1. L’histoire du quatrième vœu
  2. La persévérance dans la philosophie traditionnelle
  3. La persévérance en psychologie du développement
  4. La persévérance en spiritualité dynamique

Chez les Oblats de Marie Immaculée, le vœu de persévérance a, en plus de sa valeur de témoignage, une double portée: la stabilité de l’individu et la survie de la Congrégation. En philosophie traditionnelle, la persévérance est une vertu qui vient appuyer les autres. En psychologie du développement, c’est ce qui transforme un pas nouveau en un chemin nouveau. En spiritualité dynamique, c’est un engagement ferme dans un processus précis de croissance.

L’HISTOIRE DU QUATRIÈME VŒU

1. QUELQUES PRECISIONS SUR LE VŒU

On sera peut-être surpris d’apprendre que le quatrième vœu n’est pas exclusif aux Oblats; il s’agit d’un emprunt. Il ne constitue cependant pas une redondance. Ses effets sont distincts de ceux des trois autres vœux et ne constituent pas un asservissement à un programme de spiritualité établi. Par ce vœu l’Oblat s’engage à prendre part à l’évolution de la communauté et de la mission.

a. Un vœu qui ne constitue pas une exception

Nous devons le vœu de persévérance aux Rédemptoristes. Le Fondateur en emprunta textuellement à saint Alphonse la formule, qui est restée en usage de 1818 à 1982: «Pariter jurejurando voveo ad mortem usque perseveraturum in sancto Instituto et in Societate Missionariorum Oblatorum Sanctissimae et immaculatae Virginis Mariae.Sic Deus me adjuvet. Amen. Je fais pareillement vœu et serment de persévérer jusqu’à la mort dans le saint Institut et la Société des Missionnaires Oblats de la très sainte et immaculée Vierge Marie, Ainsi Dieu me soit en aide. Amen» [1].

b. Un vœu qui n’est pas une redondance

Le vœu de persévérance a deux effets distincts de ceux des autres vœux: la stabilité de l’individu dans la famille oblate et la survie des Oblats comme société. Or, comme l’écrivait le père Joseph Reslé, il y a «la persévérance dans la Congrégation et la persévérance de la Congrégation» [2]. Arrêtons-nous sur ce point.

La stabilité. Même s’il est possible pour un Oblat d’obtenir la dispense complète de ses vœux ou la permission de les observer dans une autre congrégation religieuse, il s’engage, par le vœu de persévérance à ne pas demander de changement au Saint-Siège. En effet, une dispense du quatrième vœu ouvre la porte à la dispense des trois autres.

La survie. Il est évident que la survie de la Congrégation dépend de la persévérance de ses membres. Si nous devenions tous trappistes, il n’y aurait plus d’Oblats dans l’Église. Lorsqu’il a choisi ce vœu, Eugène de Mazenod avait en mémoire la disparition des Jésuites de 1773 à 1814: «Bien que la persévérance soit incluse dans les vœux perpétuels de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, cependant par le vœu de persévérance, les religieux s’engagent expressément à rester jusqu’à la mort dans la Congrégation, même dans les circonstances ou, par un événement fortuit, la Congrégation devrait se disperser, car même alors elle ne serait pas dissoute.

«En ce cas, un règlement particulier pourvoirait au genre et au mode des relations, soit des membres entre eux, soit avec le Supérieur général, soit avec le corps de la Société» [3].

c. Un vœu qui n’est pas un asservissement à un programme établi de spiritualité

Par le vœu de persévérance les Oblats s’engagent à fusionner leurs chemins de vie. «La Congrégation […] groupe en communautés apostoliques des prêtres et des frères qui se lient à Dieu par les vœux de religion; coopérant avec le Christ Sauveur et imitant son exemple, ils se consacrent principalement à l’évangélisation des pauvres» (C 1).

Il est à noter que la Règle ne dit pas que l’on entre chez les Oblats, mais que la «Congrégation groupe en communautés apostoliques des prêtres et des frères». Il ne s’agit pas pour ses membres de s’insérer dans un système ou d’adopter une méthode, mais d’entreprendre ensemble quelque chose. Un théologien contemporain, Robert Kinast, décrit ainsi ce genre de regroupement: «Chaque personne résume en elle un passé fait de liens familiaux, d’amitiés, d’expériences, d’influences et de valeurs. Les personnes combinent constamment leurs différences et trouvent des moyens d’harmoniser leurs diverses forces; elles créent ainsi des expériences nouvelles et s’ouvrent à d’autres champs d’expérience, à eux-mêmes, aux autres et à Dieu» [4].

Les pèlerins solitaires, chacun avec son vécu, forment un groupe qui a son vécu à lui et qui s’adjoint constamment, le long de la route, de nouveaux membres avec leurs vécus à eux. C’est en partageant leurs expériences et leurs dons qu’ils trouvent des solutions aux problèmes qui surgissent. En faisant le vœu de persévérance, ils ne s’engagent pas à appliquer les solutions du kilomètre 1818 au kilomètre 1996, mais plutôt à harmoniser leurs dons avec le charisme du Fondateur et à trouver de nouvelles solutions.

En ce sens, l’Oblat qui s’accroche à des formes dépassées de communauté, de mission ou de prière, alors que la Congrégation doit en adopter de nouvelles, peut très bien manquer à l’esprit du quatrième vœu.

d. Une meilleure définition du vœu

Le vœu de persévérance est un vœu public par lequel l’Oblat s’engage à prendre part à l’évolution de la communauté et de la mission.

2. L’HISTOIRE DU VŒU

a. L’obligation de Règle

L’obligation de persévérer précéda, dans les faits, les quatre vœux. C’est, en effet, le 25 janvier 1816 que le premier groupe de missionnaires, qui n’avaient pas encore prononcé de vœux, acceptait un règlement qui fut approuvé quatre jours plus tard par les Vicaires généraux d’Aix et qui disait ceci: «Les Missionnaires doivent se proposer en entrant dans la Société d’y persévérer toute la vie» [5].

On remarquera que saint Alphonse de Liguori et ses premiers compagnons avaient, eux aussi, commencé, en 1740, par une promesse de persévérance; ils ne devaient prononcer les quatre vœux qu’en 1743. En 1816, Eugène de Mazenod n’était cependant pas au courant de ce fait. Ce n’est qu’en 1818 qu’il prit connaissance de la Règle des Rédemptoristes [6]. La promesse que ceux-ci font se reflète encore dans la formule du vœu-serment (voir ci-dessousle serment additionnel).

b. Le vœu

L’obligation de persévérer devint un vœu dans la Règle de 1818. On ne faisait pas de vœux de pauvreté et de chasteté. En 1818, certains Oblats n’étaient pas encore prêts à accepter la pauvreté religieuse. De toute façon, il aurait été difficile de l’appliquer vu que les lois héritées de l’ère napoléonienne accordaient au citoyen français un droit inaliénable de disposer de ses biens, sans garantir cependant le droit de propriété des institutions religieuses.

En 1818, les membres de la Société, qui étaient tous prêtres et donc liés par l’obligation du célibat, ne faisaient pas de vœu de chasteté. L’obéissance et la persévérance étaient jugées suffisantes pour lier entre eux les Missionnaires de Provence.

Le père Théophile Ortolan explique ainsi l’esprit du Fondateur à ce moment: «Le détachement absolu, si utile à la sainteté personnelle, était moins indispensable à la prospérité de l’Œuvre. […] Pour assurer la continuation des missions populaires, les vœux d’obéissance et de persévérance suffisaient» [7].

Mais le Chapitre de 1821 devait approuver les vœux de pauvreté et de chasteté. C’est le 1er novembre de cette année-là que, pour la première fois, les Oblats les ont prononcés en même temps que ceux d’obéissance et de persévérance.

Le 17 février 1826, le Saint-Siège élevait la Congrégation au rang de Congrégation de droit pontifical et approuvait sa Règle, y compris le vœu de persévérance. Chaque édition subséquente a conservé le quatrième vœu.

c. Le serment additionnel

La formule latine choisie par le Fondateur pour le vœu de persévérance a été empruntée textuellement à saint Alphonse. Elle consiste en un vœu renforcé par un serment: jurejurando voveo (je jure et fais vœu), un serment que ne comportent pas les autres vœux.

Lorsque, en 1826, Eugène de Mazenod présenta la Règle au Saint-Siège, le cardinal Pallotta demanda pourquoi on avait ajouté à ce vœu, et non aux trois autres, un serment qu’il qualifiait d’«insolito… superfluo» (insolite… superflu). Le Fondateur répondit qu’il l’avait emprunté textuellement à la formule des Rédemptoristes composée par le bienheureux Alphonse de Liguori. Cela contenta le cardinal [8]. Il aurait pu aussi répondre en citant saint Thomas d’Aquin: «Si l’on joint au vœu un serment, ce n’est pas qu’on tienne celui-ci pour plus efficace; on veut simplement «par le moyen de deux choses immuables» assurer une stabilité plus grande» [9].

Ce serment qui donnait au vœu un caractère de plus grande fermeté fut en usage de 1818 à 1982.

La formule des vœux contenue dans les Constitutions et Règles de 1982 omet pour la première fois le serment. Le texte français, approuvé par le Saint-Siège et déposé officiellement aux archives de la Sacrée Congrégation pour les Religieux et Instituts séculiers, donne la formule suivante: «Je fais pareillement vœu de persévérer jusqu’à la mort dans le saint Institut et la Société des Missionnaires Oblats de la très sainte et immaculée Vierge Marie. Ainsi Dieu me soit en aide. Amen» (C 62).

Le serment additionnel est donc tombé en désuétude.

3. LA JUSTIFICATION DU VŒU

Toutes les congrégations fondées à partir du XVIe siècle ont adopté les vœux simples au lieu des vœux solennels. Jusqu’à la proclamation du code de Droit canonique de 1917, l’Ordinaire du lieu avait le pouvoir de dispenser des vœux simples. Il suffisait à un religieux de s’adresser à la chancellerie du lieu pour obtenir la permission de retourner à l’état laïque. Cela ressemblait à un divorce facile et prêtait à de nombreux abus.

La Règle de 1818, par le vœu de persévérance et le paragraphe qui en traitait, obligeait à recourir, pour la dispense de ce vœu, non pas à l’évêque, mais uniquement au Souverain Pontife ou au Supérieur général [10].

En réservant au Pape la dispense des vœux d’un membre d’une congrégation de droit pontifical, le canon 638 du Code de droit de 1917 rendait cette disposition inutile. Par anticipation, la Règle de 1910, puis celle de 1928 laissèrent tomber toute référence à l’ancienne procédure et se contentèrent d’insister sur la persévérance. Malheureusement, ces deux éditions présentent le quatrième vœu comme une redondance: «Bien que la persévérance soit incluse dans les vœux perpétuels de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, cependant par le vœu de persévérance, les religieux s’engagent expressément à rester jusqu’à la mort dans la Congrégation […]» [11].

Cette impression fausse que le quatrième vœu n’ajoutait rien de nouveau, si elle n’était pas alors commune chez les Oblats, allait se répandre après la publication de cet article. La Règle de 1966 dit à peu près la même chose: «Aux vœux de chasteté, pauvreté et obéissance, les Oblats ajoutent celui de persévérance. Ils entendent par là se lier plus explicitement à la Congrégation […]» [12].

La Règle de 1982, rédigée par le 30e Chapitre général, s’exprime mieux: «Bien que la volonté de persévérer soit déjà présente dans les trois vœux de religion prononcés et reçus dans la Congrégation, nous ajoutons le vœu de persévérance. Nous attestons ainsi publiquement notre attachement profond à notre famille religieuse et notre engagement définitif à sa mission» (C 30).

On y dit, en effet, que la vertu de persévérance est comprise dans les trois premiers vœux, mais que celui de persévérance ajoute quelque chose de nouveau: un témoignage porté devant le monde que rien ne peut nous séparer les uns des autres ou de notre mission.

Le Fondateur savait évidemment que la vertu de persévérance était comprise dans tous les vœux. Il a adopté le quatrième vœu pour décourager les demandes de dispense, une pratique qu’il avait en horreur.

4. LE FONDATEUR ET LES DISPENSES

Eugène de Mazenod croyait que par leur engagement, surtout à travers l’obéissance et la persévérance, les prêtres accomplissaient plus de choses qu’ils ne pouvaient le faire individuellement. Il ne croyait pas qu’il y eut aucune raison valable d’ordre pastoral de quitter une congrégation.

Dans la Règle de 1818, il mit un texte qui n’allait disparaître qu’avec l’édition de 1966: «Car il ne faudrait jamais souffrir que personne s’introduisît parmi nous comme par essai, sans avoir pris au préalable la résolution bien déterminée d’y demeurer jusqu’à la mort» [13].

Sa lettre au père Joseph Martin, en janvier 1837, exprime son étonnement que quelqu’un puisse même penser seulement à quitter: «Les prêtres qui sont libres cherchent des communautés religieuses, parce qu’ils voient que tous les efforts du zèle, lorsqu’on est seul et isolé, n’aboutissent à rien; et ceux qui ont le bonheur de vivre en congrégation voudraient en sortir pour faire plus de bien?» [14]. Et il conclut: «Que l’on sache bien que ces sortes de dispenses ne peuvent délier le sujet en conscience que dans le cas que de graves raisons qui n’existaient point lors de la profession, et que le sujet ne prévoyait pas, sont tout à coup survenues et qu’elles le mettent dans l’impossibilité de remplir ses engagements. Et encore le sujet ne doit-il, dans ce cas, recevoir la dispense qu’à regret et avec le désir sincère de voir tomber l’obstacle qui l’empêche de rester dans la Congrégation à laquelle il s’était engagé, obstacle qui est toujours supposé indépendant de sa volonté» [15].

Le jugement personnel d’Eugène de Mazenod sur les Oblats qui demandaient une dispense était très sévère: «Le pouvoir de dispenser des vœux est un glaive à deux tranchants qui tue ordinairement l’individu pour sauver la famille. Tous les membres de notre Congrégation qui ont été dispensés jusqu’à ce jour sont, en un sens très vrai, de véritables apostats, parce qu’il n’en est pas un seul qui ait eu des raisons valables à présenter […]» [16].

II. LA PERSÉVÉRANCE DANS LA PHILOSOPHIE TRADITIONNELLE

Aristote louait la constance dans les peines (karteri peri lupas) [17]. Il admettait cependant qu’il est humain de désirer le changement, même à partir de quelque chose d’agréable [18].

Cicéron définit ainsi la vertu en question: «La persévérance est une ferme et durable persistance dans un parti pris après de mûres délibérations» [19].

Pour Thomas d’Aquin, «la persévérance est une vertu spéciale qui a pour fonction de supporter, autant qu’il est nécessaire, la durée dans les œuvres des vertus précédentes [la tempérance et la force] et de toutes les autres» [20]. «La persévérance est une vertu annexe de la force» [21].

C’est peut-être Marc-Aurèle qui a le mieux exprimé la vertu traditionnelle de persévérance dans le bien: «Quel besoin de faire des conjectures, lorsqu’il t’est possible de voir ce qu’il faut faire et, si tu le distingues, de marcher vers ton but, paisiblement et sans regarder en arrière; si tu ne le distingues pas, de t’arrêter et de recourir aux plus sages conseils? Mais, si d’autres difficultés s’opposent à ce vers quoi tu tends, avance selon les ressources qui s’offrent, en t’attachant avec réflexion à ce qui te paraît être la justice. Atteindre à ce but est le plus grand bien, puisque le manquer est le seul échec. Mais qu’il est tranquille et décidé à la fois, radieux et en même temps consistant, l’homme qui suit la raison en tout!» [22].

LA PERSÉVÉRANCE EN PSYCHOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT

La connaissance que nous avons de nos jours de la personne humaine doit beaucoup à la psychologie du développement. Les meilleurs auteurs dans ce domaine sont peut-être Daniel Levinson, Lawrence Kohlbert, Robert Selman, Erik Erikson, Jean Piaget et James Fowler.

Le père Kelly Nemeck, o.m.i., et l’ermite Marie Theresa Coombs ont étudié ces auteurs à la lumière des écrits de Thérèse d’Avila, de Jean de la Croix et de Pierre Teilhard de Chardin. Ils en sont arrivés à la conclusion que cette psychologie du développement présente des parallèles intéressants avec divers aspects du cheminement spirituel.

1. LE DEVELOPPEMENT PSYCHOLOGIQUE PAR MONTEE ET DESCENTE

«Carl Jung, le père de la psychologie du développement a noté trois étapes fondamentales dans la vie d’une personne. Il compare les deux premières, l’enfance et le milieu de la vie, à une montée. Il assimile ces deux étapes au soleil qui se lève le matin, puis monte constamment jusqu’au zénith, à midi. Parvenu à ce point, il descend. À partir du milieu de notre vie, nous aussi commençons à descendre» [23].

2. LA VIE SPIRITUELLE PAR IMMERSION ET EMERGENCE

«Dans le cours normal des événements de la vie d’un être humain, il faut en premier lieu croître afin que le Christ puisse croître. Nous développons nos talents. Nous tirons profit des occasions qui se présentent. Nous nous fabriquons une personnalité aussi riche et une vie aussi fertile que les circonstances nous le permettent» [24].

«Si on est fidèle à la vie et à la grâce, on ne peut pas poursuivre indéfiniment le développement total de ses énergies et de ses talents. […] L’expérience de la vie nous apprend inévitablement qu’à peine arrivé au sommet de ses talents, on est prêt à en abandonner les réalisations, à se retirer et à poursuivre son chemin.

«Lorsqu’on en a assez du monde et de soi-même, on découvre un jour qu’on est possédé par un besoin intense de mourir à soi et de laisser tout intérêt personnel derrière soi. De plus, pour celui qui est fidèle à la vie et à la grâce, cette prédilection pour le détachement n’est pas la conséquence d’un échec ou du désespoir, mais plutôt le résultat normal de l’effort et du succès.

«C’est ainsi que commence l’étape suivante de notre formation dans le Christ Jésus: celle du passage à travers la création (ou de l’émergence) avec lui» [25].

«Toute vie humaine, de la naissance à la mort, est caractérisée par un double rythme: l’immersion dans la création pour le Christ et l’émergence à travers la création avec lui. Ce sont les deux phases du même mouvement, comme l’inspiration et l’expiration dans la respiration, ou encore le levé(arsis) et le frappé (thesis) en musique» [26].

Pierre Teilhard de Chardin a écrit: «Immersion dans le Monde pour Jésus — émersion du Monde en Jésus — toutes les nuances de sainteté sont contenues dans les rythmes innombrables de cette double respiration par où l’âme, tour à tour, se remplit de la possession des Choses, puis les sublime en Dieu» [27].

3. LA PERSEVERANCE DANS CE CONTEXTE

Comment la pratique du vœu de persévérance s’apparente-t-elle aux étapes de montée et de descente de Jung et au rythme d’immersion et d’émergence de Teilhard de Chardin? En étant un choix définitif. La persévérance transforme l’événement du vœu, qui après tout pourrait n’être que temporaire, en ce que Francis Kelly Nemeck et Marie Theresa Coombs appellent le choix d’un chemin, un engagement.

«Un seuil [dans la croissance spirituelle] possède souvent les caractéristiques d’un carrefour, d’une bifurcation sur une route. Il exige une option fondamentale et un engagement dans une direction particulière» [28].

LA PERSÉVÉRANCE EN SPIRITUALITÉ DYNAMIQUE

Influencés par la philosophie dynamique d’Alfred North Whitehead, certains auteurs catholiques contemporains ont élaboré une théologie dynamique et une spiritualité correspondante. Kathleen R. Fischer s’explique ainsi: «Dans le passé, la perfection équivalait à une condition statique, immuable qui n’était pas soumise au changement et à l’agitation qui troublent notre existence quotidienne. Nombreux sont les chrétiens qui pensent encore que la perfection est un état auquel ils vont arriver ou que d’autres ont atteint, libres enfin des virages inattendus, des défis nouveaux, du caractère de discontinuité et d’inachevé que revêt leur vie spirituelle.

Dans une spiritualité dynamique, cette notion de la perfection chrétienne est soumise à une révision dramatique où le changement et le devenir sont perçus comme des aspects de l’existence plus fondamentaux que l’immuabilité, où l’existence est toujours un devenir» [29].

L’ouverture au changement constant implique que «le culte rendu à Dieu n’est pas une règle de sécurité mais une aventure de l’esprit» [30]. Par analogie, la persévérance dans les vœux de religion n’est pas une garantie que tout demeurera identique, mais une aventure spirituelle permanente, présentant constamment des risques. Pensons aux mots de la Préface des Constitutions et Règles: «il faut mettre tout en œuvre».

La persévérance, dans le contexte de cette spiritualité dynamique, est un engagement pris par rapport à des orientations et des modèles plutôt qu’à des solutions précises. Ce qui cadre bien avec la tradition spirituelle oblate qui a toujours été sensible au changement.

Par exemple, jusqu’en 1966, la Règle prescrivait de garder la chasteté: «Ils s’appliqueront à la garder avec le plus grand soin. C’est pourquoi, qu’ils soient très prudents avec les femmes; qu’ils n’entrent pas dans leurs maisons, ni même dans la maison de qui que ce soit, si ce n’est pour des causes urgentes […]» (C et R de 1928, art. 219-220).

Les Constitutions et Règles actuelles invitent à une chasteté axée sur le partage: «Le célibat consacré nous invite à développer les richesses de notre cœur. Il exprime vie et amour; il est don total de nous-mêmes à Dieu et aux hommes, avec nos puissances d’affection et les forces vives de notre être. Il nous permet d’aller là où se rencontrent les besoins les plus urgents […]» (C 16).

La persévérance est donc un engagement ferme dans un processus de croissance. Concrètement, pour l’Oblat d’aujourd’hui, elle est un engagement à répondre de tout son cœur au défi que lançait le Chapitre général de 1986, «une invitation à l’action, un appel à un élan missionnaire renouvelé, dans l’aujourd’hui du monde» [31].

Pour les Oblats, le vœu de persévérance est «le don sans réserve de leur oblation, une oblation sans cesse renouvelée dans les exigences de leur mission» (C 2).

William L. Watson