1. Au Calvaire (1833-1836), à Aix (1836-1837)
  2. À Ajaccio (1837-1843)
  3. À Marseille, l’Osier, Parménie (1843-1847)
  4. Économe à Nancy (1847-1849)
  5. À Ceylan (1849-1880)

Naissance à Rouen (Seine-Maritime), le 2 juillet 1802
Prise d’habit à Billens, Suisse, le 28 décembre 1830
Ordination sacerdotale à Fribourg, le 26 février 1831
Oblation à Billens, le 6 janvier 1832 (no 48)
Décès à Jaffna, Sri Lanka, le 19 septembre 1880.

Frédéric Pompée Mouchel est né à Rouen, France, le 2 juillet 1802. Il avait à peine deux ans lorsque son père mourut, quelques jours après avoir été nommé régisseur des biens du duc de Montmorency en Picardie.

À cinq ans, Frédéric quitte sa mère et sa sœur pour aller vivre chez ses grands-parents à Paris et y fréquenter des écoles où l’envoie le duc de Montmorency. Il fait son cours élémentaire chez monsieur Raymond et le cours secondaire chez les Jésuites à Saint-Acheul. Il fait ensuite quelques mois de noviciat chez les Jésuites à Montrouge. Il quitte pour cause de maladie et étudie la philosophie et la théologie au séminaire Saint-Sulpice. Pendant son séminaire, semble-t-il, il enseigne également la littérature au collège de l’abbé Poiloup où, en 1837-1838, Mgr de Mazenod placera son neveu, Eugène de Boisgelin.

Lors de la Révolution de Juillet 1830, Frédéric est envoyé au grand séminaire de Fribourg avec des séminaristes parisiens. Il rencontre là les scolastiques oblats qui y résident pendant quelque temps en septembre-octobre, avant d’aller à Billens où l’abbé Mouchel les suit. Il y commence son noviciat le 28 décembre 1830 et est ordonné prêtre à Fribourg par Mgr Yenni, le 26 février 1831. Le 19 mars suivant, le père de Mazenod écrit au père Mille, supérieur à Billens: «Je vous recommande de témoigner au père Mouchel la part que je prends à son bonheur et la satisfaction que j’éprouve au récit que vous me faite de sa conduite édifiante au milieu de vous. Son sacerdoce répandra de nouvelles bénédictions sur une famille capable d’en apprécier les avantages.»

À la fin de son noviciat, le père Mouchel, timide et souvent perplexe, hésite. Le père Mille demande l’avis du Fondateur qui voit dans ce novice une vocation sûre. Il fait son oblation le 6 janvier 1832.

Au Calvaire (1833-1836), à Aix (1836-1837)
Au début de 1833, le père Mouchel reçoit son obédience pour la maison du Calvaire où il est confesseur dans l’église et dans diverses communautés. Il aide quelquefois les chapelains de Notre-Dame de la Garde.

En septembre 1836, le Supérieur général l’envoie à Aix pour remplacer le père Martin, malade. Il le présente au père Courtès par ces mots: «Je te recommande ce père qui est, je crois, bien dans son devoir. Il jouissait ici de la confiance de beaucoup d’hommes qui s’adressaient à lui pour la confession; il confessait aussi bon nombre de femmes; ainsi, quoiqu’il ne prêchât pas, il se rendait fort utile à cette pauvre maison du Calvaire où il y a tant à faire et si peu de sujets propres à l’opérer.»

À Aix, il est aumônier du grand hôpital et de l’hospice des aliénés. À la fin de 1836, Mgr de Mazenod se propose de l’envoyer au grand séminaire d’Ajaccio. Il écrit dans son journal, le 24 février 1837: «Lettre du père Mouchel. Il m’exprime dans les termes les plus touchants la disposition où il se trouve de faire tout ce qui dépendra de lui pour remplir ses devoirs, et soulager ma sollicitude, me mettant à l’aise pour le choix des emplois qu’il pourra remplir comme des lieux où je voudrais qu’il habite selon les besoins à moi connus de notre Congrégation. Les principes qu’il professe et qu’il s’est plu de me faire connaître pour ma consolation sont tels qu’on devait les attendre dans un homme aussi vertueux et aussi bon religieux qu’il l’est. Je lui sais très bon gré de l’attention qu’il a eue de m’écrire ces choses dans un moment où il pouvait supposer que je me trouvais embarrassé dans les combinaisons de placements, etc.»

Le père Courtès tient à garder ce père. «Il me ferait trop faute, écrit-il; régulier et doué de bon sens, il va bien dans une communauté où se trouvent des têtes bien jeunes.» Le père Mouchel est convoqué nommément au Chapitre général, célébré du 4 au 8 août 1837 et, au début du mois d’octobre suivant, il reçoit son obédience pour le grand séminaire d’Ajaccio. C’est le père Magnan qui devait y aller, le père Courtès ne cessait de se plaindre de lui à Aix. Lorsqu’il apprend cette obédience, il proteste, disant que c’est le père le plus occupé et le plus utile de la communauté. Il propose alors d’envoyer plutôt le père Mouchel: «homme si excellent sous tous les rapports, écrit-il, [il] ne peut pas se risquer à faire tant seulement une prière du soir…, il ne sait pas le provençal et ne confesse personne dans notre église… [Lui] qui fait peu ou rien à Aix sera très utile à Ajaccio par sa bonne tenue, sa régularité, ses connaissances théologi­ques, etc. (Journal Mazenod, le 9 octobre 1837)

À Ajaccio (1837-1843)
Dans une lettre du 23 octobre 1836, Mgr de Mazenod avait déjà annoncé le père Mouchel à Mgr Casanelli d’Istria. Il le disait «charmant sujet, plein de sens et de piété, du plus aimable caractère, d’une tenue parfaite, bon à tout, qui pourra non seulement aider le supérieur dans sa pénible administration, mais qui, à raison de l’étude spéciale qu’il a faite de la langue hébraïque et de ses connaissances urales, pourra non seulement professer l’Écriture sainte, mais au besoin enseigner l’hébreu à ceux des élèves qui auront du goût pour cette étude.»

Le père arrive en Corse au mois d’octobre 1837. Dès le 27, le père Guibert écrit que le père Mouchel sera économe et donnera deux fois par semaine des leçons de cérémonies; il n’est pas prêt à enseigner l’Écriture sainte. Le 19 novem­bre, il loue le dévouement de son économe: «Il n’y a ici, précise-t-il, ni marchés, ni magasins; il faut que le pauvre économe aille arrêter dans les rues les paysans qui passent avec un mulet chargé; il lui faut trois mois de travail pour compléter ses provisions de l’année ou, plutôt, il lui faut vivre au jour le jour.» Le 2 février 1838, le supérieur fait au Fondateur le portrait suivant du père Mouchel: «Laissez-moi vous dire toutes les consolations que nous donne le bon père Mouchel; c’est un caractère d’une douceur angélique, toujours le même, sincère, droit, aimable, régulier et édifiant. Je suis ravi de lui, comme économe; il entend très bien les détails et n’en laisse échapper aucun; c’est un point bien important dans un vaste établis­sement comme le nôtre. Ce bon père est tombé à sa place; il est lui-même si content de se rendre utile et de pouvoir faire quelque chose! Je vous avoue que je n’aurais jamais soupçonné ce genre de talent et cette attitude dans le père Mouchel. Il est bien fâcheux qu’il ne puisse réussir dans l’enseignement, bien qu’il ne manque ni de connaissances, ni de jugement. Il est d’une si grande timidité ou, plutôt, il est pris d’un tel saisissement quand il se voit devant une assemblée, que non seulement la parole, mais même l’idée lui manque.»

À Marseille, l’Osier, Parménie (1843-1847)
Le père Mouchel travaille en Corse jusqu’au début de 1843. Dans la Notice, le père Fabre écrit que ce père est resté à Ajaccio pendant 10 ans. Quelques documents contemporains contredisent cette affirmation. En février 1843, le Fondateur annonce au père Moreau, supérieur à Ajaccio, qu’il appelle le père Mouchel au séminaire de Marseille. Il est membre de la maison du Calvaire lors du chapitre local du 7 juin 1843. Au mois de mai 1844, il reçoit son obédience pour Notre-Dame de l’Osier, mais résidera à Parménie, sanctuaire situé près de l’Osier et confié aux Oblats de 1842 à 1856.

D’après le procès-verbal du conseil général, le 18 septembre 1846, il est envoyé au Calvaire: «Ce père dont la pré­sence est de peu d’utilité dans la maison de l’Osier, lisons-nous, se rendra plus utile à Marseille où, placé au Calvaire, il sera un sujet d’édification par sa régularité et d’où en même temps il fera le service des religieuses de Saint-Charles.»

Économe à Nancy (1847-1849)
En 1847, à cause de l’entrée de nombreux postulants, suite à la tournée de recrutement du père Léonard Baveux dans les séminaires de France et de Belgique (1846-1848), on ouvre un second noviciat à Nancy. Le père Mouchel y est nommé économe et y arrive le premier en septembre, suivi bientôt par le père Dassy, supérieur. Toujours porté à juger sévère­ment ses collaborateurs, le père Dassy trouve son économe trop dépensier. Le Fondateur lui écrit, le 7 décembre: «Je comprends combien tu dois être contrarié de l’humeur dépensière du bon père Mouchel. C’est un mauvais économe dans toute la force du terme, aussi je ne me propose pas de lui continuer cet emploi; mais, pour le moment, qui mettre à sa place, dans la détresse de sujets de ta maison? Le système qu’il a adopté, de se dépêcher de faire en l’absence du supérieur des dépenses qu’il savait ne pas être approuvées par lui, est détestable et tout à fait contraire aux principes de l’obéissance et de la pauvreté. Il est vrai que l’on t’accuse de pousser la parcimonie trop loin; on prétend que tu faisais mourir ta communauté de faim à Lablachère. Il faut éviter les extrêmes. Je n’approuve certes pas que l’on se dorlote, mais aussi il ne faut pas exciter le murmure en imposant des privations trop fortes.»

Voilà, semble-t-il, le seul reproche, peu fondé, que l’on trouve dans les sources oblates, contre la vertu du père Mouchel. S’il est peu doué pour l’enseignement et la prédication, on l’a toujours considéré comme un religieux exemplaire et très aimé partout. Dans la notice de ce père, le père Fabre le décrit par ces mots: «Le père Mouchel était d’une taille plus que moyenne; quoique sa constitution fût peu robuste, il a toujours joui d’une bonne santé, depuis son entrée dans la congrégation. L’air bienveillant et la régularité des traits de son visage, les mouvements mesurés de sa démarche, son maintien toujours digne donnaient à tout son extérieur quelque chose d’avenant et de sympathique qui prévenait en sa faveur. On n’avait qu’à se féliciter des agréments que procurait sa fréquentation habituelle. La conversation ne languissait pas en sa compagnie […] Pour l’intérieur et dans la communauté, il était édifiant par sa régularité et son obéissance, s’appliquant à acquérir les vertus qui font les fervents religieux…»

À Ceylan (1849-1880)
Après le départ des premiers Oblats pour Ceylan en 1847, le père Mouchel demande sans cesse à être envoyé dans ce pays. Il a connu le père Semeria en Suisse et à Aix, désire les missions étrangères, craint de ne pas pouvoir se faire au froid de l’Amérique du Nord. Mgr de Mazenod écrit au père Semeria, le 9 mai 1848: «Je crois que sachant l’anglais, ce serait une bonne acquisition pour votre mission. Ce père est très vertueux et son attrait pour les missions des infidèles est très prononcé.»

Le 28 juin 1848, le père Mouchel est désigné pour Ceylan par le conseil géné­ral. Il s’embarque le 23 mars 1849 avec deux jeunes pères: Félix Leydier et Jean Lebescou. C’est lui-même qui organise le voyage et le Fondateur s’étonne de son savoir-faire: «Jamais je n’ai vu un zèle, une ardeur pareille à celle du bon père Mouchel, écrit-il, le 23 mars. C’est incroyable toute la peine qu’il s’est donnée, les courses qu’il a faites, l’intelligence qu’il a mise pour amener à bien ce voyage. Il n’a rien épargné, et je dois dire qu’il a parfaitement réussi. Chemin faisant sa bonne mine et sa persévérance lui ont valu la connaissance de certains messieurs avec lesquels il a été dans le cas de se mettre en rapport pour les préparatifs de la traversée, ils se sont montrés tout dévoués pour lui et pour l’œuvre et nous pourrons compter sur leur obligeance pour les autres envois que nous serons dans le cas de faire. Il a de la constance, notre bon père Mouchel, dans ce qu’il entreprend. C’est d’ailleurs un si bon prêtre, un si bon religieux, il a un si bon caractère que ce sera pour vous un véritable trésor. Il entrera bien dans vos peines et nous sommes bien convenus qu’il ne vous découragera pas. Il sait passablement l’anglais et il est tout disposé à apprendre les autres langues qui sont nécessaires pour exercer votre ministère. Il est si bon qu’il prit en riant la crainte que vous aviez qu’il ne fût trop vieux pour se mettre au pénible labeur d’apprendre à balbutier. S’il vous en parle, riez-en avec lui…»

À Ceylan, le père Mouchel est nommé premier assesseur et admoniteur du père Semeria. Au cours de ses premières années, il est chargé, successivement, des missions de Batticaloa, Kalpity, Point-Pedro et Mannar. Dans la notice, le père Boisseau écrit: «À cette époque tout était à créer dans le vicariat de Jaffna. Par suite du manque de missionnaires, de l’incurie des uns, de l’exemple scandaleux de plusieurs autres, le plus grand nombre des chrétientés se trouvait dans un état pitoyable. L’ignorance des vérités de la religion, la propagande alors acharnée des protestants, les superstitions païennes et les vieilles pratiques goanaises plus ou moins entachées de jansénisme, étaient les principaux obstacles au progrès religieux […] Si nous ajoutons à toutes ces difficultés l’isolement causé par le nombre insuffisant de missionnaires, les ennuis résultant d’une connaissance encore imparfaite de la langue, des mœurs et cou­tumes du pays, le manque de ressources pécuniaires, l’état du complet délabrement où se trouvaient la plupart des églises et des presbytères, etc…, l’on aura une légère idée des peines physiques et morales que durent endurer les pionniers de notre congrégation à Ceylan. Le rév[érend] père Mouchel eut sa large part des épreuves qui ont été le lot de tous nos anciens…»

En 1856, le père Mouchel tombe malade: fièvre et éruptions cutanées. Le père Semeria l’appelle à Jaffna et, pendant son voyage en Europe pour prendre part au chapitre général et être ordonné évêque, il le nomme pro-vicaire des missions. Il le sera de nouveau pendant les longues absences de Mgr Semeria lors des chapitres de 1861 et de 1867.

Le père Mouchel réside à Jaffna de 1856 jusqu’à sa mort, conseiller et collaborateur des NN.SS. Semeria et Bonjean. En 1863, c’est lui qui s’occupe de faire construire un couvent pour les Sœurs de la Sainte-Famille de Bordeaux. Il cesse toute activité apostolique vers 1870, étant trop sourd pour entendre les confessions. «Simple membre de la communauté durant les dernières années de sa vie, écrit le père Boisseau, il nous édifia par l’observation la plus scrupu­leuse du règlement de la maison. Toujours levé au premier son de la cloche, on ne le voyait jamais oisif. Il lisait beaucoup et aimait, en récréation, à faire part aux autres des traits édifiants et intéressants recueillis dans ses lectures. Ses connaissances théologiques étaient vastes et sûres, et il se prêtait de la meilleure grâce à résoudre les difficultés qu’on pouvait avoir à lui soumettre. Spirituel et d’une humeur enjouée, le rév[érend] père Mouchel était la vie de nos récréations…»

Sa santé décline rapidement à partir du début de 1880. Il meurt le 19 sep­tembre.

Yvon Beaudoin, o.m.i.