1. Le Fondateur
  2. Les Oblats Aujourd’hui

Dans la tradition oblate, l’expression «les besoins les plus urgents» est étroitement liée à un certain nombre de concepts fondamentaux dont elle tire sa richesse. On pourrait, par exemple, l’étudier à partir du sentiment d’impatience que le Fondateur éprouvait lorsqu’il grondait ses missionnaires pour n’avoir pas, à ce qu’il lui semblait, fondé leur priorité pastorale sur la conversion des païens [1]. Le mot «zèle», comme l’entendait Eugène de Mazenod, nous éclaire lui aussi. Lorsqu’il fait appel à des hommes «d’un zèle ardent pour le salut des âmes», on sent clairement son sens de l’urgence [2]. On peut faire la même remarque à propos de l’usage qu’il fait de l’expression «les plus abandonnés». Il faudrait aussi étudier l’importance et la place que les Oblats ont données, plus récemment, à des expressions clés comme «les signes des temps» et «les priorités régionales». Ces deux expressions se sont traduites en appel et en engagement à répondre aux besoins les plus urgents du monde tels que les perçoivent les Oblats des six régions. Elles impliquent que l’on soit prêt à renoncer aux positions établies et à s’engager dans des sentiers nouveaux afin de faire du Christ une réalité plus vivante auprès des plus abandonnés. L’objectif premier de cet article est donc d’étudier la façon dont Eugène de Mazenod a vu les besoins les plus urgents de son temps et comment les Oblats tentent aujourd’hui de faire de même. On découvrira rapidement que ce sens de l’urgence est une caractéristique évidente de notre spiritualité et de notre mission.

LE FONDATEUR

1. UNE URGENCE SPIRITUELLE

Tout comme pour la beauté, la perception de tout besoin urgent se situe dans l’œil de celui qui regarde. C’est quelque chose de subjectif, que l’on perçoit de l’intérieur, au niveau existentiel ou, si l’on veut, des convictions. Ce qui semble urgent pour l’un ne l’est pas nécessairement pour l’autre. Pour le Fondateur, ce qui pressait surtout c’était «d’avancer dans les voies de la perfection ecclésiastique et religieuse» [3]. L’aspect contraignant de ce besoin est présent partout à travers ses écrits, en particulier dans la Préface de la Règle: «Ils doivent travailler sérieusement à devenir des saints». À ses yeux, aucun autre besoin n’éclipse ou ne surpasse cet appel à la sainteté personnelle, ni n’exige un soin plus immédiat et continu, à temps et à contretemps ou, comme il le dit lui-même, «tant en mission que dans l’intérieur de la maison» [4]. «Celui qui voudra être des nôtres, devra brûler du désir de sa propre perfection» [5]. «Au nom de Dieu, insiste-t-il, soyons saints» [6]. «Que les oblats se pénètrent bien de ce que l’Église attend d’eux; il ne faut pas des vertus médiocres pour répondre à tout ce qu’exige leur sainte vocation. […] Qu’on se hâte donc de devenir saints, si on ne l’est pas encore au point qu’il le faut [7]».

Ce qui rend cet appel à la sainteté si pressant aux yeux d’Eugène de Mazenod est l’«état déplorable» dans lequel se trouve elle-même l’Église de son temps. C’est cette situation de grande détresse qui a donné à sa quête de sainteté personnelle son caractère d’urgence, tout comme c’est la mission à accomplir qui a dicté l’effort spirituel à faire. De fait, on ne peut séparer l’une de l’autre; ils forment le tissu et la couleur de la même urgence, celle de connaître et d’aimer le Christ. «Plus vous serez saints, exemplaires, réguliers, disait Mgr de Mazenod à ses missionnaires, plus le bien se propagera» [8]. Le Fondateur voyait clairement le lien fondamental qui existe entre la sainteté personnelle et l’effort missionnaire. Et c’est, en effet, de la perception profonde de ce lien, qu’allait naître et prospérer son institut. Son sens de l’urgence spirituelle sera donc dorénavant lié d’une façon inextricable à son sens de l’urgence missionnaire.

2. UNE URGENCE MISSIONNAIRE

Aux yeux d’Eugène de Mazenod, c’est lorsque «il y va du salut des âmes» [9] que le besoin missionnaire est le plus pressant. À cet égard, le Fondateur est très explicite dans la Préface de la Règle: «Il est donc bien important, il est pressant de faire rentrer dans le bercail tant de brebis égarées, d’apprendre à ces chrétiens dégénérés ce que c’est que Jésus Christ, de les arracher à l’héritage du démon et leur montrer le chemin du ciel» [10]. Derrière ce besoin pressant, il y a une théologie du salut (et de l’enfer) qui est celle du Fondateur et de son temps. Pour lui, il s’agit d’arracher les âmes à l’empire de l’enfer, c’est-à-dire à la «crasse ignorance» de tout ce qui regarde leur salut. En contrepoint, il y a la volonté de salut de Dieu, qui ne peut les atteindre que par le travail missionnaire. Pour lui, il était urgent d’aller évangéliser ceux que, de nos jours, nous appellerions les marginaux et les non-pratiquants, ceux qui étaient en danger de perdre leur foi ou qui, à toutes fins pratiques, l’avaient déjà perdue. Bref, ceux qui ne connaissaient pas réellement Jésus Christ et qui n’avaient personne pour le leur annoncer. Analysant les causes de cette situation, il écrivait: «On peut les réduire à trois chefs principaux: 1. l’affaiblissement pour ne pas dire la perte totale de la foi; 2. l’ignorance des peuples; 3. la paresse, la nonchalance, la corruption des prêtres. Cette troisième cause doit être regardée comme la principale et comme la racine des deux autres» [11]. C’est dans le contexte de «cet état déplorable» que s’est éveillé chez Eugène de Mazenod le sens de l’urgence. Il ne devait jamais le perdre. «Les Oblats, écrivait-il, […] ont pour mission principale de convertir les infidèles et d’instruire ce peuple ignorant qui se dit chrétien mais qui ne l’est ni en principe ni en pratique» [12]. C’étaient les «pauvres» et «les plus abandonnés», ceux qui étaient, au plus profond d’eux-mêmes, privés de leur dignité. Et c’est en pensant à eux qu’il écrivait au curé de Barjols, le 20 août 1818: «Notre devoir est d’accourir où le danger est le plus pressant» [13].

Pour Eugène de Mazenod, l’évangélisation des pauvres ne découlait pas seulement d’un choix délibéré pour lui-même et sa société, mais aussi d’une contrainte, de quelque chose qui s’imposait à lui de l’intérieur. En homme réaliste et bien de son temps, l’urgence qu’il ressentait venait en partie des véritables besoins de son époque; mais en homme de foi qui brûlait d’un grand amour pour Jésus Christ crucifié, il ressentait cette urgence comme un feu intérieur. Sur ce point, Eugène de Mazenod rappelle saint Paul décrivant son apostolat en termes de contrainte divine à laquelle il ne pouvait échapper: «Car annoncer l’Évangile n’est pas un motif d’orgueil pour moi, c’est une nécessité qui s’impose à moi: malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile!» (1 Co 9, 16). Cette nécessité, cette urgence vient de ce qu’une part du plan de salut de Dieu lui est confiée et la gravité de sa situation, du fait qu’il ne peut échapper à ce plan sans attirer sur lui le malheur de la perdition éternelle. Comme c’était vrai d’Eugène de Mazenod!

C’est à la lumière de cette contrainte remplie de foi que nous devons comprendre plusieurs des expressions retrouvées dans ses écrits, par exemple: «il faut tout mettre en œuvre», «notre devoir est d’accourir où le danger est le plus pressant», «toujours prêts à voler en tout temps et au moindre signe où l’obéissance leur montre quelque bien à faire» [14].

Ce sentiment d’urgence explique pourquoi Eugène de Mazenod, encore jeune prêtre, a demandé aux autorités diocésaines de ne pas lui confier de poste dans une paroisse, mais de le laisser libre pour se vouer entièrement à ceux que ne rejoignaient pas les structures paroissiales. Il explique aussi pourquoi ceux qui demeuraient en dehors de la vie pastorale et des structures paroissiales de l’Église ont été la cible principale de ses premières activités apostoliques. Ce sont, comme l’indique le père Fernand Jetté dans une conférence sur le Fondateur, «les domestiques, les artisans, le petit peuple qui est pratiquement tenu à l’écart, à cause de l’horaire des offices et à cause de la langue […]; la jeunesse: les paroisses n’ont rien pour les jeunes […]; les prisonniers, grands criminels ou petit délinquants […]; les malades, les agonisants, les populations des campagnes dont l’ignorance est encore plus grande qu’en ville» [15].

Tels étaient les besoins pressants de l’Église qu’Eugène de Mazenod avait d’abord perçus. Pour lui, ces différents groupes de personnes avaient une chose en commun: ils étaient tous pauvres parce que privés de Jésus Christ. Cette privation constituait, à ses yeux, le besoin le plus pressant, à l’intérieur de l’Église comme en dehors de ses limites et de son appartenance.

On comprend donc facilement pourquoi le Fondateur n’a jamais voulu que ses missionnaires se contentent d’être de «simples» prêtres de paroisse, c’est-à-dire des prêtres qui occupent la plupart de leur temps et de leurs énergies à prendre soin de ceux qui connaissent et aiment déjà Jésus Christ, les chrétiens pratiquants. «Que l’on aide les curés transitoirement, c’est bien, mais faire de nos missionnaires des curés, cela ne se peut pas» [16]. C’est le même sentiment missionnaire d’urgence que l’on retrouve derrière sa décision de retirer ses missionnaires d’Algérie: on ne leur avait pas confié la tâche de convertir les Arabes, comme l’avait espéré le Fondateur; on les avait, au contraire, mis en charge de paroisses comme «de simples curés de tout petits villages où il n’y a presque point de bien à faire [17]». Sa répugnance du début à envoyer des missionnaires aux États-Unis était fondée sur le même principe: «Je n’avais jamais goûté les établissements des États-Unis, parce qu’il me semblait que ce n’était que des paroisses, et le projet de New York ne paraît pas être autre chose» [18]. Ici comme ailleurs, la ligne de conduite du Fondateur est tout aussi cohérente que claire: «Établir […] une communauté de missionnaires, qui puissent remplir les devoirs de leur vocation qui n’est pas précisément d’être curés, mais de véritables missionnaires passant d’un pays à l’autre pour annoncer les vérités du salut et ramener les âmes à Dieu» [19].

3. DE GRANDES QUALITES

Pour bien saisir le sens aigu qu’avait le Fondateur de l’urgence des situations, on doit bien saisir ce que tout besoin pressant exige d’un individu. Ou, pour le dire un peu autrement, quelles qualités personnelles permettaient à Eugène de Mazenod d’identifier les besoins les plus pressants de son temps et d’y répondre? Toute lumière apportée dans ce domaine nous sera particulièrement utile dans les efforts que nous faisons pour répondre aux besoins missionnaires plus pressants de notre temps.

a. Un homme de discernement

Dans les circonstances concrètes où nous vivons, il y a toujours place pour la méprise, les motifs cachés et le zèle intempestif. La tâche d’évaluer l’urgence de tout véritable besoin dans l’Église n’échappe pas à ce danger. En étudiant de près la façon d’Eugène de Mazenod d’exercer la vertu de discernement, trois choses apparaissent immédiatement:

Premièrement, il demande toujours les lumières divines avant de prendre une décision importante, surtout si elle implique le besoin pressant d’envoyer ses missionnaires dans une nouvelle mission.

En voici un exemple caractéristique. Lorsqu’on lui proposa d’accepter un nouveau vicariat apostolique au Natal, le besoin était sûrement pressant: «Il y va du salut des âmes», écrivait-il dans son journal [20]. Et pourtant le dilemme était très réel: il n’avait tout simplement pas les hommes nécessaires pour accepter cette mission. Il demanda donc, dans la prière, les «lumières d’en haut». «Il faut donc bien se mettre en la présence de Dieu avant de répondre, poursuit-il. […] J’ai bien prié le bon Dieu pour qu’il nous fasse la grâce de connaître sa volonté et de nous y conformer». La décision de retirer ses missionnaires d’Algérie et de les envoyer au Natal fut prise, dit-il, «dans la visite des églises que nous avons faite à l’occasion du Jeudi Saint» [21]. C’était une idée lumineuse, une idée qu’il pouvait alors en toute confiance attribuer à l’inspiration de Dieu. Ainsi en était-il de toutes ses autres décisions importantes: il les portait dans sa prière, se mettait à l’écoute de Dieu et s’efforçait de saisir les signes de la présence de Dieu dans les événements.

Un second élément important de la méthode de discernement du Fondateur, c’était sa soif de renseignements et de détails de la part de ses missionnaires à l’œuvre et l’importance qu’il accordait à cette source d’information. Il n’a jamais aimé être laissé dans l’ignorance sur quoi que ce soit. Il demandait, dans la prière, les «lumières d’en haut», mais il cherchait aussi les lumières d’en bas, c’est-à-dire qu’il puisait ses renseignements dans les lettres et les rapports qu’il recevait de ses Oblats. Si son immense correspondance nous révéle quelque chose, c’est bien son désir ardent d’être renseigné et de garder contact, d’une façon objective, avec les événements. Cette soif de renseignements ne lui servait pas seulement à soutenir le zèle et le courage de ses fils; elle était aussi un élément crucial de sa façon de discerner les besoins les plus pressants des missions.

Sans faits et renseignements suffisants, il se sentait vulnérable: «Il ne faut pas craindre de me répliquer quand vous croirez que j’ai donné une décision qui présente quelques inconvénients. Ce sera probablement parce que je n’aurai pas été suffisamment informé» [22]. Souvent il reportait une décision importante pour la même raison, comme le projet d’envoyer des Oblats à New York et à Toronto: «Je ne suis pas suffisamment informé pour décider la question de New York» [23]. C’est le refrain que nous retrouvons à travers sa correspondance et qui exprime sa frustration: «Il est absolument intolérable que vous restiez trois mois sans m’écrire» [24]. Pour bien discerner, il faut être bien informé; nul ne savait cela mieux que le Fondateur.

Il y a un troisième élément de la méthode de discernement d’Eugène de Mazenod que l’on ne peut ignorer; c’est celui de la voix de l’Église. Parmi les innombrables demandes soumises à son attention, celles qui venaient de Rome, de la Propagande en particulier, recevaient priorité. «C’est donc le cas, écrivait-il, de préférer une mission qui nous est offerte par l’organe du Chef de l’Église» [25]. L’urgence de ces appels était, pour lui, d’autant plus grande qu’ils semblaient venir directement de Dieu. Dans un sens très réel, pour le Fondateur, vox ecclesiæ était vox Dei (la voix de l’Église c’est la voix de Dieu). Dans tous ces cas, l’appel étant plus clair et les besoins plus contraignants, il se sentait pressé de leur accorder une attention plus immédiate [26].

b. Un homme de grand courage

C’est une chose d’identifier un besoin pressant, mais c’en est vraiment une autre que de trouver en soi le courage nécessaire pour y répondre. Eugène de Mazenod était, en un mot, un homme d’un courage remarquable. Une fois qu’il avait bien discerné un besoin, il mettait tout en œuvre pour y répondre. Il était prêt à prendre des risques, à s’imposer des sacrifices et à affronter l’avenir, confiant que le plan de Dieu finirait par se réaliser. C’est, de fait, en raison de son audace extrême et de son courage que la Congrégation des Oblats a connu un développement rapide et étendu. Le père Jetté le résume bien en ces mots: «Dans l’espace d’une dizaine d’années, toute une série de fondations dans toutes les directions, et presque toutes, humainement parlant, plus imprudentes les unes que les autres. La sagesse naturelle aurait conseillé de bien s’affermir, de s’enraciner en France avant d’envoyer des missionnaires au loin, l’audace apostolique l’a emporté sur la prudence [27]».

Le courage du Fondateur allait de pair avec sa confiance en la divine providence. Il croyait que l’avenir, même s’il est inconnu, n’est pas menaçant; il s’insère, au contraire, dans le plan Dieu. La Bible nous parle de kairos, du moment présent, qui nous offre des occasions uniques de promouvoir le Royaume de Dieu. Eugène de Mazenod manifestait une ouverture pleine de confiance. Pour lui, les difficultés et les épreuves devenaient un kairos, un défi à relever, de telle sorte qu’il ne se permettait pas à lui-même, ni d’ailleurs à ses missionnaires, d’hésiter ou de faire les choses sans enthousiasme. C’est ainsi qu’il reprocha à Mgr Jean-François Allard de ne pas donner l’exemple et de demeurer trop sédentaire [28]. Il manifesta encore son dépit devant la timidité et les hésitations du père Jean-Baptiste Honorat à envoyer des Oblats pour la mission de Bytown (Ottawa): «Ce n’est pas un essai qu’il fallait faire. Il fallait y aller avec la ferme résolution de surmonter tous les obstacles, d’y demeurer, de s’y fixer! Comment hésiter! Quelle plus belle mission! Secours aux chantiers, missions aux Sauvages, établissement dans une ville toute d’avenir. Mais c’est le [bel] idéal qui se réalisait et vous l’auriez laissé échapper! Mais la pensée me fait frissonner! Reprenez donc tout votre courage et que l’établissement se forme en règle» [29].

c. Un homme perspicace

L’un des dangers réels de s’engager sans réserve à répondre à un besoin pressant est de se laisser absorber d’une façon trop exclusive. On peut se laisser absorbé par l’aspect d’immédiateté au point de ne voir presque rien d’autre. On voit très bien l’arbre, mais on manque la forêt. Une des caractéristiques qui n’échappent pas à celui qui est familier avec les écrits du Fondateur, est sa perspicacité et son sens du possible. On ne peut manquer d’être frappé par le fait qu’il faisait pleinement partie de son époque, tout en ne se laissant pas totalement absorber par elle. Il était homme de son temps, tout en ayant une bonne avance sur lui.

Malgré les nombreux besoins pressants qui l’assaillaient et se disputaient ses soins immédiats, Eugène de Mazenod n’a jamais perdu de vue le portrait ou le rêve d’ensemble. Il regardait toujours au-delà de ce qui avait déjà été atteint et songeait aux nouveaux défis comme aux nouvelles ouvertures. Tout est possible pour Dieu: pour Eugène de Mazenod, cela voulait dire que toute situation, quelque désespérée qu’elle puisse paraître à première vue, peut se transformer. Il avait la perspicacité et l’élan d’une personne qui voit grand dans toute situation de vie, qui ne se laisse enfermer par rien ni personne, mais trouve toujours une solution. D’où sa magnanimité. «Je ne suis point prophète, disait-il, j’ai pourtant toujours été l’homme des désirs» [30].

Dès 1818, dans la première édition des Constitutions et Règles, nous voyons qu’Eugène de Mazenod envisageait déjà les chances de succès que l’amour de Dieu réservait à lui et sa société. Il voulait des hommes qui, comme lui, voient loin et rêvent grand: «Leur ambition doit embrasser, dans ses saints désirs, l’immense étendue de la terre entière» [31]. Ce qui suit révèle encore sa magnanimité:

— Sans quitter l’Europe, le Fondateur demeurait, par sa prière et son immense correspondance, constamment aux côtés de ses missionnaires dans quelque coin du monde qu’ils se trouvent.

— S’il pouvait écrire dans ses Mémoires: «Mon attention était uniquement fixée sur le déplorable état de nos chrétiens dégénérés» [32], il pouvait tout aussi bien écrire à l’un de ses missionnaires à Ceylan: «J’ai toujours cru que l’on visait à convertir les païens. Nous sommes faits pour cela plus encore que pour le reste» [33].

— Bien qu’il ait vécu chaque journée avec une intensité qui étonne celui qui connaît bien ses horaires chargés, il trouvait quand même le temps de prier, de recevoir des visiteurs, d’entendre les confessions et de visiter les paroisses.

— Français jusqu’au fond de l’âme, il n’a jamais manifesté d’attachement exclusif à la culture dans laquelle il était né. Il insista à maintes reprises pour que ses missionnaires s’adaptent aux populations qu’ils servaient et qu’ils apprennent leurs langues.

En résumé, Eugène de Mazenod fut capable de transcender les limites étroites de son entourage immédiat et de voir plus grand. Dans presque toutes ses lettres à ses missionnaires, il s’efforce de stimuler leur imagination, d’étendre leur champ de vision et de les amener à voir, comme lui, les possibilités sans limites de l’amour miséricordieux de Dieu. Être en avance sur son temps entraîne de grandes souffrances. C’est pourtant le regard tourné vers l’avenir qu’Eugène de Mazenod a choisi d’aimer l’Église.

LES OBLATS AUJOURD’HUI

Aller là où les besoins sont les plus pressants est resté, jusqu’à ce jour, une des caractéristiques de la visée missionnaire des Oblats. Il rejoint sûrement la compréhension profonde qu’avait le Fondateur des situations désespérées. En ce domaine, les Oblats font un véritable effort pour évaluer leurs œuvres et leur ministère à la lumière de ce qu’on pourrait appeler le critère des besoins les plus pressants. L’impact de cet aspect du charisme apparaît clairement dans le commentaire officiel et l’introduction à la lecture des Constitutions et Règles de 1966. Dans ce document, intitulé Dans une volonté de renouveau, nous lisons ceci: «S’il est une leçon à tirer de cette histoire, vivante, écrite par l’Esprit de Dieu, c’est le devoir évident pour les Oblats, en vertu du charisme qui est le leur, de ne pas s’installer, de ne pas s’arrêter, de ne pas recopier avec complaisance ce qu’ils ont fait en un autre temps et en d’autres situations, de ne pas s’enfermer non plus dans les situations acquises. C’est une loi de la vie et de l’évolution du monde que ce qui apparaît urgent en un temps ne l’est plus en un autre temps. Parce que le charisme propre du groupe oblat les réfère à l’événement, ils doivent, comme le signale la Règle 2, «renouveler perpétuellement leur regard sur le monde et la société de leur temps». Ils doivent au fond réécrire sans cesse la Préface avec le même accent d’actualité. Quels sont les faits majeurs d’aujourd’hui? Quelles sont les zones d’urgence? Comment pouvons-nous y être présents, quitte à abandonner la jouissance de résultats acquis, désormais à la portée de l’action ordinaire de l’Église?» [34]

Ces questions et autres mûres réflexions ne sont pas que de la rhétorique. Depuis le milieu des années soixante jusqu’à nos jours, elles ont été à la base d’une étude approfondie et soutenue de la vie et de la mission des Oblats dans les six régions de la Congrégation. Elles apparaissent dans presque tous les rapports de province de ces vingt dernières années [35]. Dans tous ces efforts de renouveau, on ne perd jamais de vue le sens que le Fondateur avait de l’urgence missionnaire. Son charisme marque en profondeur les ressources psychiques et remplies de foi de toute la Congrégation. C’est ainsi que nous pouvons lire dans La visée missionnaire, ce document court mais profondément inspiré que nous a laissé le Chapitre de 1972, ce qui suit: «Nous voulons sincèrement réévaluer nos engagements actuels, à la lumière de l’Évangile et de notre charisme missionnaire, de façon à déterminer objectivement si nous ne sommes pas trop engagés dans certaines situations installées. Une fois cet examen fait, au niveau provincial, nous aurons le courage de prendre les décisions concrètes exigées par l’Esprit qui nous parle à travers les besoins les plus urgents des pauvres. Avec la mobilité et la disponibilité propres à un groupe de missionnaires, nous serons toujours plus libres pour nous engager au service de l’Église et du monde. C’était là notre charisme originel. Il demeure fondamental pour notre vie et notre utilité comme congrégation. Nous devons le maintenir à tout prix» [36].

Un autre événement important dans le renouveau de la Congrégation fut le Congrès sur le charisme du Fondateur aujourd’hui, tenu à Rome du 26 avril au 14 mai 1976. Ici encore trouvons-nous ce sens de l’urgence missionnaire reconnu comme l’un des principaux éléments du charisme oblat. Les membres de ce congrès ont non seulement approfondi le sens de cette valeur oblate fondamentale, mais aussi cherché à en comprendre les origines bibliques et la pleine portée [37]. Dans sa déclaration finale, le congrès s’exprimait ainsi: «Nous nous souvenons, pour achever de cerner le charisme oblat aujourd’hui, que notre Fondateur nous veut attentifs à discerner les besoins les plus urgents de l’Église et du monde, sans crainte d’être bousculés pour entreprendre avec une sainte audace l’appel actuel que Dieu nous crie, en faveur de ses pauvres […]» [38].

L’expression «les besoins les plus urgents» prenait une telle importance dans le renouveau de la Congrégation qu’il a fallu pousser plus loin l’étude de cette valeur oblate fondamentale. Plusieurs articles sont, en effet, parus peu après dans Vie Oblate Life, chacun d’eux tentant, à sa façon, de jeter un peu de lumière sur le sujet.

Dans son article Appels et nouvelles missions [39], le père Marcello Zago explique le cheminement qui a conduit la Congrégation à accepter, entre 1972 et 1979, neuf nouvelles missions dans le monde et les raisons de refuser onze autres requêtes pressantes. L’article est révélateur à plusieurs titres: il s’arrête d’abord aux critères invoqués par l’Administration générale pour accepter ou refuser une nouvelle mission; il permet, ensuite, de bien saisir le processus suivi par la Congrégation dans la prise de décisions et le problème complexe que pose la réponse à certaines demandes urgentes; enfin il nous rappelle avec à propos que notre charisme relève du concret de l’existence et n’est pas de nature purement théorique.

Dans un autre article éclairant, le père Roger Gauthier repasse les différentes raisons qui ont poussé Eugène de Mazenod à accepter ou refuser de nouveaux champs d’apostolat. Pour l’auteur, l’une des raisons les plus importantes est «la nécessité de répondre en priorité aux situations de catastrophe auxquelles personne ne répond» [40].

Il n’est donc pas étonnant que, au moment de la réécriture de nos Constitutions et Règles et de leur approbation en 1982, non seulement l’expression «les besoins les plus urgents» soit entrée de façon définitive dans le langage officiel de la Congrégation, mais qu’elle constitue maintenant une catégorie fondamentale de notre programme d’action missionnaire. L’expression revient explicitement quatre fois dans nos Constitutions et Règles:

— «Toujours ils sont disposés à répondre aux besoins les plus urgents de l’Église par diverses formes de témoignages et de ministères..». (C 7);

— «Le célibat… nous permet d’aller là où se rencontrent les besoins les plus urgents..». (C 16);

— «Nous saisirons toutes les occasions de faire connaître l’urgence des besoins de l’Église et du monde et la manière dont la Congrégation s’efforce d’y répondre» (C 52);

— «Dans leur travail [les éducateurs] seront guidés par la tradition vivante de l’Église et attentifs aux besoins du monde» (R 35).

Ce qui est le plus révélateur dans ces textes, c’est la portée que l’on donne à l’expression «les besoins les plus urgents». Au-delà de la question de la mission (C 7), elle sert encore de justification du célibat consacré (C 16), de motif propre à susciter des vocations, et enfin de principe directeur pour les éducateurs (R 35). Bref, nous pouvons parler maintenant des besoins les plus urgents comme d’une valeur vraiment fondamentale pour les Oblats, d’une valeur qui a une portée directe sur chaque aspect de notre vie et de notre mission.

1. LES NOUVELLES TENDANCES

La notion de «besoins les plus urgents» fait clairement partie de la pensée et du vocabulaire des Oblats aujourd’hui. Elle est, en effet, devenue un véritable principe de discernement dans les choix qu’ils ont à faire et les engagements à prendre. Nous devons, cependant, signaler que la façon dont les Oblats ont perçu ces besoins a connu des changements ces dernières années. Ce qui suit n’est pas une liste exhaustive de ces changements, mais plutôt une tentative d’attirer l’attention sur les plus apparents.

a. Le discernement communautaire

Dans chaque région et chaque province de la Congrégation, des efforts considérables ont été faits jusqu’à présent pour évaluer les œuvres et les ministères. Ce qui rend la situation actuelle si dramatique est le fait que, dans plusieurs provinces, l’âge des Oblats augmente et leur nombre diminue. Cette baisse de personnel ajoute à l’urgence de la question de savoir quel engagement apostolique conserver et quel autre abandonner.

De plus en plus d’Oblats reconnaissent, néanmoins, les différences qui existent d’une région à l’autre dans les genres et les degrés de pauvreté qui prévalent chez ceux dont nous nous occupons. Pour répondre aux besoins les plus urgents des pauvres, chaque région, province ou district a donc essayé de déterminer, par l’étude de son milieu, quels sont les plus grands besoins. Ce qui a entraîné un recours plus grand au discernement communautaire. Il existe aujourd’hui plus de structures de participation et de collaboration que jamais: séminaires de planification et de révision, conseils provinciaux extraordinaires, congrès provinciaux, rencontres de districts, ateliers de réflexion aux niveaux interprovincial et interrégional. Le fait que de plus en plus d’Oblats participent au processus de planification de leur province est source d’une plus grande expérience de responsabilité communautaire et sociale.

Alors, ce que nous appelons «les priorités régionales» n’est qu’une autre façon de désigner «les besoins les plus urgents» que la majorité des Oblats d’une région ont perçus. En matière d’engagements apostoliques, «l’individualisme farouche» du temps des pionniers a fait place à une vision et un engagement plus communautaires.

Cette nouvelle tendance a été non seulement sanctionnée, mais encouragée par l’Administration générale. Écrivant aux Oblats, le 19 octobre 1976, le père Jetté leur disait: «Il revient à chaque région, à chaque province d’analyser objectivement les besoins et les appels des pauvres de son milieu et de voir, à la lumière de l’Évangile, des Constitutions oblates et de l’esprit du Fondateur, comment concrètement la Congrégation peut répondre à ces besoins, y répondre de façon efficace et en demeurant fidèle à son être. Il y a là un devoir de réflexion et de discernement communautaire qui s’impose à chaque province» [41].

b. Engagements à long terme

Une seconde tendance révélatrice de la façon dont les Oblats considèrent les besoins les plus urgents porte sur ce que nous pourrions appeler la perspective à long terme. Si les besoins des pauvres sont très réels et conservent leur caractère d’urgence, l’espoir de répondre à ces besoins d’une façon satisfaisante apparaît plus complexe et, en conséquence, plus éloigné. C’est l’analyse plus systématique des causes et des facteurs de permanence de la pauvreté qui nous a forcés à changer de perspective.

Nous savons très bien, aujourd’hui, que la vie des hommes et des femmes est soumise à des structures socio-économiques et politiques dont certaines sont hostiles même au travail de l’évangélisation. Identifier, critiquer et, si possible, transformer les structures injustes au profit d’une libération humaine authentique font donc partie de la tâche missionnaire de l’Oblat. C’est une forme d’engagement reconnue et acceptée que de s’en prendre à la cause des injustices sociales et de ne pas s’occuper seulement de leurs symptômes. Parler de «lutte» pour la paix et la justice, c’est admettre clairement que les obstacles ne disparaîtront pas facilement. D’où le besoin de longanimité et d’espérance à long terme.

En même temps que nous avons une vue plus réaliste de l’ampleur et de la complexité des problèmes de pauvreté et d’injustice, nous prenons humblement conscience de nos propres limites et de notre pauvreté. Pour paraphraser le père Yves Congar, nous avons soudainement l’impression d’être «une petite communauté religieuse dans un vaste monde». Par contre cette prise de conscience a poussé les Oblats à collaborer plus volontiers avec d’autres groupes ou communautés dans la recherche de réponses aux besoins de notre époque, que ce soit à l’apartheid en Afrique du Sud, aux persécutions contre la foi en Pologne ou aux conflits sur la réforme agraire au Brésil. Il n’y a pas de solutions rapides à aucune de ces questions brûlantes et tout groupe qui s’y consacre a besoin d’une espérance soutenue.

Encore une fois, c’est le père Jetté qui, dans l’exposé qu’il faisait à la session intercapitulaire de 1984, à Rome, résumait cette nouvelle visée: «En cette matière, ma conviction profonde est celle-ci: les vraies réponses apostoliques aux besoins du monde d’aujourd’hui viendront peu à peu. Elles seront données par les générations plus jeunes, celles qui nous suivent, et qui se forment peu à peu en Afrique, en Asie, en Amérique latine, en Pologne, en Italie et dans les provinces qui ont des vocations» [42]. Cette perspective n’est en rien myope; nous pouvons encore une fois y détecter l’esprit même du Fondateur et sa vision progressiste.

c. Le partage oblat

Un autre aspect de la réponse actuelle des Oblats aux besoins les plus urgents du monde est l’augmentation significative du partage entre Oblats. Dans la conscience générale des Oblats d’aujourd’hui comme dans les structures administratives actuelles, la question des besoins les plus urgents est liée d’une façon inextricable à l’idée d’un authentique partage. On pense rarement à l’une sans considérer l’autre; elles sont comme les deux côtés d’une même pièce, deux questions entremêlées. Le symbole le plus éloquent et le plus direct, peut-être, de cette nouvelle tendance a été la création du Fonds de solidarité oblate, rendue possible par la vente du scolasticat international de la Via della Pineta Sacchetti, en 1972. Plus que l’aide financière substantielle qu’elle distribue chaque année à travers la Congrégation, cette structure de service a une valeur de symbole très significative. Et semblable à tous les symboles vivants auxquels nous adhérons, le Fonds de solidarité oblate libère des virtualités cachées à l’intérieur de la Congrégation et révèle les ressources plus profondes dont nous disposons.

Les Constitutions et Règles parlent en divers endroits de partage des ressources et de solidarité [43]. Le Fondateur a toujours été clair là-dessus: «Nous sommes tous membres d’un même corps, que chacun concoure par tous ses efforts et par des sacrifices, s’il le faut, au bien-être de ce corps et au développement de toutes ses facultés» [44]. Ce désir commun de solidarité et de partage se concrétise actuellement sous différentes formes: aide financière, personnel, services.

L’esprit de partage se manifeste aussi dans les efforts communs faits à travers la Congrégation pour promouvoir le ministère des laïques et leur prise de responsabilités, une option qui a reçu priorité dans plusieurs régions. Dans les réponses que nous apportons aux besoins les plus urgents, nous cherchons presque immanquablement à nous assurer leur collaboration. La mission des Oblats et la collaboration des laïques sont liées ensemble à un tel point qu’il est difficile de voir comment l’une peut aller sans l’autre; ensemble et chacun à sa façon, on cherche à répondre de manière plus efficace aux besoins particuliers présents. Cette collaboration commence, comme souvent pour la charité, avec ceux qui nous sont les plus proches: nos associés, les Oblats honoraires, les membres de l’Association missionnaire de Marie Immaculée et tous ceux et celles avec lesquels nous travaillons intimement dans le monde entier.

2. DEUX PREOCCUPATIONS MARQUANTES

Pour conclure, il vaudrait la peine de souligner deux besoins spécifiques importants qui ont été dernièrement soumis à notre attention. Ces besoins n’ont pas encore reçu de réponse concertée de la part des Oblats. Ces deux défis semblent se situer bien à l’intérieur du domaine propre de la mission des Oblats. On pourrait donc espérer qu’une plus grande attention ainsi qu’une solution leur soient apportées dans le futur.

La première de ces préoccupations porte sur le problème croissant de l’indifférence religieuse, de l’incroyance ou de l’athéisme. Voici comment le père Jetté s’exprimait sur le sujet devant les provinciaux oblats, le 10 mai 1984: «Globalement, je dirais, l’ensemble de notre ministère répond à cet appel: éveiller ou réveiller la foi de ceux à qui nous sommes envoyés. Par ailleurs, si nous restreignons la question au problème précis de l’indifférence religieuse, de l’incroyance ou de l’athéisme, nous avons très peu d’Oblats consacrés directement à cet apostolat et peu de provinces, s’il y en a, orientées dans cette ligne. Est-ce que, dans le monde occidental devenu en partie non pratiquant et même indifférent en matière religieuse, une Congrégation comme la nôtre ne devrait pas faire davantage? Souvent, j’ai l’impression, nous ne sommes plus assez sensibles à cet appel s’il est seul, s’il n’est pas accompagné d’une situation matérielle de pauvreté» [45].

L’autre grand problème est très complexe et présente un grand défi; il s’agit du besoin d’évangéliser les cultures. Encore là, le père Jetté exprime sa préoccupation: «Mon impression toutefois est celle-ci: nous avançons beaucoup plus vite dans la charité qui nous fait défendre l’homme que dans l’étude qui nous fait pénétrer les cultures nouvelles» [46]. Dans son exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, Paul VI avait déjà lancé un appel prophétique: «La rupture entre Évangile et culture est sans doute le drame de notre époque. […] Aussi faut-il faire tous les efforts en vue d’une généreuse évangélisation de la culture, plus exactement des cultures. Elles doivent être régénérées par l’impact de la Bonne Nouvelle» [47].

Pourquoi est-ce si important et si urgent? C’est que nous nous rendons compte maintenant que, pour réussir, l’évangélisation doit s’adresser non seulement aux personnes prises individuellement, mais aussi à tout le patrimoine ou à toute la culture dont ces personnes vivent. La dialectique entre la foi et la culture est une question très délicate qui ne peut, cependant, être ignorée plus longtemps. C’est dans ce contexte que l’évangélisation cherche à atteindre le cœur même d’une culture, le domaine de ses valeurs fondamentales, quelles qu’elles soient, pour y apporter les changements qui serviront de base et de garantie à une transformation de ses structures et de son climat social.

Richard G. Côté