazenod est heureux d’apprendre combien l’apostolat des Oblats est fécond. «[…] j’aurai la consolation de laisser après moi une phalange de bons missionnaires qui emploient leur vie à étendre le royaume de Jésus Christ et à se tresser une couronne pour la gloire. Vous ne sauriez croire la joie que me procure cette pensée» [44]. C’est la même joie qu’expérimentent les missionnaires: «Je ne suis pas surpris que les consolations que le Seigneur vous fait goûter dans l’exercice de votre sublime ministère comblent vos âmes de joie et vous dédommagent de toutes les peines. Le seul récit que vous m’en faites me pénètre de reconnaissance envers Dieu […]» [45].

— «Par rapport à votre communion dans l’Évangile».C’est à la communauté que la mission est confiée, ce qui rend les Oblats solidaires dans leur apostolat. Ils sont compagnons de grâce, car c’est une grâce extraordinaire que de participer à la mission du Fils de Dieu. À la suite de Paul, le Fondateur dit: «communion dans l’Évangile». C’est pourquoi, dans la mesure où il le peut, il communique à ses correspondants des nouvelles d’autres missions, par exemple, dans une lettre au père Faraud, avec cette réflexion: «Je pense que ces détails de famille joints à ceux que j’ai communiqués au père Bermond vous feront plaisir; faites-en autant, je vous le répète, de votre côté, vous savez que nous devons tous dire dans le sens le plus étendu omnia mea tua sunt, puisque nous ne ferons qu’un Cor unum et anima una, tous tant que nous sommes au ciel et sur la terre; c’est là notre force et notre consolation» [46].

— «Confiant aussi en cela, que celui qui a commencé en vous une bonne œuvre, la conduira à son accomplissement, jusqu’au jour du Christ Jésus, comme il est juste pour moi de penser ainsi pour vous que je porte dans mon cœur. Dieu en effet m’est témoin combien je vous poursuis tous de mon affection dans la tendresse du Christ». Le Fondateur aime les Oblats dans la tendresse du Christ. De multiples lettres en témoignent. Au père Faraud: «Il est un père au-delà du grand lac qu’il ne faut pas oublier; sachez bien que vous lui êtes toujours présent, quelle que soit la distance qui vous sépare de lui […] Vous me connaissez peu si vous ne savez pas combien je vous aime» [47]. Au père Louis-Toussaint Dassy: «Je ne sais pas comment mon cœur suffit à l’affection qu’il nourrit pour vous tous. C’est un prodige qui tient d’un attribut de Dieu […] Chacun de vous ne peut pas être aimé davantage que je ne l’aime» [48]. Il peut affirmer en toute vérité: «Je vous poursuis de mon affection dans la tendresse du Christ» (Ph 1, 8), comme il l’exprime au père Mouchette: «Il me semble que plus j’aime des êtres comme vous, mon bien-aimé fils, plus et mieux j’aime Dieu, le principe et le lien de notre mutuelle affection» [49].

— «Et je demande que votre charité abonde de plus en plus en science et en tout sentiment par Jésus Christ». Le meilleur moyen pour le Fondateur de manifester son affection, c’est de prier pour les Oblats. «[…] si je vous disais combien je m’occupe de vous devant le bon Dieu [50]!» L’oraison devant le saint sacrement est le moment idéal pour rencontrer les Oblats dans l’amour du Christ. «J’avoue qu’il m’arrive quelquefois, me trouvant en présence de Jésus Christ, d’éprouver une espèce d’illusion. Il me semble que vous l’adorez et le priez en même temps que moi, et que par lui présent à vous comme à moi nous nous entendons comme si nous étions très près l’un de l’autre quoique empêchés de nous voir» [51].

La phrase de saint Paul suggère une autre réflexion, c’est que le discernement est fruit de la charité. C’est clair dans la suite du texte que ne cite pas Mgr de Mazenod. «Que votre charité abonde de plus en plus en vraie science et en tact affiné qui vous donneront de discerner le meilleur» (Ph 1, 9). Même si notre Fondateur ne se réfère pas explicitement à cette pensée de Paul, sa manière d’agir en est une illustration. C’est toujours dans un climat de charité envers les Oblats qu’il prend ses décisions. C’est parce qu’il les aime qu’il leur demande des comptes rendus précis de leur mission afin qu’il puisse les suivre et agir pour leur bien. Prenons simplement l’exemple de ses relations avec les premiers Oblats envoyés au Canada. «Vous êtes l’objet de ma plus tendre sollicitude, vous êtes sans cesse présents à mon esprit; et mon cœur ne saurait vous aimer davantage en considérant votre fidélité à répondre à votre vocation […]» [52]. «Vous sentez combien, à la distance où nous nous trouvons, les moindres circonstances doivent nous être agréables» [53]. Au supérieur de ce groupe, il rappelle que les décisions doivent être prises dans un climat de confiance mutuelle: «[…] cessez de prendre sur vous seul une responsabilité qui doit être partagée nécessairement par les autres […] c’est en témoignant de la confiance, en montrant de la déférence pour les autres, en sachant modifier ses propres idées pour adopter celles des autres que l’on s’attire leurs sympathies, leur concours et leur affection» [54]. Le Fondateur s’applique d’ailleurs cette règle à lui-même en invitant le même père Jean-Baptiste Honorat à lui parler franchement: «Il ne faut pas craindre de me répliquer quand vous croirez que j’ai donné une décision qui présente quelques inconvénients. Ce sera probablement parce que je n’aurai pas été suffisamment informé» [55].

Ces exemples concrets illustrent le principe énoncé par saint Paul, le discernement est le fruit de la charité.

À ces versets le Fondateur ajoute la fin du verset 11 du même chapitre: «à la gloire et à la louange de Dieu».

À la suite de Jésus qui ne cherchait que la gloire de son Père, saint Eugène partage la même aspiration avec enthousiasme: «Quelle plus glorieuse occupation que de n’agir en tout et pour tout que pour Dieu, que de l’aimer par-dessus tout […] C’est là la vraie manière de le glorifier comme il le désire» [56]. On trouve souvent dans ses écrits des phrases comme celle-ci: «Ayant toujours principalement et uniquement en vue la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes». Et il écrit à son père: «Pourvu que Dieu soit glorifié et que le bien se fasse, c’est tout ce que nous pouvons désirer. Nous ne sommes que pour cela sur la terre» [57].

Ce texte de saint Paul, souvent cité par notre Fondateur, est très suggestif pour la spiritualité missionnaire: action de grâce, joie, communion dans l’Évangile, affection fraternelle, prière les uns pour les autres, discernement, fruit de la charité, pour la gloire de Dieu. Grâce à la lecture fidèle de la Parole de Dieu, ces thèmes pauliniens ont façonné l’âme de notre Fondateur. Le message est toujours actuel.

TÉMOIGNAGE DE FOI

Réflexions sur le mandement de carême de 1844 [58].

Lorsqu’ils prêchaient des missions paroissiales, le père de Mazenod et ses compagnons Oblats expérimentaient la puissance de la Parole de Dieu, mais ils n’ont guère pris le temps d’en parler. L’occasion s’en présenta à Mgr de Mazenod quand, en 1844, le père Loewenbrück prêchait des missions paroissiales successivement en plusieurs églises de Marseille. L’évêque s’y intéressa de près et prit part à plusieurs exercices des missions, ce qui lui rappelait le temps heureux où lui-même se consacrait à ce ministère [59]. Cette expérience lui suggéra de choisir comme thème pour son mandement de carême de cette année-là les missions paroissiales. Même si Mgr de Mazenod s’est fait aider pour rédiger cette lettre, comme pour écrire les autres lettres pastorales, il est évident que celle-ci s’inspire de sa propre expérience. Elle est donc pour nous le témoignage d’un missionnaire qui a proclamé la Parole de Dieu et en a éprouvé la force vitale. Pour exprimer ses convictions, il utilise, tout au long de sa lettre, des textes de la Bible.

1. FOI EN LA PAROLE DE DIEU

Il croit en l’efficacité de la Parole sainte. «Elle n’a rien perdu de son efficacité en traversant les siècles; on a senti que, sortie de la bouche de celui qui est lui-même la vie éternelle, elle est toujours esprit et vie». Parce qu’elle est «esprit et vie» (Jn 6, 62), la Parole de Dieu donne la vie. Puissance de vie que le Fondateur admire chez les fidèles qui accueillent cette parole. Ici il paraphrase le texte, afin d’expliciter ce qu’il estime en être l’esprit. La Parole de Dieu a été comme un «feu ardent qui a porté en elles [dans les âmes] une chaleur divine et leur a fait aimer la loi du Seigneur» (Ps 119 (118), v. 140). «C’est le Seigneur qui a fait rayonner sur ses serviteurs l’éclat de sa face, et ils ont appris à suivre ses voies» (Ps 119 (118), v. 135). «L’Évangile a donné des forces à leur foi» (Rm 1, 16). «Ils ont reçu les discours du Seigneur, ils s’en sont nourris et ils ont trouvé la joie et l’allégresse d’un cœur revenu à Dieu» (Jr 15, 16). Comme on le voit, en comparant ces citations avec le texte même de la Bible, Eugène de Mazenod n’hésite pas à reprendre à sa manière les textes sacrés pour faire ressortir le message qu’on en reçoit. Dans cette retraduction personnelle, il échappe au danger de fantaisie, car il est un lecteur assidu de la Bible et il s’est imprégné de son esprit. C’était déjà la méthode du targum en Israèl et c’est la méthode suivie par la plupart des Pères de l’Église.

Quand il reçoit des nouvelles des missions prêchées dans son diocèse, il salue l’aurore du salut comme Zacharie dans le Benedictus «visites ineffables que le Seigneur, se levant dans le ciel, fait à son peuple dans les entrailles de sa miséricorde, pour lui donner la science du salut et la rémission des péchés» (Lc 1, 77-78). Nous retrouvons toujours la même attitude de foi, c’est aujourd’hui que la Parole de Dieu s’accomplit.

Dans la foi, il voit chez les missionnaires Jésus Christ lui-même. Les missionnaires rompent le pain spirituel «à la place même de Jésus Christ» (2 Co 5, 20) et comme pour Jésus «l’Esprit de Dieu s’est reposé sur eux pour leur faire évangéliser les pauvres» (Is 61, 1 et Lc 4, 18).

2. CONFIANCE EN LA FORCE DE LA PAROLE

Il a confiance parce que Dieu agit, même avant que n’interviennent les prédicateurs. «Voici que viennent les jours où j’enverrai la faim sur la terre, non la faim du pain qui nourrit le corps, ni la soif de l’eau qui désaltère, mais la faim et la soif d’entendre la parole de Dieu» (Am 8, 11). Le commentaire de cette citation vient de l’expérience du père de Mazenod et il est toujours actuel. «Souvent l’action de la grâce devant la prédication évangélique et les cœurs touchés éprouvent aux premiers accents de cette prédication merveilleuse le besoin de s’ouvrir […] pour recueillir la divine semence».

Même si chez certains les fruits de la mission mettent du temps à se manifester, sa confiance en la Parole demeure ferme, parce qu’il est sûr de la force de cette Parole et c’est encore la Bible qui nourrit sa confiance. «La parole ne retourne point vide à celui de qui elle procède» (Is 55, 10). «Vive et efficace, plus pénétrante qu’un glaive à deux tranchants, elle arrive jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit, jusque dans les jointures et dans les moelles, et va démêler les pensées et les mouvements du cœur» (He 4, 12). «Elle est cette lumineuse déclaration des discours de Dieu qui donne l’intelligence même aux enfants» (Os 119 (118), v. 130). Dans l’enthousiasme de sa confiance, le père de Mazenod renforce le texte du psaume, comme il renforce le texte de saint Jacques qui suit: Elle est cet enseignement divin qui pénètre, qui s’empreint [60] profondément dans les âmes et qui a la puissance de les sauver» (Jc 1, 21). On voit comment le texte peut être renforcé par la manière dont Eugène de Mazenod le cite, mais c’est toujours pour traduire sa certitude que la Parole de Dieu est assez forte pour vaincre toutes résistances.

3. LOUANGE AU SEIGNEUR

Même si une longue expérience des missions paroissiales a fourni à saint Eugène l’occasion d’admirer l’œuvre de la grâce, il reste tout aussi enthousiaste qu’au début et il prend le temps de l’écrire aux fidèles de son diocèse, surtout en décrivant le retour des pécheurs qui se pressent au confessionnal. Alors il rend grâce à Dieu. «Croiriez-vous que les miséricordes du Seigneur, que le Roi-Prophète voulait chanter éternellement (Ps 89 (88), v. 1), ne méritent pas d’être exaltées avec toutes les magnificences de son langage inspiré?». C’est là l’ouvrage de la miséricorde de Dieu, et c’est une chose vraiment merveilleuse à nos yeux (Ps 118 (117), v. 23).

L’action de Dieu est tellement puissante qu’elle pousse les hommes vers la sainteté, c’est «un mouvement presque irrésistible qui pousse les âmes vers Dieu, qui leur fait parcourir […] les divers degrés de la justification, toutes les ascensions mystérieuses qui les élève jusqu’à celui qui est la source de toute justice». Alors les pécheurs «se font à eux-mêmes un cœur nouveau et un esprit nouveau» (Ez 18, 31). Cette conversion est la victoire de la lumière sur les ténèbres et le ciel est dans la joie. «Il y a plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitences» (Lc 15, 7). Et il explicite la joie du ciel: «Le Père céleste a retrouvé ses enfants qu’il avait perdus, le Fils d’autres lui-même pour lesquels il est mort; et le Saint-Esprit des cœurs renouvelés dans lesquels il habite; des frères ont été rendus aux anges et aux saints qui sont dans la gloire».

En concluant sa lettre pastorale, Mgr de Mazenod dit son bonheur d’avoir fait l’«expérience de la puissance de la Parole de Dieu dans son ministère des missions paroissiales. Et il est heureux que Dieu lui ait donné «une famille sainte et une postérité spirituelle d’ouvriers évangéliques destinés au même ministère». En utilisant une expression de saint Paul, il les appelle «sa couronne et sa joie» (Ph 4, 7). Aux Oblats, maintenant de vivre la même foi en la Parole de Dieu.

LA PAROLE DE DIEU ACCUEILLIE PAR LES OBLATS

1. EXEMPLES DE QUELQUES OBLATS

Le cas du père Berne cité plus haut est un exemple de la fidélité à la Lectio divina. Pour réfléchir à l’exemple de quelques Oblats contemporains de notre Fondateur, je vais utiliser presque uniquement les textes publiés par le père Yvon Beaudoin dans la deuxième série des Écrits oblats.

a.Le père Tempier.

Sur la page de garde de son Nouveau Testament, conservé à Aix-en-Provence, le père Tempier a calligraphié en latin ce passage du livre de Josué: «Que ce livre de la Thora ne quitte pas ta bouche, mais tu la méditeras jour et nuit pour garder et faire tout ce qui y est écrit. Tu feras alors prospérer ta route et alors tu comprendras» (Jos 1, 8). Sa foi en la Parole de Dieu lui dicte sa conduite comme supérieur du grand séminaire de Marseille. Alors que, selon les historiens, l’Écriture sainte fait figure de parent pauvre dans les séminaires à cette époque, à Marseille on lui accorde plus d’importance. «Après avoir rappelé que «la science de l’Écriture sainte est absolument nécessaire et absolument indispensable pour les ecclésiastiques», le règlement composé par le père Tempier oblige tous les élèves à participer aux conférences qui se donnent une fois par semaine (art. 19), le jeudi matin. Elles présentaient sur quatre ou cinq ans, une bonne introduction à chacun des livres des deux testaments, puis l’exégèse des principaux passages» [61]. Le père Tempier recommande au père Dassy de ne pas faire trop d’archéologie «au détriment de l’étude de l’Écriture sainte» [62].

b. Le bienheureux Joseph Gérard.

Selon lui c’est surtout l’Évangile qui éclaire sa méthode d’apostolat. Aux questions qu’il se pose à ce sujet «la réponse est à toutes les pages de l’Évangile, il faut les aimer, les aimer quand même, les aimer toujours» [63]. Si dans ses notes de retraite il se reproche un «manque fréquent […] à l’Écriture sainte» [64], c’est qu’elle est pour lui très importante.

c. Le père Casimir Aubert. Les notes de la retraite de 1828 valent la peine d’être citées au complet. «Je ferai avec le même soin et encore avec beaucoup plus de respect la lecture de l’Écriture sainte. Je me tiendrai toujours debout et la tête découverte pendant cet exercice. Tant que je n’aurai pas plus de temps que maintenant, je chercherai uniquement dans l’Écriture sainte un sujet d’édification, n’oubliant pas cependant d’acquérir sous ce rapport un degré de connaissance et d’instruction indispensable pour une personne dévouée au service des âmes. Mais je ne dois pas me contenter de cette connaissance assez légère, et dès que le temps me le permettra je dois me livrer à une étude sérieuse de cette partie si essentielle de la science ecclésiastique et pour cela je m’attacherai à étudier chaque partie d’une manière étendue et détaillée, me servant des meilleurs commentaires et surtout ayant grand recours à la prière. Je ferai cette lecture comme si c’était Dieu qui me parlait par l’auteur sacré et comme si ce que je lis était une lettre que le Seigneur m’avait envoyée du ciel, ma patrie véritable» [65]. Cette dernière phrase exprime d’une manière lumineuse ce que toute la tradition de l’Église entend par Lectio divina.

2. APRÈS LE TEMPS DU FONDATEUR

Le père Joseph Fabre (1861-1892) se réfère avant tout aux Constitutions et Règles. Parlant des moyens pour être fidèle à notre vocation, il dit: «L’étude de l’Écriture sainte, la lecture spirituelle se présentent encore chaque jour pour fournir à notre piété un aliment abondant et recueilli aux meilleures sources» [66]. Rendant compte du Chapitre général d’août 1867, il rappelle la nécessité de l’étude, même pour les plus anciens, et pose à tous cette question: «Où en sont nos études pour l’Écriture sainte et la théologie?» [67]. L’enseignement que l’on retire des lettres circulaires du père Fabre, c’est que les Constitutions nous apprennent comment vivre en fidélité et qu’il suffit de les mettre en pratique.

Sous l’autorité du père Fabre, le père Alexandre Audruger fut chargé de rédiger le Directoire pour les missions. Il ne signa pas, mais il reçut une lettre d’approbation du cardinal Hippolyte Guibert, qui avait eu l’expérience des missions paroissiales sous la direction de notre Fondateur et qui reconnaissait dans le Directoire la fidélité à la méthode du père de Mazenod. Concernant la préparation nécessaire aux missions, le Directoire s’exprime en ces termes: «Mais ce que nous devons surtout connaître et par conséquent étudier, c’est la sainte Écriture et la théologie. L’Écriture sainte est le liber sacerdotalis par excellence, dit saint Ambroise; il l’appelle encore substantia sacerdotii nostri. C’est la mine féconde et le puissant arsenal où ont puisé les saints Pères et les Docteurs. C’est le livre qu’il faut dévorer: «Comede volumen istud, et vadens loquere ad filios Israel [Mange ce rouleau; ensuite tu iras parler à la maison d’Israèl]» (Ez 3, 1). «Accipe librum et devora illum [Prends et mange-le]» (Ap 10, 9). C’est le livre de Dieu. Tout s’y trouve: enseignement de la vérité, réfutation des erreurs, condamnation des vices, doctrine de la perfection». Le texte ajoute la citation de 2 Tm, 3, 16 [68].

Des circulaires du père Louis Soullier (1893-1897), on peut en signaler deux dans lesquelles il parle plus longuement de l’Écriture sainte. Le 31 juillet 1894, la sacrée Congrégation des évêques et réguliers publiait, sur l’ordre du pape Léon XIII, une lettre sur la prédication. Le père Soullier ne se contente pas de la communiquer aux Oblats, mais il commente longuement surtout à l’aide des Constitutions et de la sainte Écriture. Le recours à la Parole de Dieu, dit-il, est primordial. Par exemple quand il est question de la simplicité adaptée aux besoins des gens, le Supérieur général dit: «Allons puiser abondamment à la source vive de la sainte Écriture». Et le paragraphe suivant débute ainsi: «En un mot, soyons missionnaires». Et il rappelle l’exemple de notre Fondateur: «Il n’eut jamais qu’un seul but: convertir les âmes par la connaissance et l’amour de Jésus Christ» [69].

Dans la circulaire intitulée Des études du Missionnaire Oblat de Marie, il affirme le principe dès le début: «L’étude de l’Écriture sainte est la première de nos études». Pour développer sa pensée le Supérieur général avait à sa disposition un document qui a eu une influence décisive sur l’étude de la Bible dans l’Église catholique, l’encyclique Providentissimus Deus. «Léon XIII nous y montre, en effet, dit le père Soullier, comment la sainte Écriture est tout ensemble la grande puissance de l’apostolat et l’instrument le plus efficace de sanctification personnelle». C’est sur ces deux grâces qu’il insiste: l’étude de la sainte Écriture est nécessaire à tous les Oblats pour leur apostolat et pour leur sanctification personnelle [70].

Le père Cassien Augier (1898-1906) a été supérieur général à une époque douloureuse pour la Congrégation. C’était, en France, le moment des persécutions contre les religieux et de leur expulsion en 1903. Comme beaucoup d’Oblats étaient français à ce moment-là, c’était la majorité de la Congrégation qui était atteinte. En parlant de ces épreuves le père Augier se réfère à la Bible, aux lamentations de l’Ancien Testament: «Tribulations et angoisse» (Ps 116 (114-115), v. 9), la destruction des communautés (Ps 132, 133), la spoliation de nos biens (Jl 26, 38 s). Il se réfère surtout à la Passion de Jésus, Gethsémani (Mt 26, 38 s) avec l’acceptation de la volonté du Père (Lc 22, 42). Les Oblats portent la croix avec le Christ (Mt 10, 38); ils revivent la destinée des premiers chrétiens, des Apôtres persécutés (Ac 5, 41), des chrétiens dispersés (He 11, 38). Il fait entendre aux Oblats la promesse de Jésus: «votre tristesse se changera en joie» (Jn 16, 20), «bienheureux les persécutés pour la justice» (Mt 5, 10). Soutenus par la parole du Christ, les Oblats seront fidèles jusqu’au bout (Ap 2, 10). Leur grande force, c’est l’unité fraternelle recommandée par le Christ (Jn 17, 22) [71]. Ainsi la Parole de Dieu éclaire la foi et soutient le courage des Oblats à un moment douloureux de leur histoire.

Pour le père Auguste Lavillardière (1906-1908), les questions sont tout autres. En ce début du vingtième siècle, les problèmes d’exégèse sont débattus avec passion. Dans sa circulaire du 21 avril 1907, après avoir rendu compte du Chapitre général de septembre 1906, traitant de la situation des scolasticats, le Supérieur général cite quelques auteurs influents comme Strauss, Baur, Harnack, Renan. Il promulgue le décret du Chapitre qui condamne Loisy et interdit d’enseigner ses thèses [72]. À ce moment où la crise moderniste trouble les esprits, le père Joseph Lemius collabore à la rédaction de l’encyclique Pascendi, qui paraîtra le 8 septembre 1907. Pour l’étude de la Bible, la réaction du Supérieur général et du Chapitre est de se conformer aux directives du Saint-Père.

Dans les circulaires de Mgr Augustin Dontenwill (1908-1931) et du père Théodore Labouré (1932-1944) il n’y a aucune mention spéciale concernant l’étude de la Bible. Ici ou là une citation illustre la pensée du Supérieur général. Notons simplement les évocations évangéliques dans la circulaire de Noèl 1915, qui annonce des célébrations pour le premier centenaire de la Congrégation. Celle-ci n’était au début qu’un grain de sénevé et elle a grandi. Ce qui a favorisé son développement, c’est le zèle des Oblats pour les pauvres. Ainsi l’Institut est devenu comme un arbre puissant au bord d’un fleuve (Ps 1, 3). Quelques paroles de Jésus caractérisent l’attitude des Oblats: «J’ai compassion de la foule» (Mt 8, 2); «Venez à moi, vous qui ployez sous le fardeau» (Mt 11, 28); «Évangéliser les pauvres» (Lc 4, 18). C’est la mission que Jésus a confiée à ses disciples: «Comme le Père m’a envoyé..». (Jn 20, 21) [73].

Le père Léo Deschâtelets (1947-1972) a beaucoup travaillé pour l’intensification des études. Dans son rapport au Chapitre de 1953, il en appelle à «un retour aux sources spirituelles qui doivent nous abreuver et nous stimuler: la sainte Bible, la sainte Règle, la doctrine spirituelle de tous les saints, l’enseignement de la sainte Église» [74]. Présentant les délibérations du Chapitre, il dit «que les professeurs de scolasticat se spécialisent dans la matière qu’ils enseignent en prenant autant que possible un grade en cette matière… surtout en Écriture sainte […] de faire un stage en Terre sainte» [75]. La plupart des provinces ont répondu à cet appel comme le signale le père Daniel Albers dans son rapport au Chapitre de 1959: «Quant à la préparation académique, elle est bonne et s’améliore encore rapidement grâce à l’effort fourni un peu partout ces dernières années» [76].

Au Chapitre de 1959, le père Deschâtelets insiste: «Nous discernons encore chez nous un mouvement qui se dessine; une étude plus approfondie de la sainte Écriture, de la Bible considérée comme un aliment de vie spirituelle […] Nous constatons une faim des saintes Écritures, une soif de cette eau vive qui n’apparaissaient pas autrefois avec tant de netteté. L’article 255, placé dans la règle de 1818, retrouve ainsi tout le dynamisme qu’il renferme pour la génération actuelle des Oblats plus désireux peut-être que ne le furent d’autres d’un retour aux sources les plus authentiques, les plus vivifiantes de la spiritualité» [77].

Il aborde encore ce sujet dans son rapport au Chapitre de 1966. Il veut souligner un point sur lequel il est revenu plusieurs fois: «[…] un point qui a trait au mouvement actuel de la théologie biblique. Comme Oblats et comme missionnaires, nous ne pouvons rester étrangers à cette reprise de contact avec les saintes Écritures. Nous devons être des spécialistes de la Parole de Dieu. Ce devoir doit nous tenir à cœur d’autant plus qu’il reflète la pensée des Souverains Pontifes et celle de l’Église en concile» [78].

Dans ce mouvement de renouveau biblique, les Constitutions et Règles rédigées par le Chapitre de 1966 comportent un paragraphe intitulé Regard de foi à la lumière de la Parole. Les articles 54 à 58 traitent explicitement du rôle de la Parole de Dieu dans notre apostolat.

Les interventions du père Fernand Jetté (1974-1986) constituent un message d’une unité remarquable pour soutenir les Oblats dans la fidélité à leur vocation. Il le situe dès sa première lettre, en citant l’article 137 des Constitutions de 1966: «Amour de l’Évangile, qui est amour de Jésus Christ et qu’on doit tâcher de vivre de façon absolue […] au milieu des hommes, surtout des plus pauvres et en communauté apostolique, c’est-à-dire comme les Douze, qui avaient tout quitté pour être avec Jésus et aller prêcher (Mc 3,14)» [79].

Ainsi, c’est dans la perspective de la vocation oblate que le père Jetté cite la Bible, surtout le Nouveau Testament. Et, plus largement, l’exemple et l’enseignement de Jésus Christ, la mentalité des Apôtres révélée par l’Évangile sont sous-jacents à ses écrits. En voici quelques exemples.

— Amour de Jésus Christ.

Le père de Mazenod a «rencontré en sa propre vie le Christ et connu expérimentalement le prix du sang du Christ [80]. Après avoir évoqué la grâce du Vendredi saint 1807, le père Jetté ajoute: «Ce qui domine ici, c’est l’expérience personnelle du mystère de la Rédemption, la rencontre personnelle avec le Christ Sauveur» [81]. Pour vivre avec le Christ, les Oblats s’engagent par les vœux, en particulier «le vœu d’obéissance s’inspire […] de l’attitude du Christ qui volontairement s’est soumis, jusqu’à la mort en croix, à la volonté du Père (Jn 4, 34; 5, 30; Ph 2, 8; He 10, 7) et a appris, en souffrant, l’obéissance (He 5, 8) […] Aux yeux des hommes, ce vœu témoigne d’une façon toute particulière du mystère du salut du monde par le sacrifice de la croix […]» [82]. Quelques pages auparavant, le père Jetté pouvait dire: «Est authentique pour moi, l’Oblat qui a vraiment tout quitté pour suivre Jésus Christ» [83].

Aimer le monde.

«Ce monde, Dieu l’a tant aimé qu’il lui a donné son Fils unique, non pour le condamner, mais pour le sauver. L’Oblat se souviendra que c’est ce même amour qui le consacre et l’envoie» [84]. D’où cette phrase typique, inspirée par la réflexion sur la vocation oblate à la lumière de l’Évangile: «L’Évangile, c’est l’amour de l’homme jusqu’à donner sa vie pour lui, mais c’est aussi l’amour de Dieu, Créateur et Père de tous les hommes» [85].

Envoyés aux pauvres.

«Être capable d’entendre les appels des pauvres aujourd’hui […] Un appel à une vie plus humaine et moins étouffante, un appel au dépassement et à l’amour, un appel au salut et à la plénitude de vie en Jésus Christ. «Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance», dit Jésus (Jn 10, 10)» [86].

Comme les Douze.

Fidélité à la grâce reçue. Pour nous, c’est la grâce transmise par le Fondateur qu’il faut raviver. «C’était le conseil de Paul à Timothée: raviver le don que Dieu avait déposé en lui par les mains de l’Apôtre (2 Tm 1, 6)» [87].

Fidélité à la mission. «Du serviteur du Christ, de l’intendant des mystères de Dieu, tout ce qu’on demande, dira saint Paul, «c’est que chacun soit trouvé fidèle» (1 Co 4, 12)» [88].

L’audace apostolique. Citant l’exemple d’un missionnaire prêt à donner sa vie: «En lisant ces lignes, le mot de saint Paul me venait à la pensée: «l’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur… (Rm 8, 15)» [89]. Avoir le courage de parler de Jésus Christ: «Nous ne pouvons pas ne pas proclamer ce que nous avons vu et entendu», affirmaient Pierre et Jean devant le Sanhédrin (Ac 4, 20)» [90].

Serviteur. Pour illustrer ce thème, le père Jetté rappelle des textes plusieurs fois cités par le Fondateur. «Ne perdons pas de vue cette belle parole de saint Paul: «Nos autem servos vestros per Jesum. On supporte avec cela tous les ennuis et toutes les peines». «Qui que nous soyons, nous sommes des serviteurs inutiles dans la maison du Père de famille» [91].

Ce ne sont que quelques exemples qui font ressortir la richesse d’une réflexion sur la vie oblate à la lumière de l’Évangile et de l’exemple des Apôtres. On peut en récolter une abondante moisson dans l’ensemble des textes du père Jetté cités plus haut.

Le Chapitre de 1980 situe la Parole de Dieu parmi les ressources spirituelles qui alimentent la vie de l’Oblat [92].

Dans son commentaire, le père Jetté met en lumière le double fruit de la Parole de Dieu: «Cette Parole est à la fois «l’aliment de leur vie intérieure» et l’aliment «de leur apostolat». Il insiste sur un point fondamental: «L’Oblat veut «mieux connaître le Sauveur qu’il aime». Cet aspect affectif, plus personnel, ne manque pas d’importance […]. Il révèle bien que l’intérêt premier de l’Oblat est une pénétration plus profonde du Verbe de Dieu comme Sauveur. Il apprend à lire l’Écriture avec son cœur, «un cœur attentif» […]» [93].

CONCLUSION

Les études bibliques ont beaucoup évolué depuis le temps de notre Fondateur. C’est en profitant le mieux possible des progrès accomplis dans la recherche biblique qu’aujourd’hui nous accueillons la Parole de Dieu. Notre saint Fondateur, avec les premiers Oblats, reste pour nous un modèle de foi et d’attachement au message que le Seigneur nous adresse. Nous pouvons toujours faire nôtre la résolution du père Casimir Aubert: «Je ferai cette lecture comme si c’était Dieu qui me parlait par l’auteur sacré et comme si ce que je lis était une lettre que le Seigneur m’avait envoyé du ciel, ma patrie véritable».

René Motte