Présence oblate 1969

En 1908, le père Jean Marie Étienne Blanchin se trouve au Grand Lac. Il est témoin d’un bouleversement qui se produit dans cette région: l’arrivée d’un chemin de fer à Senneterre à la jonction de la voie navigable Bell, et le début de la colonisation. Le commerce se détourne du poste de la Compagnie de la Baie d’Hudson du Grand Lac en faveur de la nou- velle ville. Car les autochtones s’y rapprochent en émigrant vers le Lac Simon. C’est ainsi qu’en 1923, le premier chef de ce nouveau groupe amérindien, Ignace Papatie, invite le père Blanchin du Grand Lac à donner la mission dans sa maison. Nous lisons dans le registre de cette année-là les actes des trois premiers baptêmes.

En mars 1925, le Département des Affaires indiennes décide de construire une maison-hôpital au Lac Simon, pour les vieillards, les infirmes et les malades. L’essai se fait à petite échelle pour faire face à la situation précaire des Autochtones. S’il s’avère un succès, il servira de modèle pour les autres agglomérations amérindiennes de la région. Ce fut un échec et l’édifice devint centre communautaire.

En même temps et à la demande de la population, le père Blanchin fait les dé- marches auprès des autorités ecclésiastiques pour l’érection d’une église au Lac Simon. La Compagnie Eagle Lumber fournit le bois qu’on transporte en hiver de Senneterre. On bâtit l’église à l’été 1925 et le presbytère en 1926 Le père écrit au Provincial des Oblats, le père Georges- Étienne Villeneuve, le 8 février 1925 :

« 1. Je crois nécessaire l’érection d’une chapelle au Lac Simon pour desservir convenablement 30 familles indiennes établies dans les environs. Voudriez-vous m’autoriser à en parler à Mgr Rhéaume ?

2. Une somme d’argent m’a été confiée à cet effet par les Indiens. M’autorisez-vous à déposer cet argent en banque au nom de la Corporation épiscopale et, avec la permission de Monseigneur, à gérer en son nom toutes les affaires qui ont un rapport direct avec mes missions ?

3. Depuis 1908 à 1923 inclusivement, tout l’argent provenant de mes missions, support et argent donné pour l’église, a été déposé en bloc à Maniwaki avec l’entente que cette maison pourvoirait à l’entretien des chapelles.

Quand la part revenant à l’église sera faite, pourrai-je ajouter cette somme à celle dont je vous parle ci-dessus au no 2 et la gérer aux mêmes conditions ? Pour éviter de porter l’argent sur moi, puis-je ouvrir un compte à la Banque de Senneterre au nom de la corporation des Oblats ? Si oui, il me faudrait une autorisation écrite pour retirer tout ou en partie selon le besoin. Selon vos sages suggestions, je soumettrai par écrit à Monseigneur la question des écoles indiennes et je m’en tiendrai absolument à sa direction.

N.B. Pour ce qui a rapport à la construction de la chapelle, le bois doit nécessairement être transporté en hiver et cet hiver, selon le désir des Indiens et le consentement de Monseigneur. De plus, comme je vous l’ai dit, Mgr Rhéaume affecterait à cette construction l’argent en dépôt à Maniwaki. C’est donc vous demander une décision presque immédiate au sujet des autorisations demandées et au règlement de compte définitif au sujet du dépôt fait à Maniwaki » (Archives de la Maison provinciale, 3D4/ 1 – Lac Simon, correspondance – 1969-1990).

Le projet est approuvé le 19 février et le document signé par le père G.-É. Villeneuve.

Le 3 décembre 1925, le père Blanchin fait une nouvelle demande, soit de bâtir en arrière de la chapelle du Lac Simon une sacristie-maison; ce qui lui est accordé. Voir les lettres à la même référence que ci- haut.

Depuis, et jusque dans les années 60, le missionnaire put visiter régulièrement le regroupement amérindien du Lac Simon et y demeurer quelques semaines chaque fois.

Pourtant cet établissement religieux végète vers les années 50. Car, travaillant à Senneterre en été, les Amérindiens ne peuvent participer régulièrement aux activités missionnaires. Un compagnon subalterne, le père Deschênes, veut louer au curé de la paroisse de Louvicourt les maisons de la mission du Lac Simon. Mais le père Beaudet coupe court aux négociations. Voici ce qu’il répond au Provincial le 26 janvier 1961 à ce sujet.?J’ai pris du temps à vous rendre compte de mon voyage dans les missions du père Deschênes parce que j’ai fait un sondage.?Ce dernier était en train de vendre ou louer la mission du Lac Simon au curé de Louvicourt; j’ai coupé court aux négociations pour la bonne raison que les Indiens n’ont pas digéré le projet, pas plus qu’ils n’ont admis le louage de la résidence à des touristes en 1959. Tous tiennent à se réunir pour la mission au Lac Simon comme dans le passé; évidemment la maison de Senneterre servira en passant et à l’occasion, mais pas comme poste de mission stable et officielle. La chose en est rendue au point qu’on se demande qui est propriétaire, les Oblats ou le locataire actuel. Le missionnaire est bien reçu, mais il doit prendre le petit coin qu’on lui a réservé, et sa sacristie est habitée par les enfants qui dorment encore quand la messe commence.

Il y a projet de faire une réserve au Lac Simon pour les deux groupes de Senneterre et du Lac Victoria; à cet effet, je veux intéresser la Voirie à faire une voie carossable de Louvicourt au Lac Simon, ce dont je vous tiendrai au courant Archives oblates provinciales, 3D 4,1- 07.

C’est ainsi que, dans une lettre à Maître Lucien Cliche, M.P., de Québec, du 26 janv, 1961, le père écrit :?Il est question depuis assez longtemps de trouver une réserve pour les Indiens du Lac

Victoria et de Senneterre; tous sont d’accord sur le site du Lac Simon et du Lac Guégen. J’ai naguère consulté monsieur Hervé Larivière, l’agent de la région; il est prêt à poursuivre ce projet, à condition que je m’occupe de la construction d’une voie carrossable reliant Louvicourt au Lac Simon, soit une distance de trois milles. Le Fédéral, dit-il, ne peut pas accepter de faire cette route provinciale.

Si vous croyez intéresser la Voirie locale à ce projet, je vous en serais très recon- naissant; le terrain est en sable excepté à peu près trois cents pieds de marécage.

Ou bien suggérez-moi la manière de procéder pour obtenir du gouvernement ce que je demande; c’est la seule opposition au projet de caser ces Indiens abandonnés Archives oblates provinciales, 3D 4, 1- 08.

Le 24 avril de la même année, le père explique à Mgr A. Sanschagrin l’état lamentable de la chapelle et du presbytère qu’il voudrait restaurer. Il est maintenant responsable de la mission du Lac Simon où il veut y demeurer en permanence.?Comme je suis toujours jeune [il a 59 ans], je me suis vu confier la mission de Lac Simon; parce que je ne sens pas où le bât blesse, on y a ajouté quelques livres, et le baudet va quand même.?La chapelle et la résidence sont dans un lamentable état : les couverture prennent eau, les fondations menacent de s’effondrer et la peinture brille par son absence. J’estime à mille dollars le coût des réparations. Étant donné que cette coquette mission est non la mienne mais la vôtre, j’ai pensé que vous pourriez me donner une aide financière; aurais-je rêvé ? À vous de me renseigner.?Monsieur Larivière, l’Agent des Indiens, et moi-même pensons sérieusement de faire du Lac Simon, Guégen et Matchimanito une réserve indienne; ce qui serait un excellent moyen de remettre la main sur les Indiens de Senneterre qui se font faire la cour par le ministre protestant, et qui répondent amoureusement.

Quoique vous décidiez, nous n’en serons pas moins de bons amis; le seul inconvénient d’une réponse négative serait la traînée en longueur des travaux, vu mon maigre salaire Archives provinciales, 3D 4, 1- 10.

Comme résultat de ses démarches, le père reçoit le 30 août 1961 du Ministère de la Voirie un chèque de 600 $ pour les travaux qu’il a effectués en vue de la construction de la route de Louvicourt à Lac Simon. Le 19 octobre, c’est au tour de l’organisation charitable, The Catholique Church Extention Society, de lui envoyer un chèque au montant de 661 $, sur un total de 1161 $, pour la réfection de l’église et du presbytère Archives provinciales, 3D, 1- 13.

Finalement, il annonce au Ministère de la Voirie par une lettre du 14 février 1962 que « l’établissement d’une réserve au Lac Simon pour les Indiens est maintenant officiellement décidée Archives provinciales, 3D 4, 1- 14.»

Une fois la réserve établie, il devint nécessaire, d’organiser la mission catholique de manière plus définitive. Il fallut attendre 7 ans avant que le Gouvernement construise des maisons sur le nouveau site (à environ un kilomètre du Lac). En 1969, 23 maisons avancent rapidement et les premières devaient être habitées avant l’automne de la même année. Le Conseil de Bande cède à la mission un terrain de 375 par 195 pieds. Le père Ed.-C. Brouillard qui a succédé au père Beaudet, décédé l’année précédente, écrit au provincial, le père Aurélien Giguère :

À votre dernière visite, vous avez constaté que la mission actuelle est construite pour l’été seulement, que le presbytère est insalubre, que le village indien sera déménagé dans le nouveau développe- ment. Cette automne, 34 familles demeureront au Lac Simon, sans compter les Indiens du Grand Lac Victoria de passage ici ou qui y hivernent.

Pour faciliter le travail, nous demandons un coordinateur, soit un architecte. Si l’administration provinciale est consentante, il serait bon de commencer dès ce mois-ci l’étude du projet, afin de commencer la construction dès le printemps, et ce mois-ci, je serais disponible pour rencontrer le coordinateur. J’attendrai la réponse de votre administration provinciale Archives provinciales 3D, 1- 30.

Des négociations sont amorcées, différents plans sont imaginés et conçus, rejetés ou acceptés, des fonds sont votés en vue de leur réalisations et finalement le projet est exécuté. Tout cela prit du temps. Le projet définitif s’arrêta au projet suivant dont la réalisation se termina en 1971:

1. Construction d’un presbytère dans le style et le prix approximatif des maisons que le gouvernement construit pour les Indiens.

2. Transport de l’église actuelle sur le site de la réserve en lui faisant le minimum de réparations. Mais les fondations comprenaient l’aménagement d’un sous-sol.

3. Le coût total s’éleva à 117, 741 $ Archives provinciales, 3D 4, 1- 49.?.?Aujourd’hui cette église et ce presbytère existent encore et ont servi pour le but qu’on leur avait donné. Depuis lors, plusieurs missionnaires résidants se sont succédés, les uns quelques années, les autres à temps partiel, entre autres les pères Ed.-C. Brouillard, Rémi Cadieux, Vincent Cadieux qui est maintenant l’évêque des diocèses de Hearst et Moosonee. Le père Lionel Lajeunesse fut l’avant-dernier, mais mourut prématurément à cause d’un accident qui n’aurait pas dû se produire. Le père Eugène Lapointe fut le dernier Oblat à demeurer au Lac Simon, de 2009 à 2012. Il profita de ses trois années pour établir quelques agentes de pastorale : Bella Gunn et Monique Papatie et un comité de pastorale animé par une religieuse, Soeur Renelle Lasalle, j.m. Un prêtre de la paroisse de Val d’Or visite la mission une fois par mois pour la célébration de l’eucharistie, tandis qu’une agente de pastorale préside les funérailles et les célébrations de la Parole pour les autres dimanches.

Les habitants de la Réserve du Lac Simon restent toujours en relation avec les habitants du Grand Lac Victoria et du Lac Dozois puisque la plupart ont de la parenté dans les trois groupes.

Souhaitons longue vie au groupe autochtone du Lac Simon et un développement humain et religieux en progression constante.

Eugène Lapointe OMI