Présence oblate : 1866-1883. Situation géographique: Massachusetts, États-Unis

En 1866, les pères Garin et Dédebant eurent l’occasion de donner quelques missions aux immigrants canadiens-français de la Nouvelle-Angleterre. D’années en années, ces derniers devenaient de plus en plus nombreux et, en 1868, les statistiques portaient à 500 000 leur nombre aux États-Unis. Mgr John Williams de Burlington (Boston) conçut le projet de constituer une société de prêtres canadiens disposés à diriger les communautés françaises que l’on parviendrait à créer. Le 8 décembre 1867, Mgr Williams rencontra le père Florent Vandenberghe, provincial des Oblats, et lui demanda s’il voudrait se charger d’une mission française dans son diocèse. La réponse du provincial fut positive, mais à une triple condition : a) que l’établissement se fasse dans un centre de population considérable; b) que les Oblats ne soient pas restreints au ministère paroissial, mais surtout aux missions et c) qu’ils puissent former une communauté de cinq ou six membres. Le Conseil général mit la question à l’étude le 27 décembre et, le 30 du même mois, le père Pierre Aubert, assistant général, répondit au nom du père Fabre. Le Conseil favorisait, en principe, cette nouvelle fondation, quitte à en examiner plus tard les conditions. Le provincial obtint l’autorité de traiter ce projet en Conseil et d’envoyer à la maison générale tous les documents pouvant éclairer sa décision.
Les événements se précipitèrent. Le 9 janvier, l’évêque de Boston informe le provincial qu’il a entamé des pourparlers en vue de l’achat d’une église pour les Canadiens de Lowell. Le provincial lui répond le 14 janvier qu’il mettra tout en œuvre « pour faire réussir cette entreprise dont nous connaissons l’utilité et la nécessité. » De France, le 20 janvier, le Supérieur Général déclare les propositions de Mgr Williams très acceptables.
Le 21 du même mois, le père provincial expose nettement sa pensée et celle de son Conseil. Elles firent l’unanimité et le 27 janvier, le même Conseil vota officiellement une fondation au diocèse de Boston; puis le document fut envoyé à l’évêque.
Après Pâques, Mgr Williams conduisit le père Vandenberghe à Lowell pour lui montrer les lieux. On s’arrêta au projet suivant : les Oblats prendront la desserte entière des Canadiens pour toute la ville, puis la desserte de l’hôpital où, pendant trois ou quatre ans, un père exercera le rôle d’aumônier; ensuite, la chapelle de l’hôpital sera érigée en paroisse, uniquement anglaise, mais confiée aux Oblats. Ainsi ceux-ci deviendront libres de prêcher partout des missions dans les deux langues. Quant aux Canadiens, ils achèteront un temple protestant admirablement situé au centre de la ville.
Le père provincial conclut : « Pour moi, la position me plaît assez; j’aime bien l’évêque qui me paraît agir loyalement, sans arrière-pensée. […] C’est saint Joseph qui est le protecteur de la nouvelle mission. J’ai confiance en lui. »
Disons un mot, pour ne pas l’oublier, au sujet du rôle que le père André-Marie Garin joua dans les négociations. Il sera de plus le grand artisan de l’entreprise pastorale de Lowell et se montrera on ne peut plus enthousiaste. Ainsi emportera-t-il le morceau, au dire du père Gaston Carrière, historien des Oblats. On ne saurait exagérer l’influence qu’il eut dans le succès de cette nouvelle fondation des Oblats.

Les Oblats furent officiellement établis dans l’archidiocèse de Boston le 26 juin 1868 et, quelques jours plus tard, le 30 juin, le père Garin fait connaître au provincial les arrangements convenus avec Mgr Williams. Ce dernier « confiait aux Oblats la desserte des Canadiens, la desserte de la chapelle St-Jean, laquelle à partir du dimanche dernier jouit de tous les privilèges d’une église paroissiale.» L’évêque parla aussi de BellaRica [sic], la petite mission […] qui est à quatre ou cinq milles de Lowell.
Le père raconta que la petite fête de la Saint-Jean-Baptiste fut très réussie, que tout s’est passé « sans boisson forte » et sans dispute. Selon les gens, l’on n’avait jamais rien vu de semblable à Lowell en fait de soirées où le decorum et le bon ordre soient si bien observés.
L’évêque n’hésita pas à placer les Oblats définitivement en possession de leurs travaux. En juillet 1868, on lit dans l’Episcopal Register 1856-1888 que les Oblats sont chargés de la chapelle de Saint-Jean, de l’église Saint-Joseph et de la desserte de North Billerica. Une nouvelle maison fut désormais fondée, cette fois à Lowell, bien que l’institution canonique du provincial ne fut émise que le 1er novembre 1868, le provincial prenant le tout pour acquis et nommant le père Garin premier supérieur des Oblats à Lowell, tandis que celle de Mgr Williams, émit la sienne le 19 juin 1869. D’après les archives de l’archidiocèse de Boston, l’établissement remontait au 26 juin 1868. On lit, en effet, dans les Memoirs Boston Diocese : “June 26, 1868 – ‘Establishment of Oblate Fathers in Lowell’”. Il y est dit que le Supérieur oblat de Montréal consent à établir une maison à Lowell et que ces derniers sont chargés de l’hôpital Saint-Jean, qu’ils demeureront tout près. Ils auront charge paroissiale et s’occuperont aussi de la nouvelle église pour les Canadiens-français, rue Lee. Cette œuvre, en vérité, était destinée à devenir un centre oblat très prospère et une pépinière de vocations. On la devait à l’insistance du père Garin.
Mais le père Vandenberghe, le provincial, désirait une paroisse irlandaise ou de langue anglaise en vue d’assurer des ressources suffisantes pour soutenir une communauté d’Oblats. Après entente avec les religieuses, on réalisa le projet d’agrandir la chapelle de l’hôpital St. John. Ce fut l’église de l’Immaculée Conception dont la bénédiction eut lieu le 10 juin 1877, présidée par Mgr Williams lui-même et assisté des évêques de Burlington et de Springfield. Le provincial des Oblats est maintenant le père Joseph Antoine qui se déclare entièrement satisfait, l’une des plus belles églises des États-Unis, affirme-t-il.
Ajoutons quelques mots des œuvres que le père Garin a accomplies en faveur des Canadiens-français de Lowell. En 1868, il leur avait acheté un ancien temple protestant qu’il convertit pour eux en église. Durant les deux années qui suivent, cette église Saint-Joseph ne subit aucune modification, mais la communauté canadienne, elle, change considérablement. Elle augmente du quart en une seule année. Devant ce flot d’immigrants, la maison de Dieu devient trop étroite. Les choses traînent un peu. Mais en 1872, après l’achat de deux maisons attenantes, il se met à l’œuvre pour l’agrandissement de l’église avec une capacité de 1 000 personnes. On entreprend de nouvelles améliorations en 1880, et cette fois, l’église atteint 150 pieds de longueur. On termine les travaux en 1881 et Mgr Williams bénit la nouvelle construction le 21 mai. Ce fut une grande fête avec messe présidée par l’archevêque de Montréal et homélie en français par Mgr Duhamel, évêque d’Ottawa. L’église peut maintenant asseoir deux mille personnes et devient l’un des plus grands édifices religieux de la ville.
La première province oblate des États-Unis fut fondée en juillet ou août 1883 avec le père James McGrath comme provincial et le père Garin, l’un des conseillers, ainsi que les pères Tortel et Guillard de Buffalo. Il n’y avait qu’une seule maison à Lowell comprenant irlandais et français. Les pères français ou canadiens étaient : Tortel, supérieur, Garin, curé de St. Joseph, ainsi que les pères Fournier, Gladu, Gloye (?), Marion, Pelletier et Petit.

Eugène Lapointe OMI