1. Les Oblats

La province du Nord-Ouest de Sri Lanka a une superficie de 3400 miles carrés et comptait 220 000 habitants en 1860. Cette province est généralement plate et uniforme à l’exception de la partie sud-est en bordure de la province centrale et de celle de l’Ouest. Le sol est fertile. Les arbres de cocotiers croissent en abon­dance dans la région côtière. La partie du Nord-Est n’est pas cultivée par manque de pluie.

Les régions ecclésiastiques de Kal­pity, Chilaw, Kammala et Kurunagala étaient éloignées mais ne présentaient pas de sérieuses difficultés de communication avec Jaffna. Ces quatre régions étaient les seules riches et saines du vicariat de Jaffna.

D’après le rapport de Mgr E. Semeria à la Propagande, le 3 septembre 1861, dans la mission de Kalpity il y avait plusieurs communautés chrétiennes mais elles étaient généralement assez distantes l’une de l’autre. Il n’y avait que 3700 catho­liques. Dans cette région comme dans toute la province du Nord-Ouest, il n’y avait pas de protestants mais beau­coup de musulmans. Le nombre de ceux-ci allait en augmentant; ils étaient riches et influents parce qu’ils jouissaient du monopole du commerce.

D’après la carte géographique Kalpity est à 158 miles de Jaffna, 35 de Chilaw et 103 de Colombo. Kalpity se trouve à l’en­trée de la lagune de Puttalan, au-delà de laquelle se trouve Mannar. La région était considérée comme une île puisqu’il y avait l’océan au nord et à l’ouest, Deduru oya au sud, le canal et la mer de Puttalam à l’est. L’île mesure 45 miles de longueur du nord au sud et un peu moins de trois de largeur.

Les Oblats
Dans un rapport du vicariat de Jaffna le 8 décembre 1852 Mgr Bettachini écri­vait: à Kalpity nous trouvons quatre ou cinq communautés catholiques parmi quelques païens sur une terre de forêts. Le ministère est confié à deux Oblats. Il y a quatre écoles, 35 000 chrétiens avec 32 chapelles, la moitié sur l’île et l’autre moitié dans les environs. Dans cette mis­sion, bien qu’elle soit la plus étendue du vicariat, les conversions n’ont pas atteint le nombre de 25.

Arrivés à Sri Lanka en 1847 à l’invita­tion du vicaire apostolique de Jaffna, les Oblats ont bientôt étendu leurs activités dans tous les coins du vicariat. Le père Frédéric Mouchel, arrivé à Jaffna le 12 mai 1849 avec le second groupe d’Oblats, après une année à Batticaloa, fut envoyé à Kalpity le 8 septembre 1850, successeur de Don Froilano Oruna, bénédictin espagnol.

Kalpity avait alors un sol pauvre, sec et non cultivé. La mission, qui comprenait les chrétiens de Akkaraipattu, s’étendait jusqu’à Kaddaikadu. Les missionnaires craignaient ce poste, à cause du climat malsain, de la difficulté des communi­cations sur un terrain de sable, du fort vent soufflant depuis Puttalam, et surtout pour quelques incuries des habitants.

Le père Mouchel a bien réussi dans son ministère. Il eut comme compagnon de 1850 à 1852 le père Louis Marie Keating. Immédiatement après son arrivée en 1852, le père Jean Baptiste Pélissier y a été nommé assistant. Il alla résider dans une station éloignée, sans connaître la langue et sans interprète. Il se mit avec courage à l’étude des langues indigènes. Très tôt il parla couramment le tamoul. Le père Mouchel tomba malade avec fièvre, furoncles et éruptions sur tout le corps. Il fut rappelé à Jaffna et envoyé, en septembre 1853, à la mission de Point Pedro en bordure de mer. C’est Erminio Guidi, oratorien italien, qui lui succéda.

Sur cette île se trouve le fameux sanctuaire de Sainte-Anne de Talawila. On lit dans un rapport du vicaire aposto­lique en 1850: «L’église de Sainte-Anne est construite en un beau style et riche­ment décorée en bois coloré. C’est là que chaque année des milliers de pèlerins arrivent de tout Ceylan et du continent pour accomplir des vœux. Le jour de la fête est toujours le dimanche qui suit le 26 juillet ». Autour du sanctuaire construit près de la mer, il y a une plantation de cocotiers, très utile puisque autour de l’église on ne voit que des épines et du sable. D’après la tradition, rappelée par Mgr Bonjean, il est probable que les pèlerinages à ce sanctuaire commencèrent au XVIIe siècle. Il y eut dit-on à l’origine une apparition de sainte Anne. Un Portu­gais, très fatigué après un long voyage, après s’être recommandé à sainte Anne se reposa sous un arbre de banian et s’endor­mit. Il eut un songe dans lequel il crut voir une petite statue de sainte Anne au pied d’un arbre, avec des bougies dont la flamme formait un halo autour de la statue qui demandait un sanctuaire pour elle à cet endroit. En s’éveillant, il vit une vraie statue de sainte Anne comme celle du songe. Il fit aussitôt une petite hutte sous l’arbre et y plaça la statue. Plus tard, quand ses affaires eurent du succès, il érigea une petite chapelle dédiée à la sainte.

Le premier chapelain du sanctaire, selon les documents, fut un prêtre oratorien, appelé Naruncha. Il arriva en 1843. C’est le père Mouchel qui y fut le premier chapelain oblat en 1850. D’autres Oblats furent curés de la mission de Kalpity et administrateurs du sanctuaire. Les plus connus furent Gustave Desforest qui arriva en 1864, Boniface Gourdon en 1865 et François Gouret en 1873. Pendant son épiscopat à Jaffna, Mgr Bonjean fut toujours fier du sanctuaire; il ne manqua pas, autant que possible, de présider les fêtes. Il fit faire de nouvelles construc­tions pour l’utilité des pèlerins et nomma comme chapelains quelques-uns des meil­leurs missionnaires, André Mélizan est le plus remarquable. En 1875, il fut nommé missionnaire à Kalpity et administrateur à Sainte-Anne. Il agrandit et embellit le sanctuaire. De Marseille, son père lui envoya une cloche de 300 kg. Celle-ci orna le clocher et anima les fêtes avec ses carillons mélodieux. Ses successeurs ont continué les travaux en ajoutant des objets utiles pour promouvoir parmi les fidèles la vraie dévotion à la mère de l’Immacu­lée Mère de Dieu.

Une autre région dans le même district du vicariat est Puttalam qui a appartenu à la mission de Kalpity. C’était le siège de l’administration de la province du Nord-Ouest en 1852. Il y avait une église construite vers 1850 et un terrain d’un périmètre d’environ 2 miles et demi. Une partie était plantée de cocotiers, le reste était formé de prairies et de forêts. Il y avait environ 10 000 arbres dont les revenus furent utiles au vicariat. Le père Joseph-Marie Ghilini y a été missionnaire en 1891, tout en visitant la mission de Anuradhapura, où il fut aussi le premier prêtre résidant.

En 1875, le père Augustin Rouffiac vint résider à Akkaraipattu qui faisait d’abord partie de la mission de kalpity.

D’après le rapport de Mgr Semeria, le 3 septembre 1861, il y avait alors à la mission de Kalpity deux missionnaires, trois églises, 19 chapelles, deux écoles et 3700 catholiques.

Jerome Velchior, o.m.i.