La paroisse Saint-Joseph n’est pas la plus vieille de Bytown (aujourd’hui Ottawa, capitale du Canada), elle n’est pas non plus la première fondée par les Oblats dans la région après leur arrivée à Bytown en 1844, mais elle est apparue sur la scène à l’occasion d’un contrat historique signé en 1856 par Mgr Bruno Guigues, o.m.i., premier évêque de Bytown/Ottawa et Mgr Eugène de Mazenod, fondateur et supérieur général des Oblats de Marie Immaculée. Par ce contrat les Oblats acceptaient l’administration de la cathédrale de l’Immaculée Conception, la propriété et l’administration du collège (plus tard Université d’Ottawa), la propriété et la charge pastorale de la paroisse Saint-Joseph. Le contrat valait pour un temps indéterminé, c’est-à-dire tant que l’Évêque et les Oblats ne décideraient pas d’y mettre fin. En 1857, la première église Saint-Joseph, dessinée par le père Dandurand, o.m.i., était ouverte et, l’année suivante, le père Alexandre Trudeau, o.m.i., Franco-Irlandais, était nommé curé de cette nouvelle paroisse de langue anglaise.

L’église était située sur la Côte de Sable, aux limites extérieures de la Basse-Ville, sur l’emplacement de l’ancien cimetière des travailleurs irlandais que le colonel By avait fait venir pour creuser le canal Rideau. La Côte de Sable était devenue le domicile des nouveaux réfugiés, suite à la famine de la pomme de terre en Irlande. C’était un lieu idéal pour une église de mission en faveur des malheureux Irlandais, mal vus par les Anglais parce que pauvres et catholiques et aussi par les Canadiens-Français parce que considérés comme Anglais et non réellement catholiques. En peu d’années la Côte de Sable se développa et devint un quartier où habita, au cours des cinquante années suivantes, la haute classe de la nouvelle capitale du Canada. La première église fut agrandie en 1866 par le père Pallier, curé. On divisa la paroisse en 1889 par la formation de la paroisse du Sacré-Cœur. En 1892, l’église était devenue trop petite, le père Pallier la fit démolir, après avoir enlevé les corps des pionniers oblats qui se trouvaient dans la crypte; il fit construire une seconde grande église qui demeura jusqu’en 1930. En 1910, le père Michael Fallon, o.m.i., ancien curé, grand orateur et figure con­troversée de la lutte anglo-française à l’Université d’Ottawa, fut rappelé des États-Unis et nommé évêque de London, Ontario.

Ottawa, église Saint-Joseph (AD)

Pendant plusieurs années, le supérieur et curé de Saint-Joseph était vice-recteur de l’Université; cela a pris fin en 1926 quand a été érigée la province oblate Saint Peter. En 1929, la paroisse Saint-Joseph passa de la province du Canada à celle de Saint Peter, avec le père Denis Finnigan, o.m.i., pour curé. Au cours de la même année, le collège Saint Patrick (High School) ouvrait temporairement ses portes dans la salle Saint-Joseph (principal: père Albert Meereboer, o.m.i.). L’église brûla en 1930 et le père Finnegan en construisit une troisième en utilisant les fondations et ce qui restait des murs extérieurs; cette église existe encore.

Au cours des années, à différentes époques, le presbytère a servi de quartier général à l’équipe des missions populaires, au Woman’s Centre, aux bureaux du conseil provincial de la province Saint Peter (aujourd’hui province Lacombe). L’Association missionnaire de Marie Immaculée (MAMI) y a été fondée en 1932. En 1963, on a démoli la vieille salle paroissiale de briques rouges. En plus d’avoir servi comme salle paroissiale, ce local avait été converti en hôpital lors de l’épidémie de grippe espagnole autour de 1920, en High School et enfin en caserne pour les femmes de la Royal Canadian Air Force pendant la seconde guerre mondiale. Le père Cornélius Herlihy, o.m.i., curé, a fait reconstruire un nouveau centre paroissial en 1963 et, en 1973, l’administration provinciale y a occupé le sous-sol.

La paroisse a toujours été modèle dans la participation des laïcs à la formation d’une communauté paroissiale, et elle a fait un bond de géant en cela après le concile du Vatican II. En 1975-1976, le charismatique père Fred Magee, o.m.i, curé, a fondé la Waupoos Foundation, maintenant répandue loin hors des limites de la paroisse; elle offre des vacances et des possibilités de repos aux ouvriers pauvres et, mieux encore, elle a créé parmi les laïcs une mentalité pastorale qui depuis Vatican II a été le caractère distinctif de la paroisse.

Au cours des années 1970 l’expansion rapide de l’Université d’Ottawa et le déclin de la Côte de Sable, maintenant au centre de la ville, a vu diminuer les jeunes familles, parties habitées les banlieues, de sorte que la paroisse, pour survivre, a dû attirer des fidèles de toute la ville. D’abord en 1987 le centre paroissial, galerie du théâtre construit comme dépôt des acces­soires, des costumes, des projecteurs, etc., puis le sous-sol du presbytère et l’ex-salle à dîner ont été modifiés et sont devenus le premier et le second domicile du Women’s Centre pour les femmes sans logis. La province St. Peter, sous la dynamique direction du père Fred Magee, o.m.i., et du père (devenu évêque) Doug Crosby, o.m.i., a entrepris une modification profonde de Saint-Joseph qui a étendu son influence hors des limites et des minis­tères de la vieille paroisse.

En 150 ans, la paroisse Saint-Joseph a donné à l’Église 22 Oblats et 55 prêtres non-Oblats, de même que beaucoup de religieuses. Cependant la diminution des vocations, visible en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord au cours du 20e siècle, l’a été également chez les Oblats.

Au début des années 1960, il y avait dans la paroisse six pères et un frère, en 2007, au 150e anniversaire, il n’y a plus qu’un prêtre; pourtant la paroisse est vivante parce que les paroissiens ont pris en main la responsabilité des tâches et ont fait leur le charisme de Mgr de Mazenod qu’on lit sur le vitrail-souvenir de l’église: «Les pauvres sont évangélisés» Qui sont les nouveaux pauvres et de quelle façon la paroisse peut-elle les atteindre?

À partir des semences faites dans la décennie qui a suivi le Concile, on peut maintenant voir la récolte dans les nombreuses activités actuelles de la paroisse: les repas (commencés en 1978 et qui s’élèvent maintenant à 1800 chaque mois, pour les pauvres et les sans abris), le comité de recherche des réfugiés et celui de l’accueil, le Women’s Center, subventionné en partie par le gouver­nement, pour les femmes de toute croyance sans domicile et abusées (en 2006: 11 700 visites et 16 626 repas). Cependant, ce que nous ne devons pas perdre de vue c’est que ces efforts sont fondamentalement la manifestation mo­derne du charisme d’Eugène de Mazenod qui s’y trouvait déjà lors de la fondation de la paroisse. Aux réfugiés Irlandais de la famine de la pomme de terre, au temps du père Trudeau, ont succédé les réfugiés Cambodgiens (Boat People) du père Jack Davis au 20e siècle, et maintenant, au 21e siècle, les réfugiés des guerres civiles du Congo, de la Côte d’Ivoire et de l’Erythrée.

Dans la première décennie du 21e siècle, sept des huit provinces oblates du Canada ont été remodelées et, depuis 2005, elles ne sont plus que trois: L’Assomption (Polonais), Notre-Dame du Cap (Oblats de langue française de Québec et de l’Ontario) et Lacombe (Oblats de langue française et anglaise de l’Ouest). La paroisse Saint-Joseph fait partie de la province Lacombe.

En 2007, des trois œuvres confiées à la congrégation par Mgr Guigues, et acceptées par le Fondateur par le contrat de 1856, seule la paroisse Saint-Joseph reste entre les mains des Oblats. Comme leur engagement envers la paroisse demeure solide sous le curé actuel, Richard Kelly, o.m.i., lui-même, à son tour, comme tous les curés avant lui, pré­pare la paroisse à continuer le charisme oblat, même si un jour il n’y aura plus d’Oblats dans le personnel. Seul notre esprit ne mourra pas.

Thomas M. Cassidy, o.m.i.