1. Maison de correction
  2. Le problème de la délinquance juvénile
  3. Fondation de la maison de correction en 1859
  4. Première période
  5. Contexte culturel
  6. Croissance rapide
  7. Les défis de l’éducation
  8. Visiteurs
  9. Seconde maison de correction
  10. Rapports et résultats encourageants
  11. Le suivi après la détention
  12. Maisons de correction dans le nouvel État irlandais, 1922
  13. Collège pour vocations tardives, 1929-1934
  14. Glencree de nouveau maison de correction, 1934-1940
  15. Commission d’enquête, 1934-1936
  16. Fermeture de la maison de correction en 1940
  17. Collège pour vocations tardives, 1940-1941
  18. Aumônerie, 1942-1949
  19. Centre de Réconciliation de Glencree, 1974

Maison de correction
Glencree, «la vallée du cœur» est situé dans les montagnes de Wicklow, à environ dix-huit kilomètres au sud de Du­blin et à 10 kilomètres à l’ouest de la petite ville de Enniskerry. C’était un site de casernes abandonnées par l’armée an­glaise, une des cinq construites à Wick­low entre 1800 et 1806 pour déloger des groupes de rebelles cachés dans ces mon­tagnes après l’échec de la rébellion de 1798. Lord Powerscourt, propriétaire d’importants domaines dans la région, avait loué le terrain de Glencree au gou­vernement anglais. C’est là que trois années après leur première fondation en Irlande, à Inchicore, en juin 1856, les Oblats ont accepté la charge de fonder une maison de correction pour garçons, la première de ce genre dans le pays.

Glencree (AD)

Le problème de la délinquance juvénile
Dans l’Irlande du XVIIIe siècle, sou­mise aux lois pénales contre l’Église catholique, les enfants dans le besoin souffraient de duretés et d’indifférence. À la fin du XIXe siècle est apparu un remarquable intérêt pour le bien-être des enfants. L’ouverture de maisons de correction fait partie de cette transfor­mation. Vers 1850, le pays se remettait à peine des désastreuses famines des années 1845 et 1847. La pauvreté et les priva­tions étaient répandues, comme le crime et le vice, même parmi les enfants. En 1853, environ 12 000 enfants se trouvaient dans les prisons irlandaises, incarcérés avec des criminels adultes, exposés aux abus et aux mauvaises influences. Ces prisons étaient vraiment des «écoles de crime ». On ne faisait rien pour réformer et éduquer ces enfants ou pour leur ensei­gner un métier; ils étaient sans logis, dénués de tout et portés à retourner à leur mauvaise vie. Des efforts pour trouver des remèdes à cette situation ont été entravés par des catholiques craignant que les protestants puissent amener des jeunes dans leurs communautés. On trouva une solution en 1858 par la loi des maisons de correction (Reformatory Schools Act 1858) qui étendait à l’Irlande un système qui existait déjà en Angleterre et sur le continent pour loger, éduquer et réformer les jeunes hors des prisons d’adultes et confiés à des personnes de leur religion.

Fondation de la maison de correction en 1859
Un comité de laïcs et de membres du clergé intéressés fut formé pour ouvrir une maison de correction selon les normes de cette loi. Après beaucoup d’efforts pour trouver un endroit convenable, on accepta l’emplacement des casernes de Glencree. Avec l’appui de Mgr Cullen, archevêque catholique de Dublin, le comité prit contact avec le père Robert Cooke, provincial des Oblats, pour lui demander d’accepter la responsabilité de cette tâche. Le père Cooke reconnut que ce ministère correspondait au charisme des Oblats et s’assura de l’approbation du Fondateur pour ce nouveau genre de travail. Le Secrétaire général de l’Irlande délivra le certificat nécessaire, le 12 mars 1859. Le père Cooke nomma le père Francis J. Lynch supérieur et directeur. Celui-ci fut accompagné par deux pères et 14 frères provenant d’Inchicore et des maisons d’Angleterre. Les premiers gar­çons arrivèrent le 14 avril 1859. On donna à l’école le nom de Saint-Kevin, fonda­teur vers 570 de l’ancien monastère de Glendalough dans le voisinage.

Première période
En le voyant aujourd’hui, l’ensemble des édifices du site est imposant. Mais en arrivant à Glencree en 1859, les Oblats trouvèrent les casernes très délabrées. L’armée avait quitté les lieux au début des années 1820 et la police locale se servit occasionnellement de la place. Peu de chambres étaient habitables et le tiers des édifices était sans plancher ou sans fenêtres. Les frères et les garçons durent s’attaquer à un dur travail de restauration. Ils ajoutèrent quelques bâtiments pour les dortoirs et autres services. La subvention initiale n’a pas suffi au coût de cette rénovation car elle servit surtout à la nourriture et au chauffage. Le directeur et les autres membres du personnel n’étaient pas rétribués par le Gouvernement mais vivaient uniquement de la subvention octroyée aux jeunes et des dons des bien­faiteurs. Pour maintenir la maison, surtout dans ses débuts, il a fallu solliciter des fondations et des dons aux gens chari­tables. Cinquante acres de marais furent encore demandés. Mais le sol était pauvre et produisait peu. Toute la région était aussi déboisée et le froid de l’hiver intense. On ajouta peu à peu de nouveaux bâtiments avec l’aide financière de l’archidiocèse et d’autres membres du comité, surtout sous forme de prêts. On permit aux Oblats de faire appel à l’archi­diocèse pour remettre ces prêts. Le frère Ferdinand Vernet servit d’agent de liaison avec le pourvoyeur.

Contexte culturel
Aussitôt après sa nomination comme directeur, le père Lynch voyagea en An­gleterre et sur le continent pour étudier des institutions semblables. Il a été im­pressionné par la maison de correction Mettray. Elle avait été fondée en 1839 par Frédéric Auguste de Metz, un ex-juge de la Cour d’Appel de Paris qui cherchait comment travailler auprès des jeunes dé­linquants. Il démissionna de sa charge pour consacrer sa vie à la réforme de ces jeunes. Il reçut un don de 100 acres de terre à Mettray, près de Tours, et de l’arg­ent pour ouvrir ce qu’il appela une colo­nie pénitencière. À Mettray on accorda beaucoup d’importance à l’influence de la religion comme seul fondement solide à la réforme des garçons. Selon la deion de Patrick Murray, un visiteur contem­porain et membre du barreau irlandais, le but était de créer un esprit de famille en faisant vivre les jeunes délinquants en maisons ou familles séparées. Les nou­veaux venus étaient admis graduellement de façon à préserver l’esprit de chaque famille. Cet esprit existait d’abord dans le personnel où personne n’était admis sans l’abord être formé dans une école dis­tincte de la maison de correction. Dans la famille, le personnel et les «colonistes», comme on appelait les jeunes, menaient une vie en commun. Il y avait un contrôle fréquent et les bons comportements étaient récompensés. Il y avait aussi diverses formes de punition et le fouet n’était pas exclus.

Il n’était pas possible d’employer tous les éléments du système Mettray dans les casernes de Glencree. Le grand nombre de garçons dès le début n’a pas permis de développer graduellement un esprit de famille ou d’école parmi les garçons. Cependant, dans le personnel, les Oblats avaient entre eux un fort esprit d’unité de famille et de communauté et ceux qui ont travaillé à Glencree ont imprégné cet esprit au cours des années. La respon­sabilité de créer un esprit positif et créatif a surtout été portée par les frères à qui on demanda d’être bons, tout en imposant une discipline ferme et douce. Le but était de créer un environnement de vie discipli­née au moyen d’un programme de travail, de jeu et de sommeil de façon à fournir une éducation de base et un apprentissage des métiers utiles en quittant la maison. On aidait à l’intégration en assignant les garçons à un frère dans un groupe bien rodé dont la tâche était d’intégrer le nouveau venu à la vie de l’école. La nourriture était simple et abondante. Les garçons furent graduellement capables de faire leurs habits et leurs souliers. Avec le temps, beaucoup de visiteurs, officiels et non officiels, rendirent hommage à la merveilleuse façon dont les buts de cette éducation furent atteints. Cependant il y eut aussi beaucoup d’échecs. Quelques-uns sont apparus incorrigibles. Les gar­çons étaient regroupés en trois sections selon leur comportement et en huit divisions selon le genre de travail. Il y avait un système de distinction et un des frères était chargé de chaque division, assisté d’un garçon comme moniteur.

Croissance rapide
Dans une lettre au Fondateur, le 5 oc­tobre 1860, le père Cooke annonçait que le nombre de garçons dans la maison s’élevait déjà à 210. Dans la période qui va jusqu’en 1900, il y eut une moyenne de 75 entrées par année. Les détails de l’entrée d’un groupe de 70 précisent que l’âge moyen allait de 10 à 16 ans. La plupart avaient de 13 à 14 ans. Ils étaient habituellement condamnés pour cinq ans. Selon la loi des maisons de correction de 1893, le directeur pouvait garder les jeunes jusqu’à 19 ans. Il pouvait aussi les renvoyer après trois ans si leur conduite était bonne et qu’on leur trouvait un endroit convenable où les envoyer.

En 1867, le père Laurence P. Fox remplaça le père Lynch comme supérieur et directeur. Le nombre de frères s’élevait alors à 24. En 1878, le personnel compre­nait trois prêtres et 25 frères. Ce nombre restera à peu près inchangé tout au long de l’histoire de l’école. Un professeur, un chef d’orchestre, un maître charpentier et deux manœuvres étaient aussi employés et les garçons participaient eux aussi utilement au fonctionnement journalier de l’école. Beaucoup apprenaient des métiers. Le rapport du directeur en 1869 énumérait ceux-ci: tailleur, cordonnier, ébéniste, charpentier, tailleur de pierre et travail de maçonnerie, peintre, soudeur, faiseur de clous et de tapis. Il est aussi question d’une manufacture de gaz fait avec du charbon, de travail dans la maison, dans les jardins, dans la boulan­gerie, dans la buanderie et aux étables. On coupait de la tourbe pour combustible et des terrains furent nettoyés pour servir à l’élevage, à la production du foin, à la culture des pommes de terre et de légumes. Beaucoup de nourriture devait cependant être achetée et transportée en voiture sur les mauvaises routes depuis Enniskerry et Dublin. Le cheptel compre­nait environ 25 vaches laitières et 200 brebis. Un des nouveaux dortoirs fut converti en infirmerie. Les malades étaient visités régulièrement par un méde­cin d’Enniskerry. En 1872, une nouvelle boulangerie fut construite, surtout par les garçons et on avait les plans d’une impri­merie qui fonctionna plus tard et aida à augmenter les revenus. Par toutes ces activités et entreprises, on enseignait aux garçons à être peu à peu auto-suffisants. Cependant, il a fallu lutter économique­ment avec des dépenses qui ont dépassé les revenus pendant plusieurs années. En se perfectionnant dans les métiers les garçons firent des chaises et des divans pour les hôtels et les maisons privées; ils étaient estimés de grande qualité profes­sionnelle.

Les défis de l’éducation
Seulement un petit nombre de garçons savait lire et écrire. Un maître d’école fut employé et quelques frères l’assistèrent en donnant des classes. Le rapport de 1896 assure que le temps alloué à ces classes est équivalant à celui des écoles pu­bliques. Même si l’école fut fondée pour les catholiques, beaucoup de garçons n’avaient pas fait leur première commu­nion et quelques-uns n’étaient pas bapti­sés. C’est pourquoi on donna des classes de catéchisme qui furent bien suivies. On s’attendait à ce que les garçons prennent part à la messe le dimanche mais per­sonne n’y était forcé. Il y avait aussi une retraite annuelle et les occasions de se confesser ne manquaient pas. En 1869, il y avait une chapelle temporaire. En 1871, Lord Powerscourt donna un terrain près de l’école pour une église et un cimetière. Le frère Vernet sollicita des dons pour construire l’église. Tailler la pierre et autres travaux ont été faits par les garçons qui firent aussi les bancs et les confes­sionnaux. Les dons arrivèrent cependant lentement, il a fallu 10 ans pour terminer l’église. Le coût fut estimé à environ 2000 livres sterling.

Visiteurs
Comme l’école se développait, elle attira beaucoup de visiteurs dont le lieutenant d’Irlande, vice-roi, divers Lords, maires de Dublin, des membres de la corporation et, pendant l’été, des gens intéressés et curieux arrivaient en voiture de Dublin. On les amusait souvent par la fanfare de fifres et de tambours et quelquefois par des pièces de théâtre. Le cardinal Paul Cullen, archevêque de Dublin, vint administrer le sacrement de confirmation en juillet 1871 et écrivit après la visite: «J’ai trouvé les garçons bien instruits dans la doctrine chrétienne et tout ce qui concerne la religion. Je suis content de la discipline de la maison, du bon ordre et de la conduite des enfants. »

Seconde maison de correction
Dès en 1870, à cause du grand nombre de garçons, on dut ouvrir un second établissement semblable. Le gouverne­ment demanda au père Thomas Pinet, alors provincial, d’ouvrir une seconde maison de correction. Elle fut située dans une caserne abandonnée, cette fois à Phi­lipstown (Saint Conleth), appelé plus tard Daingean, comté d’Offaly, au centre de l’Irlande. Quelques frères de Glencree furent envoyés à Philipstown pour en for­mer d’autres désignés pour cette œuvre.

École Saint Conleth Daingean (AD)

Rapports et résultats encourageants
Le rapport de l’inspecteur des maisons de correction en 1895 indique que le nombre d’enfants ayant commis des délits entre 1870 et 1890 avait diminué de 50% et concluait que ceci démontrait le succès de ces institutions. Selon les statistiques de 1893 et 1895, seulement 9% de ceux qui quittaient l’école devaient y revenir. C’était une diminution considérable par rapport aux années précédentes.

Le suivi après la détention
Quelquefois on s’assurait que le garçon travaillait comme apprenti dans un métier. Il y avait cependant des difficultés à trouver des emplois et dans beaucoup de métiers on refusa de reconnaître leur apprentissage et même de les admettre comme apprentis. Quelques jeunes émi­grèrent en Australie et dans d’autres pays où ils ont paru bien faire. Le rapport du directeur en 1874 mentionne que les Oblats ont été encouragés par un jeune qui était parti pour l’Australie il y a huit ans, a bien réussi et a passé une bonne partie de ses vacances en Irlande dans la maison de correction.

Maisons de correction dans le nouvel État irlandais, 1922
Au XXe siècle le nombre de garçons entrés dans les maisons de correction diminua graduellement. Dans la période de 1900-1918 la moyenne annuelle d’en­trées était de 47, de 23 en 1919-1921. La situation changea en 1922 quand l’Ir­lande, à l’exception de six comtés du Nord, devint un État libre et l’autorité passa de l’Angleterre au nouveau gouver­nement irlandais. Le nombre de jeunes envoyés dans les maisons de correction par les tribunaux diminua encore. Ceci s’explique en partie par des conditions imprécises et en partie par un question­nement sur la valeur de ces institutions. En 1922-1925, il y eut 70 garçons à Glencree, une moyenne annuelle de 17 ou 18 nouveaux venus.

Dans un petit ouvrage intitulé The Reformatory system, publié en 1923, qui était une apologie du système des maisons de correction, le père Louis Foley, alors directeur à Glencree, mettait en relief le fait que le but de la maison était de former et non de punir. Cette méthode doit être celle des collèges. La maison de Glencree était alors formée de deux groupes, junior et senior. Les premiers travaillaient à la ferme, à la laiterie, à la menuiserie, à la cordonnerie et à la boulangerie, les plus âgés travaillaient dans les ateliers de tricot et de couture ou dans le jardin. Avec réalisme le père Foley soulignait que la réforme et les efforts étaient lents et graduels.

Les garçons ressentaient de pénibles restrictions dans leur vie jusqu’alors plus libre. La plupart tentaient de fuir au cours des premiers six mois. Par la suite, ils acceptaient la situation et commençaient à voir la nécessité de se préparer à leur vie après la sortie. Pour le père Foley il fallait dessiner une ligne claire entre l’essentiel du système et les règlements surajoutés. Ceux-ci devraient être seulement conseil­lés et plus flexibles. Le premier système confinait les garçons comme dans une cage, le second les enfermait comme dans un filet.

En mai 1923, le directeur de Daingean apprenait de l’Inspecteur que le gouvernement irlandais avait décidé de fermer une des deux maisons dirigées par les Oblats. En juillet de la même année, le provincial avait pris la même décision. Le nombre de garçons à Glencree était descendu à 70 avec 200 places libres. Ils étaient encore moins nombreux à Dain­gean. Il fallait un minimum de cent jeunes pour rendre viable financièrement de telles maisons. À la réunion du conseil provincial, le 12 décembre 1923, on décida de faire savoir au gouvernement qu’on fermerait Glencree mais on n’en­voya pas la notification. À ce moment deux entrepreneurs désiraient avoir ces locaux pour des industries. En janvier 1925, le conseil provincial traita encore du projet de fermer une des maisons. Les deux étaient endettées et on ne recevait plus d’aide du gouvernement. Les deux directeurs exposèrent leur point de vue. Le père Collins, directeur de Daingean, était favorable à la fermeture de Glencree. Il affirmait que Daingean était plus acces­sible, avait plus de moyens et d’ateliers, son fonctionnement coûtait moins cher et son bail était plus sûr. Le père Hughes, directeur à Glencree, optimiste, pensait que le nombre de jeunes augmenterait aux deux endroits, suite à un prochain projet du gouvernement en faveur des enfants. Sa façon de voir était partagée par le Département d’éducation pendant que le Département des finances préférait la fermeture d’une des maisons. Le conseil provincial décida d’attendre la parution du projet de loi et de voir si le nombre de détenus augmenterait. En juillet 1925, le conseil provincial envoya un représentant auprès du gouvernement dans le but d’obtenir une aide financière pour payer les dettes des deux maisons. Aucune ré­ponse positive ne fut donnée si ce n’est la suggestion faite aux Oblats de faire pression sur les autorités locales pour qu’elles augmentent leur part d’allocation aux détenus.

Le Children’s Act de 1908 avait prévu trois sources de revenus pour payer les frais de maintien des maisons: le trésor public, le Conseil du comté et, autant que possible, les parents ou les responsables des garçons. À ce moment l’allocation versée par le Conseil du comté était de cinq shellings irlandais par semaine pour chaque détenu, pendant que le gouverne­ment central donnait huit shellings par semaine. Quelquefois le gouvernement local ne donnait rien. La dette demeura. En 1925 dans son rapport le père James Hughes proposa beaucoup de change­ments. La maison était alors sous la seule dépendance du département d’éducation. Il proposa de l’appeler maison d’éducation Saint-Kevin. Cette proposi­tion fut acceptée mais n’eut pas de suite. Le père Hughes écrivit à ce propos: «Bien que des résultats bons et durables ont justifié les motifs pour lesquels on nous a confié cette œuvre, cependant le terme maison de correction ou de réforme continue à être mal vu par les gens qui associent ce terme à celui de prison pour jeunes. Il insistait pour que les garçons ne soient pas considérés des délinquants ou qualifiés de ce nom, et pour qu’on ne leur demande jamais pourquoi ils ont été envoyés dans la maison. Souvent ces jeunes étaient méchants à cause de la négligence des parents ou parce qu’ils provenaient d’un milieu malsain; il fallait reconnaître et faire croître en eux leur bonté naturelle. Les punitions corporelles devaient être rares et de fait elles n’existaient plus.

De nouveau, le 28 janvier 1926, le Conseil provincial décida de fermer Glencree et d’envoyer les garçons à Daingean. Cette décision fut révoquée à cause de l’opposition du département d’éducation. En novembre, le Conseil étudia une proposition du Ministre de l’éducation selon laquelle les Oblats fer­meraient la maison de Daingen afin de céder les locaux à l’institution Borstal. Ceci aurait fort diminué la valeur de la propriété de Daingean. Le conseil rejeta cette proposition et confirma, au con­traire, la décision de fermer Glencree. Il demanda au gouvernement d’organiser le transfert des garçons. Le département d’éducation continua à dire que Glencree était un meilleur endroit parce que plus prêt de Dublin et moins coûteux. Le 10 mai 1927, 67 garçons étaient transférés à Daingean, Glencree fermait officielle­ment comme maison de correction. Le 1er janvier 1927, à cause d’une mésentente sur cette décision, le père James Hughes, directeur à Glencree fut remplacé par le père John Daly.

Collège pour vocations tardives, 1929-1934
Le père John Daly vit la fermeture de Glencree comme une occasion de réaliser un rêve qui lui était cher, l’ouverture d’un collège pour vocations tardives. C’est ce qu’il fit le 3 octobre 1929, fête de saint Thérèse de Lisieux, avec l’aide de quelques pères et frères oblats. Les pères enseignaient les matières classiques à ceux qui désiraient devenir prêtres et Oblats et n’avaient pas complété leurs études secondaires. Un cours spécial fut donné pour ces étudiants avec l’aide de spécialistes en éducation des adultes. Le cours régulier durait trois ans et le but visé était celui du certificat des écoles secondaires. Des examinateurs externes venaient vérifier chaque année le travail des étudiants. Le 15 février 1933, le père Eugène J. Doherty remplaça le père Daly comme supérieur.

Glencree de nouveau maison de correction, 1934-1940
Cependant l’histoire de Glencree comme maison de correction n’était pas encore finie. Au mois d’août 1931, coïncidant avec la nomination du père James McDermott Moran comme direc­teur de Daingean en remplacement du père Patrick Collins, le conseil provincial demanda au Gouvernement irlandais que la maison de correction revienne à Glencree et que Daingean soit laissé aux Oblats pendant 99 années pour servir de juniorat et de collège de vocations tar­dives. Comme les négociations pour un nouveau bail traînaient en longueur, le plan des Oblats changea. L’augmentation des vocations se faisait sentir au scolas­ticat de Belmont House, Stillorgan, comté de Dublin. C’est ainsi que, en 1934, avec un nouveau bail assuré, Daingean devint le scolasticat de la province anglo-irlandaise. Le collège des vocations tar­dives passa à Belmont House et Glencree devint de nouveau maison de correction. Les garçons arrivèrent le 7 juillet 1934. Le directeur de Daingean, le père McDer­mott Moran les suivit. Il fut remplacé en janvier 1937 par le père William O’Connor.

Commission d’enquête, 1934-1936
En 1934, une commission d’enquête sur les maisons de correction et les écoles industrielles fut nommée par le Gouverne­ment. Le directeur de Glencree, le père James McDermott Moran fut un de ceux qui témoigna. On lit au paragraphe 28 du rapport de la commission: «Comme résultat de notre enquête, nous reconnais­sons que, suite à l’introduction de divers changements que nous avons proposés comme désirables, le système des maisons de correction et des écoles industrielles offre la meilleure méthode pour éduquer des enfants souffrants des incapacités que nous avons soulignées, et nous recom­mandons de les continuer. Nous recom­mandons spécialement que la direction des écoles par les communautés reli­gieuses soit continuée.»

Fermeture de la maison de correction en 1940
Avec le déchaînement de la seconde guerre mondiale en 1939, il y a eu une augmentation de jeunes envoyés par les tribunaux dans les maisons de correction. Les places à Glencree ne suffisaient plus. Le 19 novembre 1939, le premier mi­nistre, M. Eamonn de Valera, visita les locaux de Daingean «pour voir si votre maison fournirait suffisamment de places pour les garçons en surnombre à Glen­cree.» On demanda aux Oblats de rem­placer Glencree par Daingean et le 6 août 1940 les 240 garçons furent envoyés à Daingean. Glencree cessa définitivement d’être maison de correction. La documen­tation relative aux détenus fut remise à l’état. Les Oblats ont obtenu des copies de ce qui existe encore mais il ne s’agit que de quelques registres d’admission.

Collège pour vocations tardives, 1940-1941
Le collège pour vocations tardives déménagea de Belmont House à Glencree au cours de l’automne 1940. Cependant son maintien à cet endroit était loin d’être sûr. D’après la correspondance entre le père Michael O’Ryan, provincial, et Mgr Edward Byrne, archevêque de Dublin, en novembre 1939, le père O’Ryan cherchait un autre endroit pour ce collège et était intéressé par une propriété à Whitestown, Balbriggan, comté de Dublin. Le prix d’achat était trop élevé et le bail n’était pas possible. Des pressions furent exer­cées par le Gouvernement en décembre 1941. Il cherchait à obtenir une partie des locaux pour y placer une centaine d’hommes qui coupaient de la tourbe autour de Glencree pour alléger la crise de combustible causée par la guerre. Le supérieur du collège des vocations tardives, le père Eugène J. Doherty, pensa que cet arrangement n’était pas faisable. Il demanda au provincial de chercher une autre solution pour le collège. On n’en trouva pas et le collège ferma à la fin de 1941. Au cours de son existence, 98 jeunes étudièrent là et 58 devinrent prêtres oblats et missionnaires dans divers pays. Un de ceux-ci,le pèreWilliam McGonagle devint provincial.

Aumônerie, 1942-1949
Au début de 1942, faisant usage des pouvoirs d’urgence, le Gouvernement fit savoir aux Oblats qu’il acquérait les locaux et les terrains de Glencree. Le transfert fut terminé en décembre de la même année. On demanda au supérieur, le père Eugene Doherty, de rester à Glencree comme aumônier des hommes qui travail­laient dans la tourbière. Le père Arthur McIntyre resta avec lui pour former une communauté. Mgr John McQuaid, cssp permit au père Doherty de rester là jusqu’en septembre 1945. Les deux pères logeaient dans un cottage tout près. Ce séjour fut prolongé lorsque le gouverne­ment, par l’entremise de la Croix Rouge, se servit de l’ex-collège comme refuge pour la police et plus tard pour des enfants, réfugiés allemands. C’est là que mourut le père Arthur McIntyre le 8 février 1946. Il est enseveli dans le cimetière près de l’église. En septembre 1946, le père James O’Shea, provincial, informa l’archevêque de Dublin que les Oblats avaient acquis la propriété de l’église et du cimetière et qu’ils désiraient les transmettre au diocèse. Il demanda aussi à l’archevêque de dispenser le père Doherty de sa charge d’aumônier des enfants réfugiés. En avril 1947, le trans­fert légal de l’église et du cimetière fut signé par les mandataires des Oblats et on demanda à l’archevêque d’en prendre possession. Il n’y avait pas de frais et l’église fut remise toute meublée. Par décret du Supérieur général, le 18 janvier 1949, la maison de Glencree fut sup­primée.

En tout, 69 frères et 42 pères ont tra­vaillé auprès des garçons à Saint-Kevin. La plus haute charge était celle de directeur. Trois d’entre eux sont devenus vicaires apostoliques en Afrique du Sud: Charles Cox, Matthew Gaughren et William Miller.

Centre de Réconciliation de Glencree, 1974-
Les locaux de Glencree ont servi par la suite à divers groupes. En 1974, ils devinrent un Centre de réconciliation, corporation autonome, qui cherchait à travailler avec des personnes qui essaient d’apporter la paix dans les endroits ou les milieux où il y a des troubles. Le Centre a d’abord servi lors du conflit du Nord de l’Irlande.

Richard Haslam, Vincent Denny et Michael Hughes, o.m.i.