1. La communauté
  2. Le sanctuaire et les pèlerins
  3. Les missions
  4. Le départ

Sanctuaire marial; maison oblate de 1819 à 1841

Notre-Dame du Laus (AG).

Au mois d’août 1818, le père de Mazenod recevait une lettre pressante de M. Charles Antoine Arbaud, vicaire général de Digne, qui lui proposait la direction du sanctuaire de Notre-Dame du Laus près de Gap.

Cette offre inattendue jeta le Fondateur dans une grande perplexité. S’il s’était proposé d’évangéliser la Provence, il n’avait encore songé qu’à une seule communauté dans la maison d’Aix.

Il consulta ses maigres effectifs, leur faisant comprendre que, étant appelés dans un autre diocèse, il devenait nécessaire d’élargir le règlement de la communauté et de préparer de vraies Constitutions et Règles.

Avec l’accueil enthousiaste de ses confrères et la permission des vicaires capitulaires d’Aix, le Fondateur partit pour Saint-Laurent-du-Verdon où, du 2 au 16 septembre, il composa l’essentiel des Constitutions et Règles des Missionnaires de Provence. De là, il se rendit à Digne et à Gap, où il signa un traité avec Mgr François-Melchior de Miollis et passa un bail avec l’abbé Peix, propriétaire du couvent. Par ces accords, les Missionnaires de Provence devenaient curés de Notre-Dame du Laus, chargés de la direction du sanctuaire et de la prédication des missions dans les Hautes et Basses-Alpes.

Le père François de Paule Henry Tempier, désigné pour cette fondation, arriva au Laus le 8 janvier 1819. M. Peix, curé de Gap, vint l’installer, le dimanche suivant 10 janvier, comme recteur du sanctuaire. Le supérieur était accompagné du novice scolastique Hilarion Bourrelier et du postulant frère Claude Ignace Voitot; le père Jean-Joseph Touche, originaire du diocèse de Digne et ordonné prêtre depuis peu, vint compléter la communauté au cours du mois de février.

La communauté
La maison du Laus eut pour supérieurs les pères Tempier (janvier 1819-mars 1823), François-Noël Moreau (mars-octobre 1823), Pierre-Nolasque Mie (octobre 1823-mai 1825), Jean-Baptiste Honorat (septembre 1825-mars 1827), Mie (mars 1827-mars 1829), Joseph-Hippolyte Guibert (mars 1829-décembre 1834) et Vincent Mille (1835-1841).

Le père de Mazenod s’était engagé à maintenir toujours au moins deux pères pour le service des paroissiens et des pèlerins. En réalité, il y eut presque toujours une vraie communauté d’au moins trois ou quatre pères et frères. Pendant l’été, quelques pères, en général des professeurs oblats du grand séminaire de Marseille, venaient s’y reposer et prêter main forte au moment des grands concours de pèlerins. Parmi les premières générations d’Oblats, peu de pères ne passèrent pas, au moins momentanément, par le Laus, soit comme étudiants ou novices, soit comme confesseurs ou prédicateurs. Certains y résidèrent plusieurs années, tels les pères Touche, Marc de L’Hermite, François Moreau, Joseph-Alphonse Martin, Pierre Pélissier, Joseph Gignoux, etc.

Le Laus accueillit les postulants et les novices de la Congrégation de juin 1820 à octobre 1822, en 1832-1833 et en 1835-1836.

La vie religieuse et communautaire connut des périodes de ferveur sous la direction des pères Tempier et Guibert, surtout lorsque les novices se trouvaient dans la maison. C’est, par exemple, sous l’influence du père Tempier et des novices du Laus qu’on décida, au Chapitre de 1821, de rendre obligatoire dans la Congrégation le vœu de pauvreté. Plus tard, le père Guibert, supérieur du Laus, intervint auprès du Fondateur, au Chapitre de 1831, pour que «quelques-uns des nôtres soient envoyés dans les missions étrangères…»

Les visites canoniques annuelles du Fondateur ou du père Tempier soulignent toutefois bien des manquements à la Règle, surtout au cours de la décennie 1830-1840, alors que les prêtres du diocèse vinrent assez nombreux se reposer ou faire leur retraite dans la maison au détriment de la régularité de la communauté, d’ailleurs fort réduite de novembre en avril, période consacrée aux missions.

Le sanctuaire et les pèlerins
C’est en 1660 que la Vierge Marie apparut pour la première fois à la bergère Benoîte Rencurel (1647-1718), née à Saint-Étienne-d’Avançon. Pendant plus de cinquante ans, Marie entretint de fréquents rapports avec Benoîte et, au mois d’août 1664, elle lui manifesta le désir d’être honorée au Laus, où se trouvait une vieille chapelle de secours, nommée Notre-Dame de Bon-Rencontre. Une église fut édifiée entre 1666 et 1669 et un couvent, au cours du XVIIIe siècle. La présence exemplaire de Benoîte, puis, plus tard, le zèle des gardiens, en particulier des prêtres de Sainte-Garde, au Laus de 1712 à 1791, attirèrent de nombreux pèlerins et firent de ce lieu le théâtre de grâces sans nombre.

La Révolution, là comme ailleurs, fit cependant son œuvre de dévastation religieuse. Les pères Gardistes furent expulsés en octobre 1791, l’église et le couvent vendus aux enchères.

Après sa nomination à Digne, en 1805, Mgr de Miollis racheta à ses frais l’église et le presbytère; l’abbé Peix fit de même pour le couvent, payé au moyen d’une souion des prêtres du diocèse. Le sanctuaire fut desservi par un prêtre diocésain, mais beaucoup de paroisses se trouvaient alors sans prêtre et Mgr de Miollis cherchait une communauté pour le Laus. Il entendit parler de son concitoyen, l’abbé de Mazenod, et de ses Missionnaires de Provence. Il résolut de les appeler au Laus dans le but de faire revivre la dévotion à Marie et de faire participer ses ouailles au bienfait des missions paroissiales.

Le père Tempier et, plus tard, le père Alexandre Dupuy firent des réparations urgentes à l’église et au couvent; les pères Guibert et Mille construisirent le clocher qui domine encore aujourd’hui la colline. Ces aménagements aux édifices, la présences des novices, l’élan spirituel donné par les missions, tout contribua à attirer de nouveau les foules, en particulier aux grandes fêtes de l’été. Le Fondateur parle de 20 000 pèlerins en 1818 et de 50 000 en 1833. De son côté, le père Mille fait état de 1 500 communions par année en 1818 et de 15 000 au cours des dernières années. Le père Mille prit également l’initiative, à partir de 1836, de prêcher une retraite annuelle pour les fidèles de la paroisse et pour les pèlerins plus fervents. Le nombre de prêtres en repos et en retraite, pendant l’été, augmenta pendant le supériorat du père Guibert et resta ensuite d’une dizaine de présences par jour. Le père Mille pouvait écrire à Mgr Louis Rossat, le 29 septembre 1841: «C’est une mission continuelle qui se fait au Laus et une mission des plus efficaces; c’est l’œuvre de Dieu la plus manifeste; les prodiges s’y multiplient.»

Les missions
Au Laus, comme partout alors en France, les Oblats furent surtout des missionnaires infatigables. Ils ne cessèrent de parcourir les Hautes et les Basses-Alpes, la Provence, le Languedoc et le Dauphiné. Ils prêchaient de novembre à Pâques puis, pendant le reste de l’année, hors des grandes fêtes, ils faisaient des retours de missions et allaient aider ou remplacer des curés. Dans sa longue lettre à Mgr Rossat, le 29 septembre 1841, le père Mille écrit: «Nous avons arrosé de nos sueurs la plus grande partie de vos paroisses. Outre nos soins divers et les exercices de tout genre que nous avons donnés aux fidèles, près de deux cents missions attestent un dévouement que rien ne fatiguait, ni peine du corps ni sollicitude de l’esprit.»

Dans sa Chronique de la maison du Laus, le père Gustave-Marie Simonin étudie dans le détail les missions prêchées uniquement dans le diocèse de Gap et dans celui de Digne de 1819 à 1823. Il dresse ainsi une liste de vingt missions de 1819 à 1823, de vingt-neuf entre 1823 et 1830, et de trente entre 1832 et 1841. L’ensemble des travaux des Oblats (missions, retraites, retours de missions, etc.) s’élève au chiffre de cent trente.

Le départ
Les accords passés en 1818 avec Mgr de Miollis et l’abbé Peix devaient durer vingt-neuf ans, mais on entendait, de part et d’autre, se lier indéfiniment (voir Mgr de Mazenod à Mgr de La Croix, le 19 décembre 1839).

En 1823, le diocèse de Gap fut rétabli avec Mgr Arbaud comme évêque. D’abord en bons termes avec les Oblats, il ne cessa ensuite de leur créer des difficultés. Gallican et janséniste, il contesta l’approbation romaine de la Congrégation en 1826 et surtout l’enseignement moral des confesseurs et prédicateurs oblats. De plus, si les diocèses de Digne et de Gap manquaient de prêtres en 1818-1823, ils ne tardèrent pas à en être bien fournis. Après 1830, les pères Guibert et Mille se rendirent compte que des membres du clergé attendaient avec impatience la fin des vingt-neuf années stipulées par les contrats.

Mgr Arbaud mourut en 1836. Par une lettre du 24 octobre 1839, son successeur, Mgr de La Croix d’Azolette, poussé par une partie du clergé, demanda à Mgr de Mazenod, de «trouver dans sa charité quelques moyens recevables d’abréger le terme de la jouissance du Laus». Le Fondateur répondit négativement. L’évêque de Gap n’insista pas mais fonda une société de missionnaires diocésains à qui il confia les missions du diocèse. Mgr de La Croix quitta Gap en 1840, remplacé par Mgr Louis Rossat. Celui-ci prit possession de son siège en mars 1841. Il ignora d’abord la présence des Oblats, puis, en septembre, liquida l’affaire en nommant un nouveau curé au Laus et en privant les Oblats de la juridiction dans le diocèse. Les pères durent quitter le sanctuaire au début du mois d’octobre, sauf le père Mille qui continua à résider dans le couvent.

Le nouveau recteur ne tarda pas à vouloir entrer en possession du couvent et annonça qu’il intenterait un procès à la Congrégation. Pour éviter un scandale, Mgr de Mazenod céda tous ses droits (voir lettre du 15 mars 1842) et le père Mille quitta à son tour le diocèse au mois d’avril 1842.

L’acceptation de Notre-Dame du Laus, en 1818, avait marqué le début de l’extension de la Congrégation en France. Le départ du Laus, au mois d’octobre 1841, coïncida avec le début de son expansion dans le monde. C’est en effet en octobre 1841 qu’un premier groupe d’Oblats partit pour le Canada. Un diocèse fermait ses portes au zèle de la Congrégation, un continent devenait le théâtre de son apostolat.

Yvon Beaudoin, o.m.i.