Giuseppe Maria Bravi est né le 16 décembre 1813 à Monte Santo, diocèse de Fermo en Italie. Il entra chez les Béné­dictins Sylvestrins et, en 1845, il fut envoyé par Grégoire XVI en mission à Ceylan. Mgr Caetano Antonio Musulce, vicaire apostolique, le plaça d’abord à Ne­gombo puis, en 1846, l’appela à Colombo où Bravi demeura jusqu’à son décès en 1860.

Il gagna bientôt la confiance de Mgr Caetano Antonio qui, dans une lettre à la congrégation de la Propagande à Rome le 14 décembre 1848, le demanda comme coadjuteur. Le 13 août 1849, Pie IX annonce à Mgr Caetano Antonio que l’île de Ceylan est divisée en deux vica­riats et que Bravi, de la congrégation des Sylvestrins, recommandé pour «sa piété, sa prudence, sa doctrine et son zèle» est nommé évêque de Tipasa et coadjuteur de Colombo. Il est ordonné évêque le 13 janvier 1850. Par lettre du 15 janvier 1850, Emilio Miliani, confrère de Mgr Bravi, écrit au père Ugo Bravi, supérieur général des Sylvestrins: «Votre neveu, mon professeur, l’étoile splendide qui illumine et décore notre congrégation de Saint-Sylvestre, le docteur G.M. Bravi…» a été consacré par Mgr Caetano Antonio le 13 janvier dans la cathédrale de Sainte-Lucie.

Dans toutes ses lettres à la congrégation de la Propagande, Mgr Bravi craint un schisme de la part des Goanais et demande des missionnaires européens. Sa crainte d’un schisme n’est pas sans fondements. Il y avait dans le vicariat de Colombo une quinzaine d’oratoriens de Goa, successeurs des Oratoriens qui avaient sauvé le foi à Ceylan pendant la persécution des Hollandais (1658-1796). À l’arrivée de Mgr Bettachini à Jaffna, oratorien italien, ceux qui travaillaient dans ce vicariat partirent pour le vicariat de Colombo. Il n’en resta à Jaffna qu’un ou deux qui causaient beaucoup de difficultés, occupaient quelques églises et refusaient l’obédience à l’Évêque. En 1835, les Institutions religieuses avaient été supprimées dans les colonies portu­gaises. Depuis lors aucun Oratorien de Goa n’était arrivé à Ceylan. Ceux qui s’y trouvaient vieillissaient et devenaient de moins en moins nombreux. Mgr Bravi s’efforça de maintenir de bonnes relations avec eux et y réussit. Il chercha cependant à les remplacer peu à peu par des mis­sionnaires européens. Peu de Sylvestrins désiraient partir pour les missions étran­gères. La congrégation de la Propagande proposa à Mgr Bravi de demander des Oblats. Quatre de ceux-ci arrivèrent dans le vicariat de Colombo le 25 juillet 1851: Dominique Pulicani, Jean-Pierrre Per­réard, Adrien Duffo et Laurent Lallement.

Par lettre du 15 septembre 1851, Mgr Bravi annonce à Mgr de Mazenod que les Oblats sont arrivés. Il a demandé au père Semeria de ne donner aucun signe extérieur d’union entre les Oblats de Jaffna et ceux de Colombo qui ne doivent pas porter le crucifix. Il doit communi­quer avec eux uniquement par lettre ou par l’intermédiaire du coadjuteur de Co­lombo. Mgr Bravi s’était en effet exprimé de la même façon dans sa correspondance avec le père Semeria qui exposa ses craintes à Mgr de Mazenod et lui envoya les lettres reçues. Celui-ci répondit le 19 septembre: «Vous serez peut-être surpris, mon cher fils, quand je vous dirai que je ne suis pas mécontent des lettres de Mgr Bravi que vous me communiquez. Je n’en ai point encore reçu aucune directe­ment de lui. Les expressions sont toutes paternelles et il se montre très bon pour nos nouveaux arrivants ». Mgr Bravi exprime clairement son principe: pour ne pas mécontenter les Goanais, les mission­naires de Colombo ne doivent d’aucune façon sembler dépendre de Jaffna. Mgr de Mazenod répète aussi le sien: Semeria est le supérieur de tous les Oblats de Ceylan, mais peut être discret dans ses relations avec ses sujets du vicariat de Colombo qui doivent porter le crucifix, sauf quand ils vont à Colombo.

Par la suite, les relations entre Mgr Bravi et les Oblats semblent assez bonnes. À la fin de 1852, le père Semeria va visiter les pères du vicariat de Colom­bo et rencontre Mgr Bravi. Mgr de Maze­nod le félicite. Les pères l’ont reçu avec plaisir et «Mgr le coadjuteur lui-même a paru satisfait» (Lettre du 7 janvier 1853). Mgr Bravi ne veut cependant pas d’autres Oblats qui ne peuvent même pas rempla­cer le père Lallement, rentré en France (Mazenod à Semeria, le 23 septembre 1856). Il trouve que les Oblats n’ont pas assez de relations avec les autres prêtres, de plus ils prennent des initiatives plus généreuses que prudentes, en particulier en faisant faire la première communion aux jeunes et même aux enfants, alors que les Goanais ne permettent souvent aux chrétiens de ne communier qu’à l’article de la mort. De plus, lors de la controverse entre Mgr Bettachini et Mgr Bravi sur l’ap­partenance de quelques missions impor­tantes comme Sainte-Anne et Talavila, de Chilaw et Kurunegala, les Oblats de Colombo prennent la défense du vicariat de Jaffna.

Dès 1847, Mgr de Mazenod avait dit: j’ai donc accepté cette nouvelle mis­sion…dans la prévision que cette grande île deviendra un jour l’apanage de notre congrégation qui la sanctifiera tout entière. Il rappelle souvent ce désir à la Propagande. Le 2 avril 1855, dans une réunion de la congrégation de la Propa­gande, on décide en effet de confier aux Oblats le vicariat de Colombo puisqu’il convient que les vicariats soient entre les mains d’une seule congrégation qui y envoie des missionnaires. Lors de son voyage à Rome en 1856, Mgr Bravi obtient cependant que le vicariat de Colombo soit confié aux Sylvestrins qui promettent d’y envoyer des missionnaires. Dans une lettre, le 23 septembre 1856, Mgr de Mazenod constate que Mgr Bravi a été plus habile que Mgr Semeria qui se trouvait à Rome au même moment: «Que vous dirai-je sur les résolutions de la Propagande. Il paraît que Mgr Bravi ne s’est pas endormi. Ne vous êtes-vous pas laissé intimider? Il fallait dire sans façon au cardinal Barnabò tout ce que vous pensiez. Buratti, que vous n’appelez que M. l’abbé tandis qu’il est bien et dûment monsignor, m’avait positivement fait espérer que toute l’île serait à nous, mais on a depuis constitué les choses de façon à ce que cela n’arrive jamais…»

Mgr Bravi a maintenu de bonnes relations avec les Goanais et aussi avec les Anglicans, il s’est occupé de l’éducation et a fait deux visites pastorales du vicariat. Dans son rapport de celle de 1858, il dit qu’il a confirmé 7000 per­sonnes et que les fruits de l’apostolat de la vingtaine de ses collaborateurs sont plus abondants que les années précédentes: 3267 baptêmes d’enfants, 411 de protestants et 415 de païens, 972 ma­riages, 1581 funérailles pour une popula­tion catholique de 90 000 fidèles répartis en 131 églises et chapelles.

Le 10 août 1860, le père Duffo, Oblat de Kandy, annonce que Mgr Bravi, malade est parti pour l’Europe. Il part, ajoute-t-il, sans être regretté, mais cela me peine parce que «Mgr a eu de très bonnes et cordiales relations avec nous.» Mgr Bravi a quitté Ceylan le 30 juillet, accompagné de E. Miliani. Il est décédé le 14 août pendant le voyage sur la Mer Rouge. Il a d’abord été enseveli à Suez, puis ses restes furent transportés à Colombo dans l’église Saint-Philippe Néri.

Yvon Beaudoin, o.m.i.