1. Eugène de Mazenod et les frères
  2. L'intégration des frères à la mission de la Congrégation
  3. La formation
  4. L'élargissement du rôle apostolique - Missionnaires
  5. Autres innovations à la suite de Vatican II – L'oblation
  6. L'habit
  7. Le gouvernement
  8. Le diaconat permanent
  9. Conclusion

Alors que la fondation des Missionnaires de Provence en était encore au stade de sa conception, il semble bien que l’introduction des frères ait fait partie des plans que le bienheureux Eugène de Mazenod préparait petit à petit. Le 28 octobre 1814, il notait sa déception de perdre le frère Maur, son compagnon et son domestique, sur qui il avait compté pour la formation de sa maison de missionnaires. Pierre Martin Bardeau, le frère Maur, un ancien frère camaldule dont le monastère avait été supprimé par Napoléon, en 1811, retourna à Aix-en-Provence avec Eugène de Mazenod, en 1812, et décida plus tard d’entrer chez les Trappistes. C’est à l’époque où Eugène de Mazenod arrêta sa décision de fonder sa société que le frère Maur quitta Aix, le 18 septembre 1815, pour le monastère de Port-du-Salut, où il mourut le 12 avril 1848.

Eugène de Mazenod fonda une communauté de missionnaires, c’est-à-dire de prêtres qui prêcheraient des missions et s’adonneraient aux autres ministères du prêtre. Il semble cependant que, dès le début, il était dans ses intentions d’avoir des membres non clercs ou des frères. Ce n’était pas alors une nouveauté; il ne faisait que suivre l’exemple d’autres instituts missionnaires comme, par exemple, les Lazaristes (Congrégation de la Mission), les Rédemptoristes, etc.

Dans l’avant-propos des premières Constitutions (1818), il avait prévu un chapitre sur les frères et laissait dans son manuscrit deux pages blanches à cet effet. Aucun frère n’était encore entré dans la communauté et les Constitutions d’Alphonse de Liguori, qu’Eugène de Mazenod avait prises comme modèle, ne comportaient pas de paragraphes sur les frères. Cette lacune serait comblée dans les révisions subséquentes de nos Constitutions.

Dans les Constitutions approuvées par Léon XII en 1826, l’article le plus important sur les frères est le premier de la section qui les concerne:

«La Société consent à recevoir dans son sein des hommes de bonne volonté qui, dépourvus des connaissances nécessaires pour être missionnaires et renonçant à les acquérir, veulent pourtant travailler efficacement à leur salut sous la direction des saintes Règles de l’institut en s’y employant aux offices réservés dans les ordres religieux à ce qu’on appelle les frères convers» (C et R de 1826, troisième partie, chapitre 2 § 4, dans Études oblates (1943), p. [64]).

On peut saisir, dans cet article, la nature de la vocation des frères. Pour la comprendre, cependant, on doit se rappeler que le mot «missionnaire», tant dans l’usage populaire que dans les documents de l’Église du temps, ne s’appliquait qu’aux prêtres. C’est ce qui explique pourquoi les Constitutions et Règles des Oblats gardèrent jusqu’à 1966 l’usage, qui remonte à Eugène de Mazenod, d’utiliser le mot «missionnaires» pour désigner les prêtres de l’Institut. Ce n’est qu’à partir de Vatican II qu’on donnera officiellement le titre de missionnaire à des fidèles qui ne sont pas clercs.

Il est à peine nécessaire de souligner que les premières Constitutions ont été rédigées bien avant que l’éducation universelle ne devienne un fait commun et que l’article 8 de la section sur les frères ne comportait rien d’inhabituel lorsqu’il prenait pour acquis que certains candidats frères ne pouvaient lire ou écrire.

Si les frères n’étaient pas des «missionnaires» au sens strict du mot, ils étaient, cependant, Oblats puisqu’ils étaient religieux. Même si le mot «oblat» ne faisait pas partie, en 1818, du nom de l’Institut, Eugène de Mazenod choisit le mot «oblation» pour désigner l’émission des vœux, dans la première rédaction des Constitutions. Tous les membres étaient donc des Oblats. En pratique, cependant, le nom de missionnaires était donné aux prêtres, celui de simples oblats, aux scolastiques et celui de frères convers, aux frères.

Les frères étaient chargés des tâches domestiques pour le bien commun de la Société et de l’Église. Ils n’étaient toutefois pas considérés comme des serviteurs, mais «comme de véritables enfants de la Congrégation» (C et R 1928, art. 772, traduction de 1930). Les candidats clercs étant eux aussi appelés «fils», l’expression ne revêtait aucun caractère de condescendance. Contrairement à la pratique en cours dans d’autres instituts, ils devaient partager le même réfectoire et prendre part, dans la mesure où le permettaient leurs tâches et leur éducation, aux mêmes exercices que le reste de la communauté. Dans les communautés plus grandes, cependant, l’usage resta jusqu’à la fin de Vatican II pour les frères d’avoir leur propre table au réfectoire et une salle de récréation à part. En raison de leurs autres tâches, ils étaient exemptés de la récitation de l’Office divin, qui se faisait en commun et en latin, mais ils devaient bénéficier des fruits de cette «œuvre» de la Congrégation en récitant un certain nombre de «Notre Père», de «Je vous salue Marie» et de «Gloire soit au Père» pour chaque heure de l’Office.

L’habit religieux des prêtres et des scolastiques était la soutane telle que la portait le clergé diocésain, mais généralement sans le rabat du clergé français. Les frères devaient, selon les Constitutions et lorsque leur travail le permettait, porter un habit plus court, la soutanelle. Il semble bien que, en fait, en beaucoup d’endroits, les frères portaient des habits laïques ordinaires. Il y avait plusieurs raisons à cela, entre autres la crainte que les laïques ne les prennent pour des prêtres et aussi l’oppression subie, à diverses reprises, par les instituts religieux de la part du gouvernement français. Dès les débuts de l’Institut, les prêtres ont porté au cou une large croix comme signe de leur mission. Les prêtres et les scolastiques recevaient cette croix au moment de leur oblation qui, au début de la Congrégation, était toujours perpétuelle. Les prêtres faisaient leur oblation à la fin du noviciat et les scolastiques, juste avant le sous-diaconat. N’étant pas des missionnaires, les frères recevaient, pour faire partie de leur habit, une petite croix à leur première oblation et un petit crucifix à leur oblation perpétuelle.

Au début de la Congrégation, les frères faisaient leur première oblation pour un an, puis pour cinq ans avant l’oblation perpétuelle. Au cours des ans, il y eut plusieurs changements là-dessus. Les Constitutions de 1928 précisèrent que les frères feraient des vœux annuels pendant trois ans, puis des vœux de trois ans avant les vœux perpétuels, qui devaient être faits six ans après le noviciat. Parce qu’au XIXe siècle, en France, les frères étaient astreints au service militaire, il ne leur était pas permis de faire leur première oblation avant d’avoir vingt et un ans.

Dans chaque maison, il devait y avoir un prêtre nommé préfet spirituel des frères. Après leur première oblation, ceux-ci passaient sous sa responsabilité, qui était de veiller à l’observance religieuse et à la formation spirituelle. La répartition et la supervision du travail relevaient de l’économe local.

Eugène de Mazenod et les frères
Il y eut bien deux candidats à la vie de frère avant l’approbation pontificale de 1826, mais ils ne persévérèrent pas. C’est chez les Lazaristes de l’église Saint-Sylvestre, près du Quirinal, que Eugène de Mazenod trouva hospitalité lorsqu’il séjourna à Rome dans l’attente de l’approbation, par le pape Léon XII, des Constitutions et de la Congrégation. Là, il fut en contact quotidien avec les frères de cette communauté. Il fut si profondément impressionné par la qualité de ces hommes qu’il se plaignit, dans sa lettre des 28 et 29 janvier 1826 au père Henry Tempier, du fait que les Oblats n’avaient pas encore d’hommes comme les précieux frères allemands avec lesquels il vivait.

Des années plus tard, lorsqu’il s’aperçut qu’on exigeait trop de travail des frères au détriment de leur vie spirituelle, Eugène de Mazenod n’hésita pas à réprimander ceux qui, dans la pratique, ne faisaient pas suffisamment cas de la vie religieuse des frères et de leur besoin de temps à consacrer à la prière et aux autres exercices spirituels.
Le père de Mazenod choisit saint Joseph, qu’il considérait comme principal patron de la Congrégation, comme patron particulier des frères. Ce choix revêtait d’autant plus d’importance qu’il se démarquait de la coutume, qui existait dans nombre d’autres instituts, de prendre sainte Marthe pour patronne des frères.

C’est dans une lettre au père Florent Vandenberghe, le 6 décembre 1852, à propos d’un postulant, que Eugène de Mazenod manifesta clairement son attitude à l’égard des frères: «C’est un homme de bonne volonté, capable des plus grands sacrifices pour le bon Dieu pour lequel il abandonne tous les avantages qu’il pouvait rencontrer dans le monde […] Je vous donne cet avis pour que vous ne vous y trompiez pas. Il s’agit de le façonner à la vie religieuse, de développer en lui le germe des vertus que le bon Dieu a placées dans son cœur avec une gr[an]de bonne volonté, et un dévouement parfait. Faites-en un bon religieux, et ne demandez de lui que ce dont il est capable et à quoi il est propre […] On pourra peut-être hors du noviciat se plaindre de ce que nous ne lui mettons pas la pioche à la main, mais encore un coup je ne vous l’envoie pas pour cela» (dans Écrits oblats I, t. 11, p. 108-109).

L’intégration des frères à la mission de la Congrégation
L’acceptation des missions étrangères en 1841 ouvrit un champ tout nouveau non seulement aux prêtres, mais en particulier aux frères. À cette époque, il n’y avait que neuf frères profès dans la Congrégation; deux d’entre eux devaient pourtant faire partie du premier groupe de six Oblats à partir pour le Canada. Les frères, qui jusque-là n’avaient accompli que la tâche traditionnelle attribuée aux frères dans les instituts religieux, allaient bientôt devenir aussi instituteurs et catéchistes au Canada, en Angleterre, en Irlande, aux États-Unis, en Afrique du Sud et tout spécialement à Ceylan (Sri Lanka). Avant même que la révision des Constitutions de 1853 ne reconnaisse juridiquement ce nouvel apostolat, Mgr de Mazenod parlait, dans sa correspondance, des frères catéchistes. Le Chapitre de 1850 modifia le premier article des Constitutions sur les frères en introduisant ces mots: «et même à l’instruction des enfants pauvres, si cela était jugé opportun» (traduction de 1910, no 797). Entre 1841 et 1861, plus de vingt-cinq frères faisaient la classe ou le catéchisme dans les missions au Canada, à Ceylan, en Angleterre, en Afrique du Sud. Deux frères étaient nommés au petit séminaire de Vico comme surveillants. En 1859, le personnel de la maison de correction de Glencree était déjà principalement constitué de frères. En 1862, il y avait deux prêtres et quatorze frères d’assignés à cette institution.

En 1853, une fois la révision des Constitutions et Règles approuvées par le Saint-Siège, celles-ci étaient publiées avec, en annexe, l’Instruction sur les missions étrangères du Fondateur. Dans cette instruction, il était dit que, dans les missions où ne séjournerait qu’un des nôtres, le vicaire des missions ferait en sorte d’adjoindre un frère au père désigné pour ce poste et que les frères initiés à différents métiers pourraient non seulement aider, mais encore remplacer les pères pour instruire les gens dans ce domaine.

Même si les Constitutions de 1853 ouvraient officiellement aux frères le champ de l’apostolat de l’enseignement, le besoin d’enseignants n’était pas pour autant comblé. Dans plusieurs missions oblates, l’anglais était la langue d’enseignement; les frères de langue anglaise d’Irlande étaient donc particulièrement en demande. Il n’y avait tout simplement pas assez de frères ou du moins pas assez de frères aptes à l’enseignement. Lors des Chapitres généraux subséquents, la question fut soulevée de façon régulière et sous diverses formes. Dans les missions, les écoles, lorsqu’il y en avait, étaient peu nombreuses; le besoin était grand d’en fonder de nouvelles et d’agrandir celles qui existaient déjà. Pour répondre à ce besoin, on proposa, lors de plusieurs Chapitres, de créer, à l’intérieur de la Congrégation, une catégorie distincte de frères voués à l’enseignement. On approuva l’idée de recruter et de former un plus grand nombre de frères pour l’enseignement, mais on rejeta constamment celle de créer une catégorie spéciale de frères. Un Chapitre général approuva la création, qui n’a jamais eu lieu, d’un juniorat destiné à la formation de frères enseignants. Même si le nombre de frères s’adonnant à l’enseignement constitua toujours une minorité, l’orientation officielle de la Congrégation demeura la même: on formerait des frères pour l’enseignement afin de répondre aux besoins, surtout dans les missions, sans toutefois constituer une catégorie distincte de frères. C’était respecter le principe d’Eugène de Mazenod, à savoir que chaque homme doit être employé selon ses talents et les besoins de l’Église et de la Congrégation.

On retrouve la même attitude chez le père Louis Soullier, supérieur général, qui écrivit dans son Acte de visite de la Province britannique en 1893 : «Notre principe de gouvernement est que les sujets soient utilisés selon leurs aptitudes. De même que dans l’ordre sacerdotal, les uns ont plus d’aptitude pour la prédication, les autres pour l’enseignement – différence dont nous sommes heureux de tenir compte, sans pour autant établir des catégories parmi nos prêtres – ainsi dans l’ordre laïcal, les uns ont plus d’aptitude pour la pédagogie, les autres pour les travaux manuels, ce qui nous permettra de satisfaire aux diverses nécessités sans créer des distinctions honorifiques ou des situations privilégiées.» (Cité par Larose, Jean-Marie, «La place des Frères coadjuteurs dans la Congrégation», dans Études oblates, 24 (1965), p. 142.

Il semble bien que les seules limites apportées au travail que les frères pouvaient faire étaient fixées par leurs propres talents et les besoins du moment. La preuve en serait le projet, non réalisé, formé par deux frères d’Orégon, en 1849, de partir avec six chevaux prospecter l’or en Californie afin de soutenir leur pauvre mission. Toute tentative de faire l’histoire du travail et des réalisations des frères non seulement dépasserait les limites de cet article, mais échouerait en omettant les faits et gestes peu connus et pourtant importants d’un grand nombre d’apôtres cachés.

Dans les Constitutions et Règles de 1928, le premier article sur les frères fut reporté au premier chapitre. La dernière partie de l’article fut modifié pour se lire ainsi: «[…] tout en se consacrant aux travaux propres aux Frères convers, ou même, en prêtant leur concours aux missionnaires selon que les supérieurs le jugeront opportun» (art. 9). Par cette formulation plus subtile, on reconnaissait que les frères enseignants constituaient une minorité mais, en même temps, on ouvrait le champ à d’autres occupations qui n’exigeaient pas l’ordination. On faisait donc disparaître cette idée que les frères n’avaient pas les connaissances nécessaires pour être missionnaires, parce que tel n’était pas le cas et que l’idée même répugnait.

La formation
Alors qu’il existait des normes universelles pour la préparation des scolastiques en vue du ministère, il n’y avait pas pour les frères, outre la nécessité du noviciat, de loi universelle ou particulière régissant leur formation au travail. Certaines provinces plus grandes, telles celles du Canada et de l’Allemagne, possédaient d’excellents programmes que l’on remplissait consciencieusement. Ce n’était malheureusement pas le cas d’un certain nombre de provinces plus petites et de missions à l’étranger. Il faut déplorer le fait que de bonnes décisions prises par les Chapitres généraux soient demeurées sans effet devant la dure réalité du manque de frères et d’occasions pour eux d’acquérir une formation adéquate.

L’élargissement du rôle apostolique  Missionnaires
Convoqué quelques mois après la fermeture du concile Vatican II, le Chapitre général de 1966 traça, pour la première fois, un portrait complet du champ des travaux apostoliques qui s’ouvrait aux frères. Dans les Constitutions et Règles à l’essai de 1966, il était clairement dit que les prêtres et les frères forment une seule communauté apostolique; ce qui exerça une grande influence sur l’évolution et la compréhension du rôle des frères dans la Congrégation:

«[…] Elle groupe des prêtres avec des laïcs, engagés par les mêmes vœux de religion, qui, vivant ensemble comme des frères et coopérant étroitement dans le Christ Sauveur, se consacrent principalement à l’évangélisation des pauvres» (C 1).

«[…] ils travaillent d’un même cœur – prêtres et laïcs – chacun selon son ministère ou sa fonction, à l’avancement du Règne de Dieu» (C 5).

«[Les frères] peuvent également participer à certaines tâches pastorales comme la catéchèse, l’enseignement, l’éducation, les œuvres sociales et remplir certains rôles conformes à leur état dans l’assemblée liturgique» (R 17).

«Solidaires de leur communauté, ils collaborent aussi à la vie et à la mission de leur maison en prenant en charge les services qui leur sont confiés conformément à leurs aptitudes, qu’ils soient d’ordre manuel, technique ou intellectuel» (R 18).

Les Constitutions de 1982 brisèrent avec la tradition en ne nommant ou ne décrivant pas les diverses œuvres apostoliques. L’œuvre de la Congrégation y est décrite d’une façon générale comme celle de l’évangélisation des pauvres, sans qu’il soit fait mention des ministères spécifiques des prêtres et des frères:

«La Congrégation […] groupe en communautés apostoliques des prêtres et des frères qui se lient à Dieu par les vœux de religion; coopérant avec le Christ Sauveur et imitant son exemple, ils se consacrent principalement à l’évangélisation des pauvres» (C 1).

«Les Oblats, prêtres et frères, ont des responsabilités complémentaires dans l’œuvre de l’évangélisation. Ils mettent tout en œuvre pour éveiller ou réveiller la foi de ceux à qui ils sont envoyés et leur faire découvrir «qui est le Christ». Toujours ils sont disposés à répondre aux besoins les plus urgents de l’Église par diverses formes de témoignages et de ministères, mais surtout par la proclamation de la Parole de Dieu, qui trouve son achèvement dans la célébration des sacrements et le service du prochain» (C 7).

Il est à remarquer que, depuis Vatican II, le terme «missionnaire» désigne les religieux et les laïques aussi bien que les prêtres (Ad Gentes, no 23). Cet usage a été confirmé par le code de droit canonique (can. 781 et 784). Il serait cependant téméraire et trompeur d’interpréter ce mot, qui a été adopté dans le sens plus restreint qu’on lui donnait dans le passé, selon notre façon de le comprendre d’aujourd’hui, par exemple, en n’incluant pas dans le sens du mot «Missionnaires» qui est dans le titre de la Congrégation le sacerdoce et le ministère ordonné qui appartiennent à la nature même de la Congrégation fondée par Eugène de Mazenod.

Autres innovations à la suite de Vatican II – L’oblation
Il n’est plus fait mention, dans les Constitutions, d’un préfet spirituel pour les frères. Celles de 1982 établissent pour la première fois des normes uniformes de longueur pour la profession temporaire de tous les Oblats, prêtres, scolastiques et frères. Tous doivent faire des vœux annuels pendant au moins trois ans avant l’oblation perpétuelle. Aucun âge minimum n’étant précisé, on s’en tient donc au droit canonique: respectivement dix-huit et vingt et un ans révolus pour les premiers vœux et pour les vœux perpétuels (can. 656 § 1, 658 § 2).

Les Constitutions exigeaient auparavant, à la suite du code de droit canonique de 1917, qu’il y ait des noviciats séparés pour les différentes catégories de religieux (voir C.I.C. de 1917, can. 558). Un individu qui passait d’une catégorie à une autre devait faire un nouveau noviciat, à moins d’un indult du Saint-Siège. Ce règlement fut aboli par le pape Paul VI en 1969 (voir Renovationis causam, no 27).

L’habit
De même, les Constitutions de 1982 ne font plus de distinction entre les diverses catégories d’Oblats en ce qui concerne l’habit:

«L’habit des Oblats est celui des clercs du diocèse dans lequel ils se trouvent. Lorsqu’ils portent la soutane, leur seul signe distinctif est la croix oblate» (C 64).

Doit-il y avoir une différence de grandeurs entre la croix des pères et celle des frères? Il semble que, dans l’esprit des Constitutions (voir C 71), tous les Oblats doivent avoir des croix de même dimension, à moins de difficultés d’ordre pastoral pour les fidèles. Dans ce cas, les exigences du ministère favoriseraient le maintien de la différence. Plusieurs frères, cependant, préféreront porter la croix plus petite qu’ils ont reçue le jour de leur oblation, en accord avec l’article 63 des Constitutions.

Le gouvernement
Jusqu’en 1966, les frères n’avaient aucun rôle actif à jouer dans le gouvernement de la Congrégation, des provinces et des maisons. Le Chapitre général de 1966 accorda aux frères profès perpétuels le droit de voter pour les délégués au Chapitre général et de participer à la consultation pour le choix du provincial. Il établit aussi qu’un frère pourrait être nommé trésorier. Le père Léo Deschâtelets, supérieur général, invita au Chapitre de 1972 six frères auxquels le Chapitre accorda droit de vote. Parmi les nombreuses décisions prises par ce Chapitre, nous trouvons celles-ci: pour les Chapitres futurs, au moins six frères seraient nommés capitulants avec droit de vote; les frères à vœux perpétuels obtenaient voix active et passive, étant sauves les conditions requises par le droit pour certaines charges; les frères pourraient être assistants locaux, consulteurs provinciaux et membres du conseil général; les frères à vœux perpétuels pourraient, avec indult du Saint-Siège, être nommés supérieurs locaux. Selon les Constitutions de 1982, les supérieurs, leurs vicaires et leurs remplaçants doivent être prêtres (voir C 82), mais «un frère à vœux perpétuels peut, en certaines circonstances et avec l’indult nécessaire, être nommé supérieur d’une communauté locale» (R 90). Les frères à vœux temporaires obtenaient aussi voix consultative dans certains cas. Le Chapitre de 1986 détermina que les frères d’une région seraient consultés avant qu’un des leurs soit nommé capitulant, qu’une région ayant plus de deux cents frères aurait deux frères nommés capitulants et que celles de plus de trois cents en auraient trois.

Le diaconat permanent
Le Chapitre général de 1972 fut favorable à l’introduction du diaconat permanent pour les frères «convenablement qualifiés» (Les structures administratives, p. 42, no 40). Celui de 1980 s’exprima avec plus de précision là-dessus:

«Si, à la suite d’un discernement spirituel adéquat et pour répondre à des besoins apostoliques, un frère à vœux perpétuels découvre que le Seigneur l’appelle au diaconat permanent ou au sacerdoce, il appartiendra au Provincial en conseil de l’accepter comme candidat, après en avoir reçu l’autorisation du Supérieur général en conseil» (R 67).

Les frères qui sont diacres permanents, bien qu’ils soient des clercs, appartiennent toujours, à l’intérieur de la Congrégation, à la catégorie des frères et non à celle des clercs. Ils ne peuvent, en conséquence, être nommé supérieurs, vicaires ou remplaçants d’un supérieur, sans un indult du Saint-Siège (voir C 82; R 90); ils peuvent cependant, en tant que frères, être invités au Chapitre général par le Supérieur général comme capitulants (voir R 112).

Conclusion
Dans son rapport sur l’état de la Congrégation au Chapitre de 1980, le père Fernand Jetté, supérieur général dit:

«Les frères ont toujours été pour la Congrégation un élément important de sa vie et de son action. La Congrégation serait incomplète sans eux. On peut avoir la vocation de religieux missionnaire des pauvres selon le charisme oblat, sans entendre l’appel au sacerdoce. À ces frères missionnaires et oblats, les Provinces doivent assurer une formation humaine et religieuse, pastorale ou professionnelle adéquate, qui respecte leur vocation propre et qui prévoie, pour eux comme pour les pères, des moyens de recyclage et de croissance intégrale» (A.A.G. (1980), p. 25, no 39).

Six ans plus tard, dans son rapport au Chapitre de 1986, le père Jetté parlait encore des frères et de leur rôle spécifique dans la vie de la Congrégation:

«Respecter et promouvoir la vocation du Frère oblat dans sa spécificité propre, comme religieux-missionnaire, et ne pas chercher à en faire un diacre ou un prêtre, à moins d’un appel nouveau, soumis à un sérieux discernement (R 67). La vocation du Frère est une vocation complète par elle-même. Elle se définit de manière positive comme la vocation d’un chrétien à devenir religieux Oblat, missionnaire des pauvres, et non de manière négative comme la vocation d’un Oblat qui n’est pas appelé au sacerdoce.
«[…] Éviter de présenter la Congrégation sous le titre de «Congrégation des Pères Oblats», comme si elle n’était constituée que de prêtres.

«Historiquement, dans la Congrégation, les frères ont eu et continuent d’avoir un rôle important, aussi bien pour le maintien de sa vie religieuse que pour le rayonnement de son action missionnaire. Ce rôle du Frère est appelé à se développer encore davantage avec l’accroissement du rôle du laïcat dans l’Église et l’approfondissement de l’étude des «ministères». Est-ce que par exemple, à la règle 3, où l’on dit que «leurs services d’ordre technique, professionnel ou pastoral leur donnent souvent l’occasion d’exercer un ministère fructueux…», il ne serait pas plus juste de dire: «constituent leur ministère propre dans l’œuvre de l’évangélisation»? Leur service technique, professionnel ou pastoral ne devient-il pas «ministère», du fait de la mission reçue pour l’accomplir comme religieux dans l’Église?» (A.A.G. (1986), p. 97-98, nos 9 et 10).

William H. Wœstman, o.m.i.