1. Contexte historique
  2. Eugène de mazenod, fondateur
  3. L’usage avant 1966
  4. Les frères
  5. Vatican IIi et les nouvelles constitutions
  6. L’obligation et la dispense

Au risque d’être accusé de commettre un anachronisme, nous avons donné à cet article le titre de Liturgie des Heures pour respecter l’usage qui a prévalu depuis Vatican II. En effet, cette terminologie était étrangère à saint Eugène de Mazenod et aux premières générations d’Oblats.

CONTEXTE HISTORIQUE

Le grand oncle d’Eugène de Mazenod, Charles-Auguste-André de Mazenod, et son oncle, Charles-Fortuné, étaient chanoines, l’un de Marseille et l’autre d’Aix-en-Provence. On peut se demander si la conception que le neveu avait de la liturgie des Heures et de son importance dans la vie de l’Église n’a pas été influencée par ce fait. Il est clair, cependant, qu’il a grandi à une époque où on attachait beaucoup d’importance à la célébration publique de l’Office divin en tant qu’œuvre de l’Église. Et il ne fait aucun doute que ce qu’il a vécu à Venise auprès de Don Bartolo Zinelli et de son frère, deux prêtres pieux et cultivés, a été pour beaucoup dans l’estime qu’il a eue de l’Office divin. Plusieurs années plus tard, il devait écrire:

«À partir de cette époque, tous les jours pendant près de quatre ans, je me rendais après la messe auprès de ces maîtres bénévoles qui me faisaient travailler jusqu’à midi. Après le dîner, Don Bartolo, dont la santé exigeait de grands ménagements, venait me prendre chez moi pour faire une promenade, qui avait pour but la visite de quelque église où nous nous arrêtions pour prier. En rentrant, je me remettais au travail, qui durait jusqu’au soir. Quelques prêtres se réunissaient à cette heure-là pour réciter l’office en commun. On descendait ensuite dans le salon, où quelques amis de la famille se livraient à une honnête récréation. […] Quatre années se passèrent ainsi. […] Je me confessais tous les samedis, je communiais tous les dimanches. La lecture des bons livres et la prière étaient les seules distractions que j’accordais à l’assiduité de mes études. J’entendais et servais la messe tous les jours, et tous les jours aussi je récitais le petit office de la Sainte Vierge […]»[1].

Parmi les précieuses reliques conservées à la Maison générale de Rome, on trouve l’Officium Beatæ Mariæ Virginis, imprimé à Venise en 1793 et utilisé par le jeune Eugène de Mazenod.

L’horaire personnel du jeune abbé de Mazenod reflète tant son estime pour la récitation du bréviaire à laquelle il assigne des heures précises, que la mentalité de son époque. La journée commence et se termine par des prières vocales autres que celles de l’office. Une heure précise est assignée à la célébration de chaque heure canonique: les vêpres à 16h30; complies à 19h00; matines et laudes du jour suivant se disent plus tard dans la soirée[2].

De retour à Aix après son ordination, Eugène de Mazenod fonde la Congrégation de la jeunesse chrétienne. Dans les Règlements et statuts qu’il compose pour cette association il révèle sa conception personnelle de la liturgie des Heures: Dans la nouvelle [loi], la récitation [de l’office] est de même un devoir indispensable et un des plus importants du sacerdoce. […] Les ecclésiastiques les plus saints (comme les religieux) et ceux qui sont dans chaque diocèse les plus élevés en dignité (comme les chanoines) sont spécialement chargés par l’Église de chanter jour et nuit au nom de tous les fidèles ces beaux cantiques»[3].

C’est sur ce texte qu’il fonde l’exigence pour les membres de la congrégation de réciter en commun, lors des réunions, l’office de la Sainte Vierge et de chanter les vêpres les jours de fête solennelle[4]. Si un membre ne pouvait être présent aux réunions du dimanche et du jeudi, il devait quand même dire l’office. Les autres jours de la semaine, les membres devaient dire trois dizaines de chapelet supplémentaires s’ils ne pouvaient pas dire l’office[5].

EUGÈNE DE MAZENOD, FONDATEUR

Dans la première édition des Constitutions et Règles, il établit que l’institut a trois fins: prêcher au peuple la parole de Dieu, suppléer à l’absence des corps religieux supprimés par la Révolution française et réformer le clergé[6]. En énumérant les pratiques des ordres supprimés que les missionnaires doivent accomplir, il inclut «la récitation de l’Office divin publiquement et en commun»[7]. Les premières Constitutions et Règles étaient divisées en trois parties: 1. la fin et les œuvres de l’Institut, 2. les obligations particulières des missionnaires, 3. le gouvernement de la Société, les qualités requises pur être reçu, le noviciat, l’oblation, les frères, le renvoi. La récitation publique et en commun de l’Office divin est placée parmi les œuvres apostoliques ou ministères extérieurs de l’Institut et non parmi les obligations particulières des missionnaires qui comprenaient divers exercices spirituels et dévotions.

Outre l’obligation canonique, pour ceux qui étaient dans les ordres majeurs, de réciter l’office en entier et chaque jour, les Constitutions imposaient un devoir semblable à tous les autres membres, à l’exception des frères. De plus elles demandaient que cette récitation se fasse en commun. L’obligation même pour ceux qui n’étaient pas dans les ordres sacrés de réciter l’Office et de le faire en commun résultait des Constitutions[8].

Tous les prêtres, oblats ou novices, sont tenus à réciter l’Office divin publiquement et en commun, selon le rite de la sainte Église romaine, aux heures prescrites par le règlement[9].

On récitera l’Office posément et avec gravité, gardant exactement les médiantes et le reste, et s’appliquant à ne pas mériter le reproche fait aux Juifs par Jésus Christ, qu’ils honoraient Dieu du bout des lèvres, tandis que leurs cœurs étaient bien éloignés de Dieu.

L’office étant obligatoire pour tous les membres de la Société, les novices ou oblats [c’est-à-dire scolastiques] qui auraient été légitimement empêchés de le réciter en communauté, sont tenus de le dire en particulier, tout comme s’ils étaient dans les ordres sacrés[10].

Parmi les exercices de piété faits en communs, il y avait la prière du matin et celle du soir, au début et à la fin de la journée. Selon la coutume de l’époque, les diverses heures de l’Office divin n’étaient pas célébrées à leur heure d’origine dans la journée. C’est ainsi que vêpres et complies étaient souvent célébrées dans l’après-midi, même au début de l’après-midi, et les matines et laudes du jour suivant étaient anticipées la veille au soir, souvent même l’après-midi. Cette coutume s’explique facilement si l’on se rappelle que, avant la réforme liturgique, l’office était vu presque exclusivement comme la louange de l’Église rendue à Dieu par ceux qui avaient reçu officiellement cette tâche, les clercs dans les ordres majeurs et les membres d’instituts religieux à vœux solennels. Il ne s’agissait pas de prières destinées à sanctifier les différentes parties de la journée[11].

Le Fondateur insistait sur l’importance de réciter l’office en commun: «Personne ne peut avoir oublié quelle importance on attache dans notre Institut à la récitation de l’Office divin en commun. […] Aussi est-il recommandé dans toutes nos communautés de s’attacher tellement à l’acquittement de ce devoir selon l’esprit qui nous est propre, qu’alors même que par l’absence du plus grand nombre des sujets d’une maison il ne se trouverait que deux membres de notre Institut dans la communauté, ils doivent se réunir au chœur aux heures fixées, pour réciter l’office ensemble»[12].

À l’époque, la récitation de l’office en commun prenait une heure ou une heure et quart. En outre, les prêtres, les scolastiques et les novices scolastiques passaient environ deux heures et quarante-cinq minutes par jour à l’église ou à la chapelle pour la célébration de la messe et les divers exercices spirituels. Et il faut ajouter la récitation quotidienne du chapelet en commun et la lecture spirituelle en commun pour les scolastiques. Au Chapitre général de 1843, on proposa d’exempter les scolastiques qui n’étaient pas dans les ordres majeurs de la récitation de l’Office. Car plusieurs d’entre eux étaient en mauvaise santé et il leur fallait plus de temps pour étudier. Mgr de Mazenod dut expliquer aux membres du Chapitre l’obligation pour les scolastiques de réciter l’Office en commun:

«En recueillant les souvenirs qui l’avaient préoccupé lors de l’institution de la Société, notre Supérieur général, fondateur, a dit qu’une de ses pensées principales avait été de remplacer dans l’Église de Dieu les anciennes corporations religieuses; que parmi les malheurs des temps, il avait surtout été douloureusement affecté de la cessation de l’Office divin; et, par conséquent, il avait entendu imposer aux nôtres, prêtres ou simples oblats, la même obligation qui pesait sur les membres des autres Ordres religieux»[13].

À la suite de l’intervention du Fondateur, la proposition fut rejetée par dix-neuf voix contre trois.

Au Chapitre de 1856, la question fut de nouveau soulevée. Pour certains, la mauvaise santé des scolastiques était due au nombre excessif d’exercices spirituels et au temps considérable consacré aux études. Il semble bien que personne n’ait songé à dénoncer d’autres causes, comme le régime alimentaire pauvre, l’humidité d’un édifice peu chauffé, l’épidémie de tuberculose qui sévissait à ce moment-là. La Congrégation comptait alors vingt-neuf scolastiques; depuis le Chapitre précédent, huit étaient morts de maladie, dont trois durant les trois mois précédents. On recommanda que seuls ceux qui étaient dans les ordres majeurs récitent l’office en commun et que les autres se joignent à eux à tour de rôle. Le Fondateur objecta que c’était contraire à la lettre et à l’esprit des Constitutions, mais reconnut que le Chapitre devrait discuter sérieusement de la question. Un des membres suggéra que les scolastiques récitent l’Office des frères qui consistait en un certain nombre de Je crois en Dieu, de Notre Père, deJe vous salue Marie et de Gloire soit au Père pour remplacer chacune des heures liturgiques.

«Ce sentiment, auquel se sont ralliés tous les pères du Chapitre, a paru présenter moins d’inconvénients à notre révérendissime Supérieur général»[14].

À partir de ce moment et jusqu’après le concile Vatican II, les scolastiques qui n’étaient pas dans les ordres majeurs ont été habituellement dispensés, durant l’année scolaire, des parties de l’Office divin qui n’étaient pas récitées en commun. Au scolasticat de Rome, du moins, ils ont continué, jusque dans les années 1950, à substituer l’Office des frères aux heures dont ils étaient dispensés.

Les documents de la Congrégation, reviennent régulièrement sur l’importance de la récitation de l’Office en commun.

Personne n’ignore que nos saintes Règles considèrent la récitation de l’Office divin non comme un exercice pieux, mais comme un ministère[15].

L’Office divin doit être considéré comme un ministère, accompli de préférence en commun et à un temps le plus conforme à la tradition»[16].

Dans son commentaire sur cette résolution, le père Léo Deschâtelets faisait remarquer qu’il était laissé aux Provinciaux en conseil de préciser la manière dont seraient appliqués les articles 144 et 147 des Constitutions.

Le Directoire des noviciats et scolasticats de 1873, de la page 28 à la page 49, traite minutieusement de l’esprit propre de l’Office et de la façon de le célébrer avec dignité. Voici ce qu’il prescrit:

«La modestie et le respect défendent aussi de cracher sur le plancher du chœur (on doit le faire dans son mouchoir, sans bruit et seulement dans un cas de nécessité)»[17].

L’USAGE AVANT 1966

Dans la réalité, il était impossible à plusieurs prêtres de réciter même en partie l’office en commun en raison des autres exigences de leur ministère. Plusieurs, surtout dans les missions, vivaient seul ou avec un frère qui n’était pas obligé à cette récitation, qui se faisait d’ailleurs en latin. En conséquence, malgré le texte explicite des Constitutions, on acceptait de ne pouvoir répondre à la norme édictée. Cela fut admis clairement par le Chapitre général de 1926, qui révisa les Constitutions afin de les rendre conformes au code de droit canonique de 1917.

«De Horis Canonicis:— Le Chapitre a maintenu toutes les preions de la Règle au sujet de la psalmodie de l’Office divin; mais il a tenu à déclarer que nos communautés n’ont pas, en vertu des lois de l’Église et sous peine de péché pour les supérieurs, l’obligation quotidienne du chœur, comme les communautés des Ordres à vœux solennels. C’est pourquoi il a autorisé expressément une coutume reçue parmi nous depuis l’origine, à savoir que la communauté elle-même peut parfois être dispensée de la récitation publique de l’Office. Mais il a voulu en même temps maintenir, urger même, l’obligation de la psalmodie dans toutes les maisons, même dans celles où, en raison du personnel trop restreint ou des occupations trop absorbantes du ministère extérieur, il serait impossible de psalmodier habituellement l’Office en entier. Dans ces cas, les Provinciaux devront établir des règlements particuliers, afin qu’on se rapproche le plus possible des preions de la Règle»[18].

Avant Vatican II, il était d’usage dans les communautés, sauf quelques rares exceptions, de réciter en commun les prières traditionnelles du matin et du soir. La récitation commune de l’Office variait d’une province à l’autre et d’une communauté à l’autre. En dehors de la Maison générale et des noviciats, il était rare de réciter tout l’Office en commun sauf durant les retraites. Dans leurs rapports au Chapitre général de 1959, certains provinciaux et vicaires des missions ont abordé la question.

«France-Nord. Dans la mesure où le permettent les travaux extérieurs, les exercices communautaires ont lieu régulièrement: oraison du matin et du soir, récitation du bréviaire (partout sexte et none, vêpres et complies; dans certaines maisons, prime et tierce et, à certains jours, matines et laudes)»[19].

«Anglo-irlandaise. Un règlement a été établi, en 1955, pour chaque maison par le visiteur canonique. Il n’a pas été nécessaire de les modifier et d’y ajouter quelque chose. Au moins une partie de l’Office divin est récitée en commun chaque jour dans chaque maison, par exemple, les petites heures et les vêpres et complies dans la plupart des maisons. Au noviciat, toutes les heures de l’Office divin sont récitées en commun chaque jour»[20].

«Centrale des États-Unis d’Amérique: Dans nos communautés régulières, comme les juniorats, le noviciat, le scolasticat et la maison de pastorale, la Règle est observée strictement. Tout l’Office est récité en commun presque chaque jour au noviciat; une partie est dite en commun au scolasticat, dans les juniorats et dans la maison de pastorale»[21].

On notera avec intérêt que, dans les rapports que les provinciaux et vicaires des missions devaient préparer pour le Chapitre général de 1966, la question portant sur la «récitation en commun du Saint Office, pères et frères» venait sous la rubrique de la vie religieuse communautaire et non sous celle des œuvres ou des ministères[22].

LES FRÈRES

Jusqu’au concile Vatican II, l’Office de l’Église latine devait être récité en latin par ceux astreints à sa célébration en vertu du droit canonique. En général, les livres de l’office ou bréviaires étaient imprimés en latin et non en langues vernaculaires. Les novices et les scolastiques qui n’étaient pas dans les ordres majeures disaient l’Office en latin, tant en particulier qu’en commun avec ceux dans les ordres majeurs. C’est pour cette raison et aussi parce que, avant que l’éducation primaire ne devienne universelle certains frères étaient illettrés, le Fondateur adopta la pratique des autres communautés religieuses de substituer un autre office pour les frères.

Cependant, pour n’être pas privés des avantages inappréciables de cette prière publique, peut-on dire, qui est en vigueur chez nous, et pour participer aux mérites d’un exercice aussi important, ils réciteront, au lieu et place de l’Office, les prières suivantes: Pour Matines, un Pater, un Ave, un Credo, neuf Ave Maria et Gloria Patri. Pour Laudes, un Pater, un Ave, un Credo, six Ave Maria et Gloria Patri. Pour Prime, un Pater, un Ave, un Credo, trois Ave Maria, et Gloria Patri. Pour Tierce, Sexte et None comme pour Prime, un Pater, un Ave, un Credo, trois Ave Maria etGloria Patri. Pour Tierce, Sexte et None comme pour Prime. Pour vêpres, un Pater, un Ave, sixAve Maria et Gloria Patri. Pour complies, un Pater, Confiteor,Misereatur, Indulgentiam, cinq Ave Maria, Gloria Patri, Pater, Ave, Credo[23].

Le Chapitre de 1953 considéra la question de l’Office des frères et décida qu’il était opportun d’étudier en profondeur la possibilité d’apporter des changements.

«À la suite d’une longue discussion sur le projet d’un certain Office divin à faire réciter par nos frères coadjuteurs, le Chapitre accepte finalement un essai méthodique mais seulement lorsqu’une commission oblate, nommée à cette fin, aura réussi à présenter une solution acceptable à peu près partout. D’ici là, ne rien innover»[24].

Dans le texte anglais de cette circulaire, il manque la phrase suivante: «D’ici là ne rien innover». Les deux textes étant officiels et d’égale valeur, on commença, à certains endroits, surtout chez les frères de langue anglaise, à réciter le petit office de la Sainte Vierge ou quelque autre office court en langue vernaculaire. Après la constitution Sacrosanctum Concilium du concile Vatican II, sur la liturgie, permettant la célébration de l’Office en langue vernaculaire, les frères ont commencé petit à petit à utiliser la liturgie des Heures officielle.

VATICAN II ET LES NOUVELLES CONSTITUTIONS

Dans le premier document sur la sainte liturgie, la constitution Sacrosanctum Concilium, le concile Vatican II, ordonne une réforme de l’Office divin qui l’adapte aux circonstances actuelles: «Puisque la sanctification de la journée est la fin de l’office, le cours traditionnel des Heures sera restauré de telle façon que les Heures retrouveront la vérité du temps, dans la mesure du possible, et qu’il soit tenu compte des conditions de la vie présente, surtout pour ceux qui s’appliquent aux œuvres de l’apostolat» (n° 88).

«Les clercs non obligés au chœur, s’ils sont dans les ordres majeurs, sont tenus par l’obligation d’acquitter tout l’office chaque jour, soit en commun, soit seuls, […]» (no 96).

«Les membres de n’importe quel institut d’un état de perfection qui, en vertu des constitutions, acquittent quelque partie de l’office, accomplissent la prière publique de l’Église. De même, ils accomplissent la prière publique de l’Église si, en vertu des constitutions, ils récitent un petit office, pourvu que celui-ci soit composé à la manière de l’Office divin et dûment approuvé» (no 98).

Pour répondre au concile, le Chapitre général de 1966 rédigea et adopta les Constitutions et Règles ad experimentum. La liturgie des Heures était traitée dans la deuxième partie, L’homme apostolique, et non dans le chapitre premier, Envoi au monde, mais dans le deuxième, Exigences apostoliques, dans une section à part, Vie liturgique.

«C 50 — De même, il sera adorateur du Père en esprit et en vérité par la récitation de l’Office divin, prière du Corps du Christ. Il en fera un aliment de sa prière personnelle et de sa vie spirituelle. Il y implorera le Seigneur pour l’efficacité et le progrès de son propre ministère et de celui de toute la Congrégation».

«C 51 — La messe et l’Office divin seront au centre de leur prière communautaire et passeront avant toute autre forme de piété».

«R 109 — Les supérieurs locaux, avec l’approbation du Provincial, fixeront les heures de l’Office divin à célébrer en commun, ainsi que celles auxquelles les Frères pourront s’associer».

«R 129 — Pour que les novices puissent fonder plus solidement leur vie spirituelle, ils recevront des cours d’histoire du Salut et de liturgie donnés par des maître compétents. Ils s’initieront graduellement à l’Office divin».

«R 150 — [La] vie de prière [des frères] sera centrée sur le mystère du Christ, étudié surtout dans la Bible et vécu dans la liturgie. Ils participeront aux heures de l’Office divin dans la mesure du possible».

Avec l’adoption des Constitutions et Règles ad experimentum, les prières du matin et du soir traditionnelles dans les communautés furent remplacées par la récitation des laudes et des vêpres. Dans plusieurs communautés, l’Heure du milieu du jour se récite à midi. Les frères célèbrent maintenant la liturgie des Heures avec le reste de la communauté.

Dans les Constitutions et Règles de 1982, la constitution 33 sur les ressources spirituelles traite d’abord du rôle de l’Eucharistie et de la Parole de Dieu dans la vie des Oblats, et poursuit ainsi:

«Par la liturgie des Heures, prière de l’Église, Épouse du Christ, ils rendent gloire au Père pour ses merveilles et lui demandent de bénir leur mission. Normalement, chaque communauté célèbre en commun une partie de l’Office divin. Là où c’est possible, elle invite les fidèles à se joindre à cette prière officielle de l’Église».

Les Constitutions et Règles ne parlent pas d’une obligation de réciter ou de célébrer la liturgie des Heures. Elles font cependant appel aux motifs invoqués par Vatican II pour s’unir à la prière officielle de l’Église en vue du bien-être spirituel de l’individu et de celui de toute l’Église. Commentant cet article, le père Fernand Jetté, ancien supérieur général, écrit: «La liturgie des Heures est la prière officielle de l’Église. Le Concile l’a adaptée, il l’a simplifiée, il l’a ouverte aux fidèles. Elle demeure toujours “la prière de l’Église”, et l’Église, pour l’Oblat comme pour le Concile, est “l’Épouse du Christ”: “c’est vraiment la voix de l’Épouse elle-même qui s’adresse à son Époux; et mieux encore, c’est la prière du Christ que celui-ci, avec son Corps, présente au Père” (De Sacra Liturgia, no 84). En la célébrant, c’est toute l’Église qui prie avec nous, et c’est normal que nous la disions en portant, au fond de nous-mêmes toutes les joies et toutes les peines de l’Église.

«Notre Fondateur tenait beaucoup à cette prière. Il avait deux raisons: elle était un ministère pour la Congrégation, un ministère enraciné de quelque façon dans la suppléance des anciens Ordres religieux et elle lui permettait de soutenir son travail missionnaire. Dans le présent article, on mentionne substantiellement ces mêmes buts: [Les Oblats] rendent gloire au Père pour ses merveilles et lui demandent de bénir leur mission.

«Glorifier le Père, “rendre gloire au Père pour ses merveilles”, c’est un aspect dont on parle moins aujourd’hui, mais toujours présent dans le cœur de notre Fondateur. Et de même, “bénir leur mission”: la célébration du Saint Office a chez nous une orientation nettement missionnaire. Nous célébrons les Heures pour assurer le succès de la mission dans l’Église et la Congrégation.

«Concernant la manière de célébrer l’Office, l’article recommande deux choses: 1. qu’une partie de l’Office soit célébrée en commun par la communauté; 2. que, là où c’est possible, les fidèles soient invités à se joindre à cette prière de l’Église»[25].

La Présentation générale de la liturgie des Heures parle de l’importance de leur célébration comme partie de notre ministère: Ceci concerne principalement tous ceux qui ont reçu un mandat spécial d’accomplir la liturgie des Heures: à savoir, les évêques et les prêtres, qui prient d’office pour leur peuple et pour tout le peuple de Dieu, et certains ministres dans les ordres sacrés, ainsi que les religieux.

«Ceux qui participent à la liturgie des Heures contribuent donc par une mystérieuse fécondité apostolique à accroître le peuple du Seigneur, car tout le labeur apostolique vise “à ce que tous, devenus enfants de Dieu par la foi et le baptême, se rassemblent, louent Dieu au milieu de l’Église, participent au sacrifice et mangent la Cène du Seigneur” (Constitution sur la liturgie, n° 10).

C’est ainsi que les fidèles expriment par leur vie et manifestent aux autres “le mystère du Christ et la nature authentique de la véritable Église. Car il appartient en propre à celle-ci d’être… visible et riche de réalités invisibles, fervente dans l’action et occupée à la contemplation, présente au monde et pourtant étrangère” (Ibidem, no 2).

«Dans un autre sens, les lectures et les prières de la liturgie des Heures constituent une source de vie chrétienne. En effet, c’est à la table de la sainte Écriture et des paroles des saints que cette vie se nourrit, et elle puise sa vigueur dans la prière. Car seul le Seigneur, sans qui nous ne pouvons rien faire, peut donner efficacité et prospérité à nos œuvres si nous le lui demandons, afin que nous soyons, jour après jour, intégrés dans la construction du temple de Dieu dans l’esprit, de façon à atteindre la force de l’âge qui correspond à la plénitude du Christ, et qu’en même temps nous accroissions nos forces pour annoncer la bonne nouvelle du Christ à ceux du dehors»[26].

L’OBLIGATION ET LA DISPENSE

Le Code de droit canonique de 1983 prescrit ce qui suit aux religieux:

«Ils s’adonneront à la lecture de la Sainte Écriture et à l’oraison mentale, ils célébreront dignement les heures liturgiques, selon les dispositions de leur droit propre, restant sauve pour les clercs l’obligation dont il s’agit au can. 276, § 2, no 3, et ils accompliront d’autres exercices de piété (can. 663, § 3)».

La Présentation générale de la liturgie des Heures donne le sens de cette obligation: «Par conséquent, les évêques, les prêtres et les autres ministres sacrés, qui ont reçu de l’Église le mandat de célébrer la liturgie des Heures, s’acquitteront chaque jour de son cycle complet, en observant, autant que possible, la vérité des heures.

«En premier lieu, ils accorderont l’importance qui leur est due aux heures qui sont comme les pôles de cette liturgie, c’est-à-dire à celle du matin et celle du soir; et ils veilleront à ne pas les omettre sans raison grave.

«Ils assureront fidèlement aussi l’office de lecture, qui est par excellence la célébration liturgique de la parole de Dieu. C’est ainsi qu’ils accompliront chaque jour la fonction qui leur est propre, à titre particulier, de recevoir eux-mêmes la parole de Dieu pour devenir de plus en plus parfaitement les disciples du Seigneur et savourer plus profondément les insondables richesses du Christ.

«Pour mieux sanctifier la journée entière, ils auront à cœur de célébrer l’heure médiane, et aussi les complies, pour achever intégralement «l’œuvre de Dieu» et se recommander au Seigneur avant de se coucher»[27].

L’obligation pour le clerc de ne pas omettre les heures du matin et du soir «sans raison grave» laisse entendre qu’il peut omettre les autres heures pour des raisons moins graves. Cela ne veut pourtant par dire qu’il n’est pas obligé de les célébrer. Les différentes heures liturgiques, à l’exception de celle des lectures, ne sont pas atemporelles. Elles sont, en effet, prévues pour des temps précis dans la journée et il n’y a pas d’obligation de les dire plus tôt ou plus tard, si on ne peut les dire au moment qui leur est propre. Les célébrer à un autre moment serait ne pas respecter leur nature particulière.

Les Constitutions et Règles des Oblats ne parlent pas d’une obligation de réciter ou de célébrer la liturgie des Heures. Mais elles rappellent les motifs invoqués par le Concile pour les inviter à s’unir à la prière officielle de l’Église en vue de leur propre bien-être spirituel et de celui de toute l’Église. Les Constitutions et Règles de 1982 accordent aux différents supérieurs un pouvoir étendu de dispenser des preions disciplinaires qu’elles contiennent[28]. Cette autorité comprend certainement le pouvoir de dispenser les Oblats qui ne sont par ordonnés de la récitation de l’office. L’obligation des clercs ne vient pas des Constitutions et Règles mais du code de droit canonique qui prescrit aux clercs, c’est-à-dire les évêques, les prêtres et les diacres ce qui suit: «Can. 276, §1. Dans leur conduite, les clercs sont tenus par un motif particulier à poursuivre la sainteté, puisque consacrés à Dieu à un titre nouveau par la réception du sacrement de l’Ordre, ils sont les dispensateurs des mystères de Dieu au service de son peuple.

«§ 2. Pour être en mesure de parvenir à cette perfection: […]

«3o les prêtres ainsi que les diacres qui aspirent au presbytérat sont tenus par l’obligation de s’acquitter tous les jours de la liturgie des Heures selon les livres liturgiques propres et approuvés; et les diacres permanents s’acquitteront de la partie fixée par la conférence des Évêques».

La plupart des prêtres ayant l’habitude, même lorsqu’ils sont surchargés par le ministère extérieur, d’interpréter très strictement l’obligation de réciter chaque jour le bréviaire, Le Fondateur demanda et obtint le 15 avril 1826 du pape Léon XII la dispense de l’office pendant les missions paroissiales[29]. En 1866, on décida que cet indult accordé de vive voie était invalide; la Congrégation des Évêques et Réguliers déclara que les Oblats étaient obligés de dire les heures canoniques durant les missions[30]. Le 19 juin 1966, le père Joseph Fabre, supérieur général mettait les Oblats au courant de ce décret et ajoutait: «La théologie indique d’ailleurs les motifs d’une dispense légitime»[31]. Il aurait été préférable de parler d’excuse au lieu de dispense, mais ce qu’il voulait dire était clair.

Les Chapitres généraux de 1887, 1893 et 1898 demandèrent qu’on obtienne un indult du Saint-Siège. Le 12 juin 1899, la Sacrée Congrégation des Rites accordait au père Cassien Augier, supérieur général, la faculté de commuer l’obligation de dire l’office en récitation d’autres prières vocales durant les retraites, les neuvaines et les triduums et aussi pour les missionnaires attachés à une église de la Congrégation lorsque leur ministère équivaudrait au travail des missions paroissiales. Le père Augier commua la célébration de l’office en récitation des vêpres et complies chaque fois que se réaliseraient les conditions nécessaires[32].

Avec le concile Vatican II, «les ordinaires pourront dispenser leurs sujets de l’Office divin, totalement ou partiellement»[33]. À l’époque, les supérieurs majeurs des instituts non exempts n’étaient pas des ordinaires. Mais, en 1964, la faculté suivante leur a été accordée: «La faculté concédée à tous les ordinaires de dispenser leurs sujets dans des cas individuels et pour un juste motif, de l’obligation de l’Office divin, totalement ou partiellement, ou de la commuer, s’étend aussi aux supérieurs majeurs des religions cléricales non exemptes ou des sociétés de clercs vivant en commun sans vœux»[34].

Si, dans le passé, les clercs étaient trop consciencieux, sinon scrupuleux, dans la récitation du bréviaire, même si une cause grave pouvait les exempter de ce devoir, c’est rarement un problème aujourd’hui. En fait, il semble que en dépit du fait que durant la cérémonie d’ordination tous les diacres qui se préparent à la prêtrise promettent de célébrer chaque jour la liturgie des Heures, un certain nombre de clercs se considèrent excusés pour peu ou pour un rien. Dans ce cas, cela indique un véritable manque de compréhension de l’importance de la liturgie des Heures dans la vie de l’Église. On trouve, cependant, d’autres clercs qui ont besoin de l’aide d’un conseiller spirituel ou d’un confesseur pour les dispenser de l’obligation dans certaines circonstances. Certains peuvent avoir besoin de la dispense de leur supérieur ou de son délégué pour la paix de conscience.

Est-ce que les supérieurs majeurs oblats, le supérieur général, les provinciaux et leurs vicaires, ont encore la faculté de dispenser les prêtres et les diacres de la Congrégation? La question se pose parce que le code de droit canonique de 1983 ne fait pas mention de cette faculté. Un supérieur peut certainement déclarer un clerc exempt de cette obligation chaque fois qu’elle causerait une surcharge pour un individu, par exemple pour d’autres responsabilités ou par scrupule. L’Église n’avait pas l’intention d’enlever aux supérieurs majeurs la faculté de dispense. Selon le Code de droit canonique de 1983, les supérieurs majeurs de la Congrégation sont maintenant des ordinaires[35]. La faculté accordée aux ordinaires par la législation liturgique de dispenser de la célébration de la liturgie des Heures n’a pas été révoquée par le code de 1983[36].

Selon l’esprit et la lettre du droit canonique comme du droit liturgique, l’obligation de célébrer la liturgie des Heures et les exceptions à cette obligation doivent être comprises «sans perdre de vue le salut des âmes qui doit toujours être dans l’Église la loi suprême»[37].

William H. Woestman