Mémorial : 16 décembre

Brèves notes biographiques

Mario Borzaga

Le père Mario Borzaga (1932-1960) est né en 1932 à Trente, dans l’Italie du nord. Dernier d’une fratrie de quatre enfants, il grandit dans une famille profondément chrétienne et se senti attiré par la prêtrise. Il entra d’abord au grand séminaire de l’archidiocèse de Trente. Il n’avait que 20 ans quand un missionnaire vint parler aux séminaristes. Mario l’écouta attentivement et prit conscience que Dieu l’appelait aux missions étrangères.

C’est dans cet esprit que, en 1952, il commença son année de noviciat avec les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée italiens, dans la région du Molise. Puis, de 1953 à 1957, il se prépara à la vie missionnaire en passant plusieurs années d’étude au scolasticat oblat San Giorgio Canavese, près de Turin. Il fut ordonné prêtre en 1957. Cette même année, les Oblats d’Italie envoyèrent leur première équipe de missionnaires au Laos.

Arriver dans un des pays les plus pauvres au monde, qui comptait un nombre si réduit de chrétiens, fut pour lui un choc. Il passa sa première année dans la mission de Kengsadok. Là, il dut apprendre la langue, la culture locale et la vie missionnaire. Il aimait être avec les gens et voulait apprendre d’eux le plus rapidement possible. En fait, ce fut une année très difficile. Mario Borzaga avait 26 ans quand il fut envoyé à son premier poste de mission. Kiukatiam était un village hmong, à 80 km de Louang Prabang. Enseigner le catéchisme, initier les personnes à la prière, rendre visite aux familles, recevoir les malades qui s’assemblaient tous les jours devant la porte du dispensaire de la mission : c’est à cela que Mario consacrait son temps et ses forces. Il fut aussi chargé de la formation des jeunes catéchistes hmong.

Le dimanche 24 avril 1960, après la messe, Mario s’apprêtait à soigner les malades au dispensaire. Un petit groupe de Hmong se présenta et lui demanda de venir dans leur village, situé à trois jours de marche vers le sud. Ils se disaient intéressés à la religion. Mario Borzaga leur promit de les suivre dès le lendemain. Son plan était de visiter plusieurs villages de la même région et de remonter la vallée du Mékong vers l’ouest, jusqu’à Luang Prabang. Il invita le jeune catéchiste, Xyooj, à l’accompagner. Le lundi 25 avril 1960, ils se mirent en route. Le 1er mai, à Muang Met, un village lao et kmhmu entre Ban Phoua Xua et Muang Kassi, une patrouille de la guérilla rencontra Mario Borzaga et son compagnon. C’est en sortant du village qu’ils furent pris. Les guérilleros attachèrent les mains et les avant-bras du prêtre derrière son dos. Le jeune catéchiste cria : « Ne le tuez pas, c’est un prêtre très bon, très gentil avec tout le monde. Il ne fait que de bonnes choses. » Ils ne le crurent pas et décidèrent de les tuer sans plus tarder, mais discrètement, sans témoins, s’éloignant un peu du village. Un ancien soldat raconte : « Nous les avons forcé à creuser une fosse. C’est moi qui ai tiré sur eux. Sans attendre, nous les avons recouverts de terre. »

Le père Mario Borzaga a laissé un testament spirituel d’une grande valeur. Sa vie est une preuve que la vocation missionnaire est un véritable chemin de sainteté : « Je veux faire croître en moi une foi et un amour profonds et solides comme un roc, » avait-il écrit. « Sans quoi je ne peux pas être un martyr : la foi et l’amour sont indispensables. Il n’y a rien d’autre à faire que de croire et d’aimer. » Juste avant de faire son oblation perpétuelle en 1956, Mario décrivit dans son journal le rêve de bonheur qu’il eut pour sa vie : « J’ai compris ma vocation: être un homme heureux, jusque dans l’effort de m’identifier avec le Christ crucifié. »

Louis Leroy

Le père Louis Leroy (1923-1961) est né le 8 octobre 1923, en Normandie (France), dans le village de Ducey. Il était l’aîné d’une famille paysanne avec quatre enfants. En 1932, Louis n’avait que 9 ans quand son père mourut. Sa mère s’installa alors avec ses quatre enfants dans une ferme à Villiers-le-Pré. Étant l’aîné des garçons, après avoir fréquenté l’école primaire, Louis travailla dans la ferme familiale pendant une dizaine d’années. Après son service militaire, à l’âge de 22 ans, il s’orienta vers la vie missionnaire, qu’il désirait depuis longtemps. Il fut admis au juniorat des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée à Pontmain pour deux ans et demi de rattrapage des études secondaires.

Il passa l’année 1948-1949 au noviciat oblat de La Brosse-Montceaux, puis six années d’études philosophiques et théologiques au scolasticat oblat de Solignac. Le 29 septembre 1952, il fit son oblation perpétuelle. Le 4 juillet 1954, il fut ordonné prêtre dans l’abbaye de Solignac. Sa feuille de route pour le Laos est datée du 11 juin 1955.

Arrivé au Laos en novembre 1955, il fut envoyé peu après à Xieng Khouang. Un an plus tard, désorienté par les langues et dialectes multiples de cette région, il demanda de passer quelques mois dans la vallée du Mékong pour mieux se familiariser avec la langue lao officielle, parlée dans la plaine. À la fin de 1957, il arriva à son poste final, à Ban Pha, dans les montagnes. Il y avait plusieurs villages chrétiens de langue kmhmu dans la région, ainsi qu’un vaste territoire où l’Évangile n’avait pas encore pénétré. Dans les trois ans et demi qui suivirent, il visita les villages qui lui avaient été confiés, à deux, trois ou cinq heures de marche, par tous les temps, sur des sentiers impossibles. Dans une de ses lettres, il écrit :

« Du 1er juillet 1959 au 1er juillet 1960, il y a eu 73 baptêmes dont 37 d’adultes. Environ 3 000 personnes sont venues demander des soins, il s’agit de cas bénins, parfois de cas très graves ; et pour assurer tout cela au moins 3 000 kilomètres de marche à pied sac au dos. À certains jours c’est dur, surtout quand la santé n’est pas brillante, mais je suis très heureux d’avoir à travailler dans ce secteur. »

Le 18 avril 1961, le père Louis Leroy était en prière dans sa pauvre église. Un détachement de soldats de la guérilla vint le chercher. Selon les gens du village, il savait que son départ était définitif : tête nue et pieds nus il suivit les soldats sur le chemin escarpé.

Selon un témoignage, Louis Leroy fut interrogé, frappé et brûlé au visage jusqu’à être défiguré. Peu après, on entendit quelques coups de feu dans la forêt. Des années plus tard, un non chrétien du village dit à un prêtre laotien : « Ils l’ont tué. » Selon des commentaires recueillis plus tard, Louis aurait pu facilement s’échapper. Quand les troupes royales avaient abandonné son village de Ban Pha, les militaires avaient insisté pour qu’il parte avec eux. Il refusa tranquillement, disant que son devoir était de rester avec les gens, selon l’ordre reçu de ses supérieurs. Il ajouta : « Je suis prêt à mourir pour le Seigneur. »

Michel Coquelet

Le père Michel Coquelet (1931-1961) est né le 18 août 1931 dans le nord de la France, à Wignehies (59), au sein d’une modeste famille ouvrière, activement chrétienne. Michel était le troisième d’une fratrie de six enfants. En 1936, la famille s’installa 30 km plus loin, dans la petite ville de Puiseaux, dans le Loiret. C’est là qu’il entra à l’école élémentaire. Malgré la dureté de la vie et les privations des années de guerre, la famille Coquelet choisit de donner à Michel une vraie éducation chrétienne. En 1942, il devint pensionnaire du Collège catholique Saint Grégoire de Pithiviers. Dès la rentrée scolaire de 1945, ses parents l’envoyèrent comme interne au petit séminaire de Saint-Michel de Solesmes. Dans cet établissement, il prépara et obtient en 1948 un baccalauréat littéraire latin-grec.

Michel Coquelet entra au noviciat des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée à La Brosse-Montceaux en 1948. En septembre 1949, après avoir prononcé ses vœux religieux, il fut envoyé au scolasticat oblat de l’abbaye de Solignac en Haute-Vienne. Il y fit les études obligatoires de philosophie et de théologie, et se prépara à une vie spirituelle et communautaire intense à l’avenir qu’il avait choisi : devenir prêtre et religieux missionnaire. Michel resta à Solignac jusqu’à son départ pour le Laos en 1957, sauf les 18 mois de service militaire, de janvier 1952 jusqu’en juin 1953. Le 29 juin 1954, Michel fit son oblation perpétuelle comme Oblat de Marie Immaculée. Le 19 février 1956, il fut ordonné prêtre dans l’église abbatiale de Solignac.

Le 25 janvier 1957, le père Coquelet reçut sa feuille de route. Il s’envola pour le Laos, où Vientiane l’accueillera le 1er avril 1957. Ses supérieurs oblats au Laos le nommèrent immédiatement membre du corps professoral au petit séminaire de Paksane (1957-1958). En même temps, il commença à étudier la langue lao. À la fin de 1958, Michel reçut une obédience pour la mission de Xieng Khouang. Trois ans plus tard, en 1961, le père Coquelet vécut à Phôn Pheng, un village chrétien reculé, près de Tha Vieng dans la province de Xieng Khouang, appelé Ban Houay Nhèng. Là, il s’occupait d’une région assez vaste.

Le dimanche 16 avril 1961, le père Coquelet célébrait le Deuxième dimanche après Pâques avec sa communauté chrétienne. Le lundi 17, il prit congé : il avait été appelé pour soigner un blessé à Ban Nam Pan. Il partit à vélo. Pas loin de Xieng Khong, Michel fut arrêté par les soldats de la guérilla. Abandonnant le vélo, les soldats l’emmenèrent alors sur la route en direction de Ban Sop Xieng. Un peu à l’écart de la route, ils lui demandèrent de creuser sa tombe. Michel jeta au loin la pelle. Pour le Christ, pour les Laotiens, il mourra debout, sans peur. Le père Michel Coquelet fut tué sans procès et sans pitié. Il n’avait même pas 30 ans.

Vincent L’Hénoret

Le père Vincent L’Hénoret (1921-1961) est né le 12 mars 1921, à Pont l’Abbé (France). Issu d’une famille profondément catholique de 14 enfants, Vincent fréquenta l’école primaire au Collège catholique Saint-Gabriel de sa ville natale. Il fut ensuite interne au juniorat des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée à Pontmain (Mayenne, France), pour ses études secondaires, de 1933 à 1940.

À la fin de ses études, il demanda de consacrer sa vie à Dieu, en vue de la mission, dans la famille des Oblats. Il fit son noviciat dans la même maison, à Pontmain. Pour ses études en philosophie et théologie, il fut envoyé à La Brosse-Montceaux. Là il vit personnellement le drame du 24 juillet 1944 : l’exécution sommaire par les soldats allemands nazis de cinq Oblats de sa communauté. Lui-même est déporté au camp de prisonniers de Compiègne ; mais ils seront libérés peu après, début septembre, par les Alliés qui avançaient.

De retour à La Brosse, Vincent fit son oblation perpétuelle le 12 mars 1945, et fut ordonné prêtre le 7 juillet 1946. La paix était revenue. Vincent L’Hénoret était alors prêt à partir en mission. Le 10 août 1946, il fut envoyé officiellement au Laos pour annoncer l’Évangile.

Son premier séjour au Laos fut dans la région de Paksane. Là, il dut apprendre la langue, les coutumes et la méthode de l’activité missionnaire. Il fut ensuite envoyé en poste de responsabilité à Nong Buoa, où il trouva une forte communauté de 400 chrétiens. En novembre 1957, il s’unit à l’équipe missionnaire de Xieng Khouang. Son poste était à Ban Ban, qui ne comptait qu’une poignée de chrétiens, mais dans les alentours, plusieurs villages de réfugiés Thaï Deng, provenant de la province de Sam Neua, s’étaient installés depuis 1952-1953. Le travail pastoral et missionnaire n’était pas facile : ces personnes avaient souffert des aléas de la guerre endémique, qui ne les avaient guère épargnées depuis des années. Il y avait beaucoup à faire, notamment donner confiance aux familles disloquées.

Au cours des derniers mois de l’année 1960, le régime dissident installé à Sam Neua étendit son emprise sur toute cette région. Le système se mit en place avec son rythme de réunions d’endoctrinement et ses entraves à la libre circulation des personnes. Le mercredi 10 mai 1961, le père L’Hénoret alla célébrer la fête de l’Ascension à Ban Na Thoum, un village distant de 7 kilomètres.  Le jeudi 11 mai, on le vit partir de Na Thoum à bicyclette à 7 heures du matin. Peu après, entre Ban Na Thoum et Ban Faï, il fut arrêté par trois hommes portant l’uniforme de la guérilla. Une paysanne qui travaillait dans son champ fut témoin de la première partie de la scène : « le Père sortit un papier, le laissez-passer sans aucun doute. Cela sembla satisfaire les militaires, car le Père enfourcha de nouveau son vélo et reprit sa route. »   La paysanne ne vit pas la suite, mais elle entendit peu après des coups de feu. Elle retourna au village, découvrit le vélo, puis aperçut un corps à peine dissimulé dans une tranchée. Terrorisée, elle n’osa rien dire, ni rien faire sur le moment. Le lendemain, un petit groupe de villageois se rendit sur les lieux. À environ 1 500 mètres du village, ils virent une large flaque de sang au milieu du chemin et découvrirent le corps du père L’Hénoret, qui avait été transporté dans un fossé plus loin dans la forêt. Le samedi, ils allèrent chercher le père Khamphanh, et avec lui procédèrent à une sépulture digne mais rapide, sans traîner car tous restaient conscients du danger. Une croix fut placée sur la tombe. Jamais aucune explication ne fut donnée pour cet assassinat. Les autorités militaires en place dans la région choisirent simplement de le nier. Selon un témoin, les nouveaux maîtres démolirent leur église et interdirent aux chrétiens de se réunir. Les jeunes générations n’ont plus pu être catéchisées ; elles ne connaissent que l’école et la propagande, et ne savent plus ce qu’est la religion chrétienne. Un témoin dit plus tard :     « Je crois qu’il a été tué en haine de la religion, surtout de la religion catholique. »

Jean Wauthier

Le père Jean Wauthier (1926-1967) est né le 22 mars 1926, dans le Nord de la France, dans la petite ville de Fourmies. En 1940, il connut les souffrances des populations civiles fuyant devant l’invasion allemande, qui conduisit sa famille à s’exiler à l’autre bout de la France, à Sainte-Livrade (47). Après avoir terminé ses études secondaires au petit séminaire d’Agen, en novembre, 1944, il fut admis au noviciat des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée à Pontmain, et fit ses premiers vœux le 1er novembre 1945. Après deux années d’études de philosophie, d’abord à La Brosse-Montceaux, puis à l’abbaye de Solignac, il fut appelé au service militaire. À son retour à Solignac, il fit quatre ans d’études de théologie. C’est là que le 8 décembre 1949 Jean Wauthier prononça ses vœux perpétuels. Le 17 février 1952, il fut ordonné prêtre.

Après son ordination, il fut assigné à la mission de Vientiane, au Laos, en 1952. Dès son arrivée dans le pays le 26 octobre 1952, il fut envoyé servir la mission parmi les pauvres les Kmhmu’. Il était presque toujours avec les gens des mêmes villages, qu’il suivit à travers leurs déplacements dans les années de guerre. En 1961, tout le village doit se replier à la limite de la Plaine des Jarres, à Ban Na d’abord, ensuite à Hin Tang. De 1961 à 1963, il fait un stage de deux années au petit séminaire de Paksane. Chaque samedi, il quitte le séminaire pour le ministère dominical dans les villages des alentours. En décembre 1963, il retourna au ministère parmi les Kmhmu’. Il passa le plus clair de ses dernières années à Hin Tang et se consacra à la tâche difficile de répartir équitablement l’aide humanitaire. Il défendait les pauvres Kmhmu’, sans pour autant les favoriser car il savait se mettre au service de tous. Son action déplut aux forces spéciales, qui s’arrogeaient le droit de se servir les premiers. Jean était désormais conscient que sa vie était menacée. La nuit du 16 au 17 décembre 1967, Jean Wauthier fut tué à bout portant. Il était venu passer deux soirées dans le tout petit village de Ban Na, voir des catéchumènes. À 800 m de là se trouvait un petit poste militaire sur une hauteur. Ceux qui en voulaient à sa vie simulèrent une attaque de la guérilla.  Immédiatement il se mit debout, il prit les deux enfants qui étaient avec lui et deux ou trois catéchumènes, et descendit avec eux vers un ruisseau coulant à 200 ou 300 mètres en contrebas du village. Il les mit à l’abri dans un repli du terrain. Il s’éloigna pour évaluer la situation. Un coup de feu retentit. Touché à la base du cou, Jean Wauthier supplia ses agresseurs, embusqués derrière une petite haie :    « Pourquoi tirez-vous sur moi ? Arrêtez ! J’ai très mal. » – « Cesse de parler ! », fut la réponse. Et le tir reprit. Atteint de trois balles en pleine poitrine, il s’effondra et mourut. Le lendemain de la mort du père Jean Wauthier, un des catéchistes écrivait à ses parents : « Le père Jean est mort parce qu’il nous aimait et n’a pas voulu nous abandonner. » Le corps du père Wauthier fut transporté à Vientiane. Il repose en terre laotienne, dans le cimetière catholique de la ville.

Joseph Boissel

Le père Joseph Boissel (1909-1969) est originaire d’un petit village près de Pontmain (France). Il est né le 20 décembre 1909 au hameau de La Tiolais, dans une famille d’agriculteurs pauvres. Il fit ses sept années d’études secondaires au juniorat des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée, à Jersey. Il entra ensuite au noviciat à l’île de Berder, dans le Morbihan. Il alla étudier la philosophie au séminaire de Liège (Belgique), puis la théologie à celui de La Brosse-Montceaux (France). Entre temps, il fit fait son service militaire. Le 4 juillet 1937, il fut ordonné prêtre. Le 26 mai 1938, avec trois de ses  compagnons, il reçut la feuille de route pour le Laos. Il avait 29 ans.

Le père Boissel faisait partie du groupe des pionniers oblats de la mission du Laos. Dès son arrivée dans ce pays, en octobre 1938, il fut envoyé assez rapidement vers la région de Xieng Khouang où l’évangélisation débutait à peine. Sans faire aucune conversion, il avait suscité un réel sentiment d’amitié, notamment parmi les Hmong. En mars 1945, les Japonais attaquèrent le Laos. Le 1er juin, Joseph Boissel fut fait prisonnier et emmené à Vinh, au Viêt-nam. De retour au Laos en 1946, Joseph reprit contact avec les Hmong. La mission de Nong Ether fut pillée et dévastée. Les conditions matérielles étaient alors très précaires. Le père Boissel cultive lui-même la rizière pour pouvoir manger. En 1958, il entreprend une nouvelle phase de sa vie missionnaire : il est affecté au district de Paksane, où il se dépensera jusqu’à son dernier jour. Il a d’abord la charge du village de rizière de Nong Veng ; puis, à partir de 1963, il s’installe à Ban Na Chik au Km 4 de Paksane vers Pak Kading. Il circulait entre ces villages, en dépit de sa vue défectueuse car il avait perdu complètement l’usage d’un œil. Dans ces années-là, prendre la route était toujours risqué : depuis fin mars 1969 le danger de la guérilla s’était accentué, si bien qu’il avait fallu renoncer à célébrer la Semaine Sainte dans ces villages. Début juin seulement, le père Boissel ose de nouveau s’aventurer sur cette route à embuscades.  Tous les samedis, en fin de journée, le père Boissel se rendait dans un des villages et revenait le dimanche vers midi.

Le samedi 5 juillet 1969, il décida d’aller à Hat I-Êt, un village de réfugiés kmhmu’ à une bonne vingtaine de kilomètres de Paksane en remontant le long de la rivière Nam San. Il partit vers 16 heures, en prenant avec lui deux religieuses qui devaient, comme d’ordinaire, l’aider pour les visites, les soins aux malades et le service religieux. La suite est racontée par une des deux sœurs : « Avant d’arriver au village, j’ai entendu une rafale d’arme à feu dirigée contre nous. Les pneus ont éclaté et j’ai été atteinte à la main. Une deuxième rafale, et l’autre sœur a été atteinte à la tête. Le père Boissel fut atteint à la tête, près de la bouche et au crâne. La jeep est allée au fossé, s’est renversée. Les lunettes du Père ont éclaté ; il est mort sur le coup. Il avait les yeux grands ouverts. Nous étions complètement couverts de sang tous les trois. J’ai vu trois jeunes soldats vietnamiens faire le tour du véhicule trois fois. Ils disaient : « Brûlons le véhicule et ses occupants ! » Ils se sont retirés et ont jeté une grenade sur la voiture. La grenade a éclaté. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restées ainsi dans le véhicule. La grenade nous avait assourdies. Enfin des gens sont arrivés pour nous prendre. Le corps du père avait été brûlé au point que son visage était totalement méconnaissable. L’autre sœur, atteinte à la tête, est restée handicapée mentalement suite à cet attentat ». Le père Boissel est mort à cause de sa foi en Jésus Christ, à cause du désir de voir disparaître la religion catholique. C’était connu que le père Boissel se rendait dans un village ou l’autre tous les samedis vers 16 heures. Il y avait de la haine pour les étrangers, pour les prêtres, pour la religion catholique.