1. La Volonté De Dieu Dans La Tradition Oblate
  2. La Volonté De Dieu Dans L’histoire De La Spiritualité
  3. Conclusion

LA VOLONTÉ DE DIEU DANS LA TRADITION OBLATE

1. LE FONDATEUR

Eugène de Mazenod a fait de la volonté de Dieu le principe directeur de sa vie à partir du moment de sa conversion en 1807, alors que sa relation personnelle à Dieu commença à s’approfondir. On en trouve un des premiers indices dans la décision qu’il a prise de devenir prêtre. Sachant que sa mère ne serait pas très heureuse de son choix, il demanda à sa sœur Eugénie de lui en apprendre doucement la nouvelle; mais il lui rappela néanmoins clairement que «nous sommes tous obligés à nous soumettre à la volonté du Maître» [1].

Ce n’était pas une décision précipitée de sa part. Au contraire, il avait cherché l’aide de deux des meilleurs directeurs spirituels du pays, monsieur Duclaux à Paris et le père Magy, à Marseille. Celui-ci l’assura que sa vocation était «aussi lumineuse que le plein midi dans le plus beau jour» [2]. Chez Eugène, ces consultations faisaient normalement partie du discernement de la volonté de Dieu.

Quelques années plus tard, se préparant à l’ordination, il avait toujours le désir très vif de faire la volonté de Dieu, ainsi que nous le révèlent les intentions de sa première messe: «La grâce de me faire connaître sa sainte volonté: 1o pour le genre de ministère que je dois embrasser; 2° dans toutes mes actions journalières de quelque petite importance qu’elles puissent paraître et une attention constante à sa voix intérieure pour ne rien faire qui ne soit selon son bon plaisir» [3].

Durant ses premières années de prêtrise, l’abbé de Mazenod connaît quelques hésitations; il attend que Dieu lui manifeste sa volonté d’une façon ou l’autre sur la forme que doit prendre son ministère et son état de vie. À certains moments, il se sent fortement attiré par la vie contemplative, mais l’appel missionnaire est encore plus fort. À l’intérieur même de l’activité apostolique, plusieurs ouvertures s’offrent à lui. Son ami Charles de Forbin-Janson le presse de joindre les rangs des Missionnaires de France. Cette proposition présente de nombreux attraits et répondrait à plusieurs de ses attentes. Mais est-ce bien son plus profond désir? Est-ce là ce que Dieu veut? Telles sont les questions qui comptent pour Eugène: «Je ne connais pas encore ce que Dieu exige de moi, mais je suis si résolu de faire sa volonté dès qu’elle me sera connue que je partirais demain pour la lune, s’il le fallait» [4].

Il doit attendre encore un an avant d’avoir un signe clair sur l’orientation qu’il doit prendre. Ce signe lui vient sous la forme d’une forte secousse de la grâce qui ne lui laisse aucun doute; il doit fonder une société missionnaire pour la Provence: «C’est la seconde fois en ma vie que je me vois prendre une résolution des plus sérieuses comme par une forte secousse étrangère. Quand j’y réfléchis, je me persuade que Dieu se plaît ainsi à mettre une fin à mes irrésolutions» [5].

Comme toujours, dans les décisions qu’il prend, Eugène vérifie l’authenticité de son inspiration auprès de son supérieur immédiat, qui est, à l’époque, le vicaire général du diocèse. Celui-ci lui permet de mettre sur pied une société de missionnaires. Pour le Fondateur, qui reconnaît dans son supérieur «la voix de Dieu» [6], c’est la confirmation de la volonté divine sur lui.

La société fondée par Eugène de Mazenod connaît maintes épreuves, surtout à ses débuts. Il semble parfois qu’elle n’aura jamais d’assises solides et qu’elle sera sujette aux caprices des évêques diocésains. L’approbation de Rome est essentielle à sa survie. Le Fondateur se demande pourtant s’il n’est pas présomptueux de prendre de telles mesures. Il faudra les puissants arguments de son saint compagnon, le père Charles-Dominique Albini, pour le convaincre d’au moins essayer. Durant son séjour à Rome, il est plusieurs fois tenté de renoncer au but fixé parce qu’il semble presque impossible à atteindre. Il cesse finalement de se préoccuper et accepte l’issue de ses démarches quelle qu’elle soit: «M’abandonnant avec confiance en la divine Providence, qui m’avait protégé d’une manière si sensible jusqu’alors, je dis à M. l’Archiprêtre: «Je laisse cette affaire entre vos mains, je ne demande pas autre chose que l’accomplissement des desseins de Dieu» [7].

Chercher la volonté de Dieu signifie avant tout qu’il «ne néglige aucun des moyens que la prudence humaine peut suggérer» [8], mais qu’il accepte finalement tout ce que Dieu envoie: «Tu sais que nous sommes conduits par la Providence. Il faut donc marcher toujours dans la direction qu’elle semble indiquer. En agissant dans cette dépendance de la volonté divine, on n’a aucun reproche à se faire, lors même que l’on ne parvient pas à ce qu’il était permis de désirer […]» [9].

Le père de Mazenod a résumé ce double aspect dans une lettre précédente à son premier compagnon: «Dans les affaires il faut agir comme si la réussite devait dépendre de notre adresse, et mettre en Dieu toute sa confiance comme si toutes nos démarches ne devaient rien produire» [10].

En 1832, Eugène de Mazenod est nommé évêque titulaire d’Icosie. C’est, entre autres choses, une façon d’affirmer les droits du Saint-Siège de nommer des évêques titulaires sans le consentement du gouvernement français. Les conséquences d’un tel geste sont graves pour Eugène. Il est probable que cela le mettra dans une position très difficile par rapport aux autorités françaises, sans mentionner le fardeau de plus que cette nomination lui impose dans son ministère.

Néanmoins, il est capable de voir au-delà des inconvénients personnels et d’accueillir tout ce que le Seigneur lui réserve: «Tout ce que vous avez fait pour moi dans le cours de ma vie est trop présent à ma mémoire, j’en ressens encore aujourd’hui trop vivement les effets pour ne pas compter sur votre infinie bonté, pour ne pas me jeter en tout abandon dans votre sein paternel, bien résolu de faire cette fois et à jamais tout ce que vous exigerez de moi, dût-il m’en coûter la vie. Trop heureux de consacrer le peu de jours qu’il me reste à passer sur la terre à faire votre sainte Volonté dans l’adversité comme dans la prospérité, approuvé ou blâmé par le monde, au milieu des consolations ou accablé par les chagrins. Car j’ignore ce qui m’est préparé dans le nouveau ministère que je vais commencer. Toujours est-il qu’il ne m’arrivera rien que vous n’ayez voulu, et mon bonheur et ma joie sera toujours de faire votre volonté» [11].

Nous découvrons ici le détachement ou la «sainte indifférence» qui caractérise de plus en plus la vie de Mgr de Mazenod à partir de cette période. C’est en effet peu après son retour à Marseille qu’il est rudement mis à l’épreuve. Le préfet des Bouches-du-Rhône lance une campagne où il dénonce l’évêque comme un individu subversif, le décrivant comme «carliste et ultramontain très dangereux» [12]. Les accusations sont assez sérieuses, mais ce qui est beaucoup plus grave, c’est le fait que le Saint-Siège les prend au sérieux et rappelle Mgr de Mazenod à Rome. Celui-ci n’a cependant pas de difficulté à démontrer la fausseté des rapports qui le concernent. Il est capable de voir Dieu à l’œuvre même à travers l’erreur humaine: «Il n’y a point de regrets à avoir quand on a fait pour le mieux. Dieu se sert même de l’erreur des hommes pour parvenir à ses fins. J’ignore ce qu’il demande de moi; tout ce que je sais, c’est qu’il gouverne par sa sagesse ceux qui n’ont d’autre but que de travailler pour sa gloire. Mon attrait me porte au repos. Justement fatigué de l’injustice des hommes, j’agis en conséquence, parce que j’y vois un bien pour mon âme, ne dussé-je l’obtenir que pour un temps. Si Dieu en a décidé autrement, il conduira les événements et inclinera la volonté de ses créatures de façon à ce qu’on arrive à ses fins. […] Nous qui invoquons le Seigneur nous devons nous consoler de tout en pensant que nous sommes invisiblement guidés par sa Providence» [13].

À son retour à Marseille, la calomnie ne tarde pas à reprendre, mais elle conduit cette fois au retrait radical du nom d’Eugène de Mazenod de la liste électorale. Ce qui est pire, c’est qu’au moment où il cherche à se défendre en cour, il reçoit une forte réprimande de Rome, qui l’oblige à retirer sa cause. Quelques mois auparavant, il a réaffirmé le principe qui l’a toujours guidé: «Si le Saint-Père parle, je me ferai toujours un devoir de me conformer à sa volonté, quel que soit le sacrifice qu’elle m’impose» [14]. Dans cette situation nouvelle, où les injustices humaines le réduisaient à perdre ce à quoi il tenait le plus, y compris la faveur même du Saint-Père lui-même, a-t-il pu vivre selon ses convictions? Voici ce qu’il répondait au Secrétaire d’état du Vatican: «Il en adviendra ce que Dieu voudra; tous les jurisconsultes que j’avais consultés me garantissaient un heureux succès; par mon désistement je me soumets au jugement inique rendu contre moi et aux suites funestes qu’il peut avoir, mais ni les avantages qu’on me promettait, ni les inconvénients que j’ai à craindre ne sauraient me faire hésiter quand il y va de la volonté ou même d’un simple désir du Chef de l’Église» [15].

Toute consolation humaine a disparue. Il est prêt à tout perdre et à se retirer tout simplement au séminaire de Marseille, car rien n’a d’importance en dehors de la volonté de Dieu. Mais alors même qu’il s’adapte à la situation qu’on lui a imposée, Dieu a d’autres plans en cours qui conduiront à la réconciliation. Le père Hippolyte Guibert a diplomatiquement tout arrangé avec les autorités françaises. Tout ce qu’on attend de Mgr de Mazenod c’est qu’il écrive une lettre au Roi pour manifester sa bonne volonté. Mais la seule chose à laquelle Eugène tient encore est sa dignité. Il refuse donc de coopérer [16]. Quelques jours plus tard, le père Tempier, à qui il a fait, en 1816, le vœu d’obéir, réprimande le Fondateur et rappelle encore une fois que les voies de Dieu ne sont pas toujours les nôtres: «Mais pourquoi ne vous rendriez-vous pas à cette voie que la Providence peut vous ouvrir?» [17]. Eugène doit ravaler ses paroles et céder sur le dernier point de résistance. La lutte est longue et ardue, mais il finit par s’en remettre totalement à Dieu, convaincu que «la Providence veut que nous croissions au milieu des tribulations» et qu’«il faut des contradictions» [18]. Même s’il assume désormais, comme évêque de Marseille, des responsabilités plus grandes, il est un homme nouveau, qui connaît la liberté de l’Esprit: «C’est cet Esprit divin qui doit être désormais maître absolu de mon âme, l’unique moteur de mes pensées, de mes désirs, de mes affections, de ma volonté tout entière» [19].

Dès le début, le Fondateur a désiré ardemment étendre la Congrégation au-delà des confins du Sud-Est de la France. La possibilité d’une telle expansion est, en effet, reconnue par les premières Constitutions et Règles [20]. Il a déjà fait plusieurs tentatives dans ce sens, mais toutes sans succès. Le moment de Dieu ne semble pas encore arrivé. Il doit attendre que la bête impatiente soit domptée à n’écouter que la voix de son Maître. Dans les tentatives précédentes, le Fondateur a pris l’initiative et a échoué. À une occasion, devant la possibilité de fonder en Algérie, il se retire par crainte de manquer d’hommes: «Le Seigneur nous manifestera sa volonté quand il lui plaira, nous tâcherons de seconder ses desseins, mais je suis effrayé de notre petit nombre quand je pense à une colonie» [21].

Onze ans plus tard, une autre possibilité d’expansion s’offre à lui. Cette fois, l’initiative n’est pas de lui, mais plutôt de Mgr Ignace Bourget, évêque de Montréal, qui a un besoin pressant de missionnaires. Le cœur de Mgr de Mazenod se gonfle devant ce nouvel appel; c’est le moment tant attendu. Spontanément, il voudrait dire oui tout de suite, malgré le petit nombre de membres, mais il se retient, sachant qu’il doit prier, réfléchir et consulter la Congrégation avant de prendre une décision de cette importance. Ce discernement implique plus que son intuition personnelle, même si c’est alors indéniablement clair. Il a recours à tous les moyens dont il dispose pour l’éprouver. Lorsqu’il est convaincu d’y trouver la volonté de Dieu, il met peu de temps à envoyer six hommes actifs dans les nouveaux champs de mission du Canada. Bientôt suivront plusieurs autres nouvelles missions, en Angleterre, à Ceylan (Sri Lanka) et au Natal. Ce qui lui a échappé pendant si longtemps arrive soudain en abondance, parce que c’est alors «le moment de Dieu» [22].

À partir de ce moment, nous découvrons un homme libre de suivre la divine Providence dans toutes les expressions de sa volonté. Dans ses lettres aux missionnaires, il se réfère beaucoup à son expérience personnelle. Il leur rappelle maintes et maintes fois de mettre leur confiance totale en la Providence de Dieu, en dépit du manque de ressources humaines et financières, et des épreuves de toutes sortes: «Tu n’as rien à faire qu’à laisser agir la divine Providence» [23]. «La Providence nous fournira les moyens de donner dans la suite plus d’étendue à cette mission» [24].

Même lorsque le Seigneur vient lui prendre certains de ses hommes dans la fleur de l’âge, il n’hésite pas à dire: «Que votre sainte volonté s’accomplisse sur nous!» [25]. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas bouleversé par les événements. L’acceptation de la volonté de Dieu signifie souvent beaucoup de peine, comme nous pouvons le voir dans une lettre datant de 1829: «Quelle que soit la résignation qu’il faut avoir aux décrets de la divine Providence, je n’en serai pas moins malheureux le reste de ma triste vie, après avoir perdu deux êtres comme ceux-ci» [26].

L’abandon à la divine Providence ne veut pas dire une approche insouciante et téméraire de la vie. Il signifie plutôt la coopération avec Dieu dans une juste prudence. Au père Robert Cooke il écrit: «Il faut sans doute avoir confiance en la Providence, mais il ne faut pas la tenter» [27]. Mgr de Mazenod sait très bien que le zèle des missionnaires peut les conduire à faire fi de la prudence et à dépasser les bornes: «Nous ne nous méfions pas de la bonté de Dieu; il ne nous manquera pas de nous fournir des secours en proportion des besoins qu’il nous connaît; mais sa Providence ne va pas toujours aussi vite que nos désirs; nos désirs devancent toujours un peu trop la marche de la divine Providence» [28].

Il est parfois nécessaire de renoncer à une œuvre pour la santé d’une personne: «Il est inutile de dire que le travail presse; il faut sans hésiter le refuser quand il ne peut pas être fait selon l’ordre de la Providence» [29].

À un de ses missionnaires qui se plaint de la nomination du père Eugène Guigues comme évêque, le Fondateur donne une de ses leçons les plus longues et les plus claires sur l’acceptation de la volonté de Dieu, surtout dans une situation où le jugement d’une personne est contraire à ce qui est demandé: «Dans ce bas monde, mon cher ami, il ne faut pas être tellement exclusif dans ses opinions que l’on ne sache pas se résigner quand les choses ne vont pas selon notre gré. Il faut reconnaître au-dessus de nos faibles conceptions une Providence souverainement sage qui conduit tout par des voies inaperçues et souvent incompréhensibles aux fins qu’Elle se propose; et lorsque les événements nous manifestent sa très sainte volonté, il est de notre devoir de nous soumettre sans peine et avec un abandon entier de nos propres idées qui cessent dès lors d’être légitimes et permises. Que faut-il faire alors? Croire que l’on s’est trompé et mettre toute son application à tirer parti de la position dans laquelle le bon Dieu nous place. On doit alors se repentir de s’être prononcé trop hautement dans un sens contraire à celui que la divine Providence a préféré. Au lieu de murmurer, que chacun s’inquiète de ses devoirs et se confie à la bonté de Dieu qui ne nous fera jamais défaut, quand nous serons ce que nous devons être. J’aime à répéter qu’il faut se conformer avec joie, avec bonheur et le plus entier abandon à la très sainte volonté de Dieu et coopérer de tout notre pouvoir à l’accomplissement de ses desseins qui ne peuvent être que pour la plus grande gloire de son saint nom et notre propre bien, de nous qui sommes ses enfants soumis et dévoués. Qu’on ne se tire pas de là; et dites-le bien à tous nos Pères, et que désormais cessent entièrement tous regrets, tous murmures, tous simples propos contraires à ces principes incontestables» [30].

Il ne s’agit pas d’une simple théorie, mais du fruit d’une expérience de longues années. Ce n’est qu’en raison de la fidélité d’Eugène de Mazenod à ces «principes incontestables» que les Oblats de Marie Immaculée ont pu s’établir solidement dans l’Église comme corps missionnaire. Il n’est pas surprenant qu’il ait exigé les mêmes dispositions de ses hommes. Autrement, ils n’auraient pas pu être ce qu’ils devaient être. Toute sa vie, jusqu’à ses derniers instant sur terre, il les a sans cesse exhortés à suivre cette ligne de conduite. Entre ses moments d’inconscience et de demi-conscience, on l’a souvent entendu murmurer: «Comme je voudrais me voir mourir pour bien accepter la volonté du bon Dieu!» [31].

2. LES CONSTITUTIONS ET RÈGLES

Dans les premières éditions des Constitutions et Règles, on ne retrouve pas comme telle l’expression «volonté de Dieu» ou son équivalent, mais plutôt une référence indirecte: dans l’obéissance religieuse, il faut «conformer sa volonté personnelle à celle de celui qui commande» [32]. Ce qui laisse entendre que la volonté du supérieur représente la volonté de Dieu pour ses sujets.

Dans les Constitutions et Règles temporaires de 1966, on note un changement considérable de style et une référence plus explicite à la volonté de Dieu comme objet d’une recherche commune. Elles présentent l’obéissance, en premier lieu, comme une disposition à l’égard du Père des cieux, où le Christ est notre modèle: «À la suite du Christ, dont la nourriture était de faire la volonté de Celui qui l’avait envoyé et qui, pour l’accomplir, s’est fait obéissant jusqu’à la mort, les missionnaires veilleront à rester à l’écoute du Père, en vue de coopérer à sa volonté de Salut» [33].

Le supérieur est alors perçu non plus comme quelqu’un placé au-dessus des autres membres de sa communauté, mais plutôt comme celui qui les unit dans leur recherche commune de la volonté de Dieu: «[…] Groupés autour de leur supérieur, ils voient en lui un signe de leur unité dans le Christ et acceptent avec foi l’autorité qu’il détient. Ensemble, ils se mettent à la recherche de la volonté divine et s’aident à y répondre» [34].

Aussi chacun a sa part de responsabilité dans le discernement du doigt de Dieu dans les événements: «À la lumière de la Parole de Dieu, il contemplera l’action du Seigneur dans le monde, discernera les signes des temps et les appels de la grâce à travers les événements» [35].

Les Constitutions et Règles de 1982 adoptent en l’approfondissant cette nouvelle ligne de pensée. Le Christ est encore proposé comme modèle: «Appelés à le suivre, les Oblats demeureront, comme lui, à l’écoute du Père, pour se dépenser sans réserve à l’accomplissement de sa volonté de salut» (C 24). La vraie liberté se trouve dans l’accomplissement de ce que Dieu veut de nous: «Si nous accueillons ensemble le vouloir de Dieu, la liberté évangélique devient pour nous réalité (cf. Ga 5, 13)» (C 25).

Discerner la volonté de Dieu est vu non plus comme la prérogative du supérieur, mais comme la responsabilité de chaque membre de la communauté: «Comme personnes et comme communauté, nous avons la responsabilité de rechercher la volonté de Dieu. Nos décisions reflètent davantage cette volonté, quand elles sont prises après un discernement communautaire et dans la prière» (C 26).

Finalement, les Constitutions et Règles de 1982 ont quelque chose à dire à ce sujet en relation avec le Chapitre général. Elles le décrivent comme «un temps privilégié de réflexion et de conversion communautaires; ensemble, en union avec l’Église, nous discernons la volonté de Dieu dans les besoins de notre époque et nous le remercions pour l’œuvre de salut qu’il accomplit par nous» (C 105).

En résumé, nous pouvons dire que, jusqu’à 1966, les Constitutions et Règles ont reflété l’état général de la théologie et de la vie de l’Église du temps. La volonté de Dieu se trouvait principalement dans les commandements et les préceptes auxquels on devait obéir. Dans la vie religieuse, on la trouvait dans la Règle et dans les décisions des supérieurs, perçus comme les représentants du Christ. Les Constitutions et Règles de 1966 et celles de 1982 reflètent une approche de la vie chrétienne et religieuse beaucoup plus fondée sur l’Évangile et centrée sur le Christ. À partir d’une compréhension renouvelée de la vie communautaire, chaque personne est appelée à écouter la voix de Dieu dans son propre cœur et à voir son œuvre dans les événements qui l’entourent. Il se peut que le supérieur doive finalement prendre une décision, mais ce sera la dernière étape d’un processus de discernement qui implique tous et chacun.

3. LES SUPERIEURS GENERAUX

Partant de son expérience, le père Léo Deschâtelets présenta, lors d’une remise d’obédiences, quelques notes caractéristiques de la vie et de la spiritualité oblates, dont une a pour titre: Confiance absolue en la divine Providence. En voici le texte complet: «Les Oblats ne se laissent pas arrêter par les circonstances extérieures; lorsqu’ils voient que Dieu, par son Église, les appelle à tel travail, tel apostolat, ils s’y donnent totalement. La promptitude dans l’obéissance les caractérise, parce qu’ils se savent aidés par la Providence en toutes leurs entreprises. La Règle nous trace un beau mot d’ordre, qu’il me plaît toujours de rappeler: «deinde divina superabundantes fiducia in agonem procedant decertaturi usque ad internecionem… [ensuite, pleins de confiance en Dieu, ils peuvent entrer dans la lice et combattre jusqu’à extinction…] (Préface). Combien de fois nous avons entrepris des œuvres confiants uniquement en l’aide de la Providence! Si l’on regarde l’histoire, il semble souvent qu’il était téméraire d’accepter tel ou tel travail confié par l’Église. Et, pourtant, nous laissant guider par notre confiance absolue en Dieu, nous avons accepté l’apostolat qui nous était offert et souvent, à la surprise des autres Congrégations, nous avons réussi. Le fait que la Congrégation ait si rapidement pris l’essor qu’on lui connaît ne dépend pas tellement des circonstances extérieures qui l’ont favorisée, mais dépend plutôt de cet abandon total et confiant en la divine Providence. Et encore aujourd’hui, les œuvres que nous dirigeons, nous les conduisons du mieux que nous pouvons, convaincus que la grâce du Seigneur ne nous manquera pas, comme elle nous ne nous a jamais manqué auparavant. C’est le propre des Oblats, me semble-t-il, d’aller toujours de l’avant, de travailler avec détachement pour la gloire de Dieu, l’utilité de l’Église, le salut des âmes, sachant que si c’est Dieu qui nous a appelés à son service et qui nous a confié tel apostolat concret, ce même Dieu saura nous donner l’aide nécessaire. Si Dieu ne veut pas que nous entreprenions tel apostolat, c’est bien; nous le laisserons à d’autres! Mais si l’Église nous appelle, nous nous lançons à l’œuvre de toutes nos forces; nous allons de l’avant, fiers de travailler pour l’Église et sûrs que Dieu aide ceux qui s’aident» [36].

Les Chapitres généraux ont une grande importance dans la vie de la Congrégation. Ce sont des moments privilégiés de réflexion sur notre passé comme sur notre avenir, sur notre fidélité au charisme dans l’Église et le monde d’aujourd’hui. Personne n’avait cela à l’esprit plus que le père Fernand Jetté dans son homélie de la messe d’ouverture du Chapitre de 1986. Il souligne deux dispositions nécessaires à la réussite d’un Chapitre: «Chercher ensemble la volonté du Seigneur: c’est la première disposition et la raison même de notre rencontre. Quelle est la volonté de Dieu sur nous aujourd’hui? Qu’attend-il de nous, de la Congrégation, comme réponse évangélique aux besoins de salut du monde actuel?

«Désirer connaître ce qui est juste et vrai, et demander à Dieu de nous garder dans la lumière: c’est la deuxième disposition».

Le père Jetté poursuit en montrant le lien qui existe entre les deux: «Si vraiment nous voulons accomplir la volonté de Dieu, il nous faut chercher la lumière, désirer la vérité: la vérité d’abord sur ce que nous sommes, sur notre vocation dans l’Église, sur l’esprit que nous a légué notre Fondateur; la vérité aussi sur le monde d’aujourd’hui, sur ses valeurs et ses limites, sur l’humanité nouvelle que façonne ce monde» [37].

Quelques semaines plus tard, au cours du même Chapitre, le père Marcello Zago était élu nouveau Supérieur général. La réflexion spontanée qu’il fit alors traduisait son acceptation de la volonté de Dieu: «Les vœux exprimés par les capitulants sont pour moi la volonté de Dieu et j’accepte par amour de la Congrégation, de la Mission et de l’Église» [38].

Les derniers mots du Supérieur général sortant et les tout premiers du nouveau soulignent donc cet aspect fondamental de la spiritualité du Fondateur et de notre charisme.

LA VOLONTÉ DE DIEU DANS L’HISTOIRE DE LA SPIRITUALITÉ [39]

1. L’ANCIEN TESTAMENT

Dieu créa l’homme et la femme; comme créatures, ils sont donc totalement dépendants de Dieu, qui les a, cependant, créés «à son image et à sa ressemblance», comme des personnes capables d’établir une relation personnelle d’amour avec leur créateur. La Genèse nous montre comment Dieu les a aimés en les entourant de sa bienveillance. Mais, au lieu de se conformer à la volonté de Dieu et d’accepter leur condition de créatures, ils ont voulu s’affirmer eux-mêmes et devenir comme Dieu et même s’opposer à lui. Ils ont donc refusé l’appel de Dieu à une relation authentique. Le péché a pris racine en eux. Dieu les a punis, sans toutefois les abandonner. Plus tard, il appela Abraham qui répondit positivement à l’invitation de devenir le père d’un peuple nouveau qui suivrait les plans de Dieu.

En communiquant son nom à Moïse, Dieu s’est révélé lui-même comme une personne; sa volonté était donc de nature personnelle et non comme une force extérieure empiétant sur la personne. Dieu a révélé sa volonté dans l’alliance du Mont Sinaï, mais cela n’a pas suffi à faire d’Israèl un peuple totalement soumis à la volonté de Dieu. Écrite sur des tables de pierre, la loi demeurait, en un certain sens, une condition extérieure, incapable de susciter une communion parfaite entre Dieu et l’homme. Mais Dieu annonça une nouvelle alliance qui serait écrite dans le cœur de l’homme (voir Jr 31, 31-34) et qui rendrait possible la conformité totale de la volonté de l’homme à celle de Dieu.

2. LE NOUVEAU TESTAMENT

Dans le Nouveau Testament, Dieu a envoyé son Fils Jésus révéler de façon définitive sa volonté et son amour libre et absolu (voir Jn 1, 18; He 1, 2), de sorte que l’homme puisse se conformer à l’image de Dieu en étant «conforme à l’image de son Fils» (Rm 8, 29). La volonté du Père est à l’origine de la nouvelle créature née «de Dieu» (Jn 1, 12). L’homme n’est plus lié à la loi, car il va au-delà de la loi. Pour un chrétien, faire la volonté de Dieu signifie vivre comme Jésus, ce qui veut dire vivre une relation d’amour comme celle de Jésus avec son Père. L’accomplissement de la volonté du Père crée des liens intimes avec Jésus (voir Mt 12, 50) et, en lui étant uni, les disciples sont aussi unis entre eux. L’Église devient donc le lieu privilégié où la volonté du Père est communiquée, discernée et accomplie.

Quelle est précisément la volonté de Dieu que Jésus a manifestée? En annonçant que le Royaume de Dieu est proche, Jésus dit qu’il faut se convertir pour y entrer. Cette conversion veut dire tout quitter pour posséder Dieu. Un chrétien doit aimer Dieu plus que son père, sa femme ou ses champs, et même sa propre vie (voir Mt 19, 29; 6, 33). Jésus invite la personne à faire un choix total de Dieu et montre le chemin en faisant lui-même le don de sa vie pour ses amis (voir Jn 15, 13). C’est la volonté de Dieu que nous aimions de la même façon, mais la façon concrète de le faire est à découvrir graduellement. On doit apprendre à chercher et discerner la volonté de Dieu (voir Rm 12, 2; Ep 5, 8-11, 17). Le désir de connaître la conduite la plus agréable au Père en toute circonstance devient la motivation profonde du disciple (voir Ph 1, 9 s; Col 1, 9 s). La volonté de Dieu se découvre, petit à petit, en écoutant la voix de l’Esprit en nous, en l’éprouvant et en s’y soumettant (voir Ga 5, 16; 1 Th 5, 21). Elle exige un raffinement de la sensibilité surnaturelle qui est donnée par l’Esprit et qui se développe par une pratique constante de la prière et de l’amour (voir Ph 1, 9-10; 1 Jn 5, 14).

3. QUELQUES REPRESENTANTS DE L’HISTOIRE DE LA SPIRITUALITE

Les saints sont ceux qui ont vécu de la volonté de Dieu dans leur propre vie; ils sont ainsi les plus qualifiés pour en parler. Nous verrons maintenant l’enseignement de quelques grands saints qui ont beaucoup contribué à une meilleure connaissance du sujet.

Thérèse d’Avila dit très clairement que «la souveraine perfection ne consiste pas évidemment dans les joies intérieures, ni dans les grandes extases, ni dans les visions, ni dans l’esprit de prophétie. Elle consiste à rendre notre volonté […] conforme à celle de Dieu» [40]. Cette vérité fondamentale est reprise par plusieurs grands saints. Faire la volonté de Dieu, pour Thérèse de Lisieux, c’est «[…] être ce qu’il veut que nous soyons» [41]. Alphonse de Liguori distingue entre conformité et uniformité: «La conformité veut dire que nous unissons notre volonté à celle de Dieu, tandis que l’uniformité signifie, de plus, que la volonté de Dieu et la nôtre ne font plus qu’un, de sorte que nous ne voulons plus que ce que Dieu veut et que sa volonté seule devient la nôtre» [42]. Les pratiques ascétiques et les sacrifices sont tous bons, mais le sacrifice de sa volonté est ce qui plaît le plus à Dieu: «Celui qui lui donne ses biens en aumônes, son sang par la discipline, sa nourriture par le jeûne donne à Dieu une partie de ce qu’il possède; mais celui qui lui donne sa volonté lui donne tout» [43]. Ailleurs, Alphonse a des idées très fermes sur les choses ordinairement bonnes qui ne sont pas voulues par Dieu: «Il est bien vrai que les mortifications, les méditations, les communions et les œuvres de charité envers les autres plaisent à Dieu. Mais quand? Seulement lorsqu’elles sont conformes à sa volonté. Autrement, il ne se contente pas de les désapprouver, il les déteste et les punit» [44].

Vincent de Paul s’exprime nettement de la même façon: «Ce bien est mal quand il est où Dieu ne le veut pas» [45].

Sur la façon de découvrir la volonté de Dieu, Ignace de Loyola présente une méthode de maître dans ses Exercices spirituels. Le principe fondamental est la fin pour laquelle l’homme a été créé, c’est-à-dire «pour louer et servir Dieu notre Seigneur et par là sauver son âme» [46]. Tout le reste est soumis à cette fin. C’est là que se trouve le fondement de l’indifférence ignatienne où on ne doit pas désirer «santé plus que maladie, richesse plus que pauvreté, honneur plus que déshonneur, vie longue plus que vie courte» [47]. Les Exercices spirituels sont une «manière de préparer et de disposer l’âme, pour écarter de soi tous les attachements désordonnés, puis, quand on les a écartés, chercher et trouver la volonté divine dans la disposition de sa vie, pour le bien de son âme» [48].

François de Sales distingue deux façons pour Dieu de manifester sa volonté dans la vie ordinaire: la volonté signifiée et la volonté de bon plaisir. «La volonté signifiée est distinguée en quatre parties, qui sont les commandements de Dieu et de l’Église, les conseils, les inspirations, les Règles et Constitutions» [49]. En d’autres mots, elle est déjà révélée et écrite jusqu’à un certain point, et elle sert de guide constant pour notre vie. La volonté de bon plaisir de Dieu se manifeste cependant «en tous les événements, je veux dire en tout ce qui nous arrive: en la maladie, en la mort, en l’affliction, en la consolation, dans les choses adverses et prospères» [50]. Nous ne pouvons pas prévoir tout qui nous arrivera, nous devons donc être prêts à accepter les événements comme ils arrivent, car «rien ne se fait, hormis le péché, que par la volonté de Dieu» [51]. Il faut une grande confiance et une grande liberté pour croire, comme François d’Assise, que «nous n’avons plus rien d’autre à faire que nous appliquer à suivre la volonté du Seigneur et lui plaire» [52].

Pour les religieux et religieuses, on insiste de façon particulière sur l’obéissance à la Règle et aux supérieurs comme faisant partie de la volonté signifiée de Dieu. Élisabeth de la Trinité dit que «du matin au soir la Règle est là pour nous exprimer instant par instant la volonté du bon Dieu» [53]. Dans ses Constitutions, Ignace de Loyola dit «que l’obéissant doit pareillement s’employer allègrement en toute chose où le supérieur veut l’employer pour aider tout le corps de la congrégation, en tenant pour certain qu’en cela il se conforme à la divine volonté plus qu’en toute autre chose qu’il pourrait faire suivant sa volonté propre et un jugement différent» [54].

En résumé, les saints nous enseignent que faire à chaque instant la volonté de Dieu, dans les petites choses comme dans les grandes, est l’unique chemin vers la sainteté; en dehors de cette volonté, rien ne compte, quelque bon que cela semble. On retrouve chez eux les sentiments qu’exprimait Jean XXIII: «Que votre volonté soit la mienne et que ma volonté suive toujours la vôtre et y soit parfaitement conforme» [55].

4. SYNTHÈSE THEOLOGIQUE

La disposition fondamentale du chrétien est celle de vouloir accomplir la volonté de Dieu en imitant Jésus qui ne fit rien d’autre que la volonté de son Père (Jn 4, 34; Jn 6, 38; Lc 22, 42; He 10, 7). C’est le seul chemin sûr vers la perfection ou la sainteté (Mt 7, 21). Il ne s’agit pas d’un plan de vie impersonnel et prédéterminé que Dieu impose, ni d’une résignation fataliste à toute éventualité, mais d’un appel à la liberté, à la découverte de ce qu’on veut vraiment et de ce qu’on est vraiment [56]. On le découvre à chaque instant dans les petites choses comme dans les grandes, en écoutant la voix de l’Esprit en nous, dans notre propre conscience, qui est le lieu privilégié pour connaître la volonté de Dieu [57].

Souvent, dans le passé, on a considéré l’obéissance à la volonté de Dieu d’une façon restreinte, en l’associant à une acceptation passive des malheurs et des souffrances de toutes sortes. Mais, en fait, si on la comprend bien, on y découvre une attitude active aussi bien que passive. La conformité à ce qu’on appelle la volonté signifiée de Dieu se manifeste par la fidélité à observer ses commandements, la docilité à suivre les conseils évangéliques et les inspirations, et l’obéissance à l’Église et aux supérieurs [58]. Notre union à la volonté de bon plaisir de Dieu se manifeste par l’acceptation des tribulations qu’il permet. Dans les deux cas, cependant, on doit avoir une sainte indifférence ou un complet détachement devant le choix qui se présente.

L’amour et la prière sont des conditions essentielles à la découverte de la volonté de Dieu et la communion ecclésiale est souvent mieux exprimée et assurée si l’on se confie à un accompagnateur spirituel. Le discernement de la volonté de Dieu exige une sensibilité surnaturelle qui ne se développe que par la pratique. L’amour de la volonté de Dieu est finalement la même chose que l’amour de Dieu, parce que, en réalité, sa volonté n’est pas distincte de son essence: «Dieu et sa volonté coïncident: marcher dans la volonté divine, c’est marcher avec Dieu» [59].

CONCLUSION

Le thème de la volonté de Dieu dans la spiritualité oblate n’a fait l’objet que de peu d’études spécifiques [60]. C’est peut-être dû au fait qu’il s’agit d’un thème fondamental dans toutes les spiritualités. Comme l’a écrit le père Léon Balbeur, «tout ce que l’on peut dire du bienheureux Eugène de Mazenod […] en relation avec la volonté de Dieu, on peut l’affirmer de tout autre fondateur, de tout autre saint» [61]. Cela ne diminue en rien son importance; au contraire, nous avons vu comment Eugène de Mazenod se situe dans la grande tradition qui va d’Ignace de Loyola à François de Sales dans l’orientation de toute sa vie dans la recherche de la volonté de Dieu en toutes choses. Son grand biographe, Jean Leflon, fait fréquemment référence à cet aspect [62]. Plusieurs années avant lui, le père Eugène Baffie a fait allusion à sa grande confiance en Dieu: «Dès qu’il avait compris, à la lumière de la foi, qu’une œuvre était conforme à la volonté divine, il l’abordait aussitôt […]» [63]. Nous le voyons clairement dans sa correspondance, Eugène de Mazenod voulait que ses fils oblats vivent de la même façon.

La réapparition de ce thème au cours des dernières années semble indiquer qu’il se situe vraiment au cœur même de la spiritualité oblate. Les Constitutions et Règles de 1982 font plusieurs fois référence à ce thème. Elles le présentent, dans son sens biblique, comme une disposition fondamentale du Christ dont «la nourriture […] était de faire la volonté de celui qui l’avait envoyé (Jn 4, 34)» (C 24) et que nous devons imiter. Le langage et la pratique ont quelque peu changé depuis le temps du Fondateur, mais la réalité demeure la même. En 1826, lorsque la Congrégation reçut le nouveau nom d’Oblats de Marie Immaculée, Eugène de Mazenod s’exclama prophétiquement: «Puissions-nous bien comprendre ce que nous sommes!» [64]. À tout âge, nous continuons de grandir pour devenir ce que nous devons être dans la mesure où nous accomplissons la volonté de Dieu, tout comme Marie, notre patronne et modèle (voir C 10). Comme Oblats, nous sommes appelés à une certaine identification avec Marie [65], unis à elle par ces mots: «Que tout se passe pour moi comme tu l’as dit!» (Lc 1, 38).

Anthony Bissett