1. Le collège-séminaire
  2. La paroisse Holy Angels
  3. Arrivée des Sœurs Grises d’Ottawa et établissement d’une école en 1857
  4. L’église Saint-Pierre, l’église et la paroisse de Black Rock
  5. Les missions
  6. Le père Édouard Chevalier
  7. Autres institutions de Buffalo dirigées par les Oblats

Dans le procès-verbal du Conseil général, le 4 janvier 1850, il est question d’accepter l’offre d’envoyer des Oblats à Buffalo, État de New York. Plusieurs mo­tifs militent en faveur de cette fondation: la ville de Buffalo n’est qu’à 24 heures de New York, à une distance égale de Mont­réal, siège des maisons du Canada, et à 48 heures de Bytown où réside Mgr Guigues, évêque de cette ville et vicaire des missions oblates en Amérique du Nord; de plus cette ville se développe rapide­ment et est destinée à devenir une des grandes villes des États-Unis. Il est dit dans le procès-verbal que l’évêque désire avoir trois Oblats pour leur confier une petite paroisse et un collège; il leur laisse­ra l’entière propriété de ces établisse­ments et leurs revenus. La proposition a reçu l’accord du Conseil.

Au printemps de 1850, Mgr John Timon, C.M., premier évêque du diocèse de Buffalo, rencontre Mgr de Mazenod au scolasticat de Marseille. Dans une lettre écrite après cette rencontre, il exprime son intention de confier aux Oblats la direc­tion du grand séminaire, d’un collège et d’une paroisse. Mgr de Mazenod accepte la proposition le premier avril.

Après un voyage fatigant et agité depuis Marseille, trois Oblats, les pères Pierre Amisse, Richard Molony et Joseph Pourret arrivent à Buffalo le 26 juillet 1850. Leur séjour est cependant de courte durée. Le père Amisse, supérieur du groupe de jeunes pères qui venaient de terminer leur noviciat, comprit aussitôt qu’il y avait eu un malentendu entre les deux évêques sur les termes du contrat. L’église dont ils devaient prendre la direc­tion était confiée à un prêtre diocésain qui ne voulait pas partir; de plus, il fallait bien connaître l’anglais pour les besoins du ministère. Ils partent pour Montréal quinze jours à peine après leur arrivée.

Le collège-séminaire
Au printemps de 1851, le père Tempier fait la visite canonique des maisons oblates du Canada et rencontre Mgr Timon. À la surprise des Oblats de la province, les deux s’entendent pour une fondation à Buffalo. Voici les termes de la convention: «Mgr John Timon, évêque de Buffalo, État de New York, Amérique, désirant procurer à son diocèse les moyens les plus abondants pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, a demandé à Mgr Charles Joseph Eugène de Mazenod, évêque de Marseille, fondateur et supé­rieur général de la congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Imma­culée, quelques ouvriers apostoliques qu’il a formés, Mgr de Mazenod étant fa­vorable à cette demande, on a conclu l’entente suivante, signée par Mgr Timon et, au nom de l’évêque de Marseille, par le père François de Paule Henri Tempier, son vicaire général et premier assistant de la congrégation:

Article 1er: Monseigneur Timon donne et confie à la congrégation des Oblats de Marie Immaculée la direction de son collège catholique de Buffalo qui sert en même temps de grand séminaire et il affecte pour cela sa future maison épis­copale à côté de l’église cathédrale, actuellement en construction, avec facilité et charge de desservir la petite chapelle en bois peu distante de la dite maison épiscopale.

Article 2e: La congrégation des Oblats prend à forfait la direction du dit collège et de la dite chapelle sans se charger des frais d’entretien des bâtiments de l’un ou de l’autre et sans répondre des accidents fortuits qui pourraient subvenir comme serait un incendie; et sans prendre à sa charge l’obligation de payer les taxes s’il y en a.

Article 3e: Lorsque la maison qu’oc­cupe momentanément le collège le sera par Monseigneur Timon, les Pères Oblats pourront alors, ou même plus tôt, quand bon leur semblera, acheter dans le quartier de la ville qui leur paraîtra le plus convenable un terrain propre pour y bâtir leur maison d’habitation et une église où ils exerceront le ministère avec juridiction dans une circonion territoriale et environnante dont les limites seront fixées par l’Évêque. Monseigneur de Buffalo toutefois, soit par la considération des services du dit collège que feront les Oblats, soit pour leur faciliter le moyen de s’établir, concourra à cet achat par la ces­sion d’un des terrains qu’on lui a donné pour une église ou par son équivalent en argent.

Fait et signé à Buffalo, le 31 juillet 1851, en original et en copie. Les sémina­ristes payeront cent trente piastres par an pour tous frais, mais s’ils sont occupés dans le collège deux ou trois heures par jour, une déduction sera faite sur leur pension, selon leur mérite et les facultés de l’établissement.

Tempier, vicaire général o.m.i. John, évêque de Buffalo.»

Le 21 août 1851 après deux journées de bateau depuis Montréal, le père Cheva­lier, supérieur, qui aura des difficultés avec Mgr Timon, les pères Alexandre Soulerin et William Corbett, arrivent à Buffalo. Le 1er septembre, ils ouvrent le séminaire-collège qui, comme la chapelle, est placé sous le patronage de saint Joseph. Le premier groupe d’élèves est formé de 11 séminaristes, 7 pensionnaires et 10 élèves externes. Un mois après l’ouverture du collège, deux autres Oblats rejoignent la communauté: les pères Alexandre Trudeau, venant d’Angleterre, et Richard Molony de Montréal. Le père Molony est chargé de la «basilique» (on désignait ainsi la chapelle), ce qui permet au père Chevalier de concentrer ses efforts dans l’enseignement. Quelque temps après, deux autres pères viennent compléter la communauté: Hector Mauroit et Antoine Pailler.

À l’été 1852, l’Évêque achète pour 12 000$, à un endroit appelé Prospect Hill, une parcelle de terrain avec deux constructions: la «Old Poor House» et un asile insalubre. Pour la même somme, il vend cette propriété aux Oblats. Ceux-ci commencent immédiatement des travaux à la «Old Poor House» pour l’ouverture des classes en septembre. Ce n’est pas une tâche facile, la maison ayant été aména­gée pauvrement après avoir été inoccupée pendant six mois.

Malgré les succès du collège, on le ferme à la fin de l’année scolaire 1855, surtout semble-t-il à cause de difficultés financières. Quatre des sept Oblats sont rappelés au Canada moins d’une semaine après la fin de l’année scolaire. Au cours de l’année académique de 1855, le père Chevalier reste responsable des sémina­ristes qui, après la fermeture du collège, résident à l’évêché. À la fin de cette année, l’Évêque envoie les séminaristes dans un autre séminaire des États-Unis. Étant donné que d’après la règle oblate «après les missions l’œuvre la plus impor­tante de la congrégation est indubita­blement la direction des séminaires», et le fait que le Fondateur et l’administration générale ont refusé d’approuver la résolu­tion du conseil provincial de fermer le collège, ceux-ci sont mécontents de cette décision prise par la province sans l’approbation du supérieur général. Dans une lettre du 9 octobre 1855 au père Santoni, provincial, Mgr de Mazenod écrit: «J’ai voulu attendre, pour répondre à votre lettre de la fin juillet dernier, de réunir le Conseil de mes assistants afin de leur faire part de la situation critique où se trouve notre établissement de Buffalo et avoir leur avis sur le parti qu’il convient de prendre. Il est vrai que c’est déjà une question à peu près jugée et même termi­née par le fait de la résolution que vous avez cru devoir prendre de renoncer à l’œuvre du collège et surtout par la communication que vous avez faite de cette résolution à Mgr Timon d’un côté et au R.P. Chevalier de l’autre. Il faut que vous ayez jugé les difficultés bien graves et la solution bien pressante pour conclure ainsi cette affaire. Maintenant, au point où en sont les choses et après que l’évêque de Bytown consulté par vous autres s’est prononcé en faveur de la décision du con­seil provincial, quel parti pouvons-nous prendre ici? Évidemment celui d’accepter les faits accomplis…» Le refus d’accepter la fermeture du collège par le Conseil général est également attesté par une lettre du printemps 1856 par laquelle le père Tempier écrit au père Chevalier: «Je sais que votre communauté de Buffalo se trouve réduite à un petit nombre en ce moment, comme aussi j’avais appris qu’on avait pris le parti extrême de fermer le collège. Je ne puis pas apprécier jusqu’à quel point cette mesure sera heu­reuse ni la nécessité qui l’a commandée. Toujours je trouve qu’elle est extrême. C’est un pas rétrograde en volte-face, une demi-retraite qui ne ressemble pas trop mal à une retraite complète.»

La paroisse Holy Angels
Bien qu’elle ne soit pas la première paroisse oblate dans le pays et malgré des débuts difficiles, Holy Angels a l’honneur d’avoir assuré la plus longue présence continue d’Oblats aux États-Unis.

À cause de la distance entre l’école et la chapelle, après le changement de rési­dence au mois d’août 1852, les Oblats ont quitté la chapelle ou église française Saint-Pierre dont ils avaient pris la direc­tion après leur arrivée à Buffalo. Ils entreprirent de convertir le vieil asile insalubre, comprenant deux rangées de cellules séparées par un corridor, en une église paroissiale. En 1852, après avoir enlevé les divisions entre les cellules, l’église de Holy Angels reçut de Mgr Timon le titre de paroisse. Malgré les nombreux changements survenus dans le voisinage, la présence et le témoignage des Oblats ont été constants.

On posa les fondations d’une nouvelle église en 1856 mais, par manque d’argent, les travaux furent suspendus pendant 18 mois. L’édifice fut ensuite construit. Il avait la moitié de la dimension de l’église actuelle. Le 10 mai 1859, Mgr Timon con­sacra l’église en présence de Mgr Guigues. Au cours des années suivantes, elle fut agrandie et embellie; elle est aujourd’hui une des plus belles églises de Buffalo. En plus de l’église, la propriété a été occupée au cours des années par un juniorat, la maison provinciale, une école secondaire et une équipe active de missionnaires.

Arrivée des Sœurs Grises d’Ottawa et établissement d’une école en 1857
Les débuts de Holy Angels nous rappellent naturellement Mgr Timon et les premiers Oblats, mais la présence des Sœurs Grises d’Ottawa est également im­portante dans l’histoire et le développe­ment de la paroisse. Holy Angels a été la première fondation de cette congrégation religieuse aux États-Unis.

En 1857, le père Chevalier prit contact avec Mère Bruyère, supérieure générale des Sœurs Grises d’Ottawa, en vue d’obtenir quelques religieuses. Le premier groupe, accompagné de Mère Bruyère, arriva le 28 octobre. Comme la construc­tion du couvent n’était pas finie, les six religieuses dormirent dans le parloir de la résidence oblate (la Old Poor House). On raconte qu’il n’y avait qu’un lit. La Mère Bruyère insista pour qu’il soit mis à la disposition de la supérieure de la nouvelle communauté, les autres dormirent sur des matelas placés sur le plancher. Cette situation se prolongea jusqu’au 20 no­vembre, date de leur entrée dans le couvent de six chambres.

Buffalo, Holy Angels College

Le 4 novembre 1857, l’école Holy Angels fut ouverte avec 26 étudiants (15 garçons et 11 filles). Les cours furent d’abord donnés dans l’église puis, peu après, au second étage du presbytère, et enfin dans le couvent. En quatre années le nombre d’étudiants augmenta beaucoup. L’école s’est agrandie et fut déplacée à plusieurs endroits dans les environs. Deux autres édifices ont servi à l’école; ils devinrent plus tard propriété des paroisses de la Nativité et de l’Annonciation, quand celles-ci furent formées.
Un nouvel édifice, modèle dans le pays, fut ouvert en 1906. Il comptait un auditorium avec balcon et chaque classe avait un vestiaire et des toilettes. L’école Holy Angels, qui commença avec 26 étudiants en 1857, en compta 500 quand elle fut au faîte de sa prospérité. On la ferma en 1988 quand la paroisse Holy Angels se joignit aux douze paroisses de Buffalo pour former l’Académie catho­lique de l’Ouest de la ville. Le magnifique édifice de granit, qui pendant quelque temps a été loué au réseau des écoles publiques de Buffalo, abrite aujourd’hui une des librairies du collège d’Youville.

L’église Saint-Pierre, l’église et la paroisse de Black Rock
En diverses occasions on a demandé aux Oblats de fournir le personnel à la paroisse Saint-Pierre pour les fidèles de langue française. Peu après leur arrivée à Buffalo, le curé retourna en Europe et les Oblats furent chargés de la paroisse depuis la fin août 1851 jusqu’au début juillet 1852, et également pendant trois mois en 1855. De nouveau en 1861 l’Évêque cherchait un curé pour Saint-Pierre et fit appel à la Congrégation. Les paroissiens laissaient avec regret partir leur curé à moins qu’il ne soit remplacé par les Oblats. Le père Chevalier les encouragea à accepter la paroisse.

Au printemps de 1864 Mgr Timon demanda aux Oblats de se charger de la paroisse de Black Rock. Ils y fournirent le personnel pendant trois ans. En acceptant cette paroisse, on pensait que le curé pourrait résider dans la communauté de Holy Angels. On s’aperçut cependant que les besoins des paroissiens requéraient une présence permanente du curé qui laissa Black Rock.

Les missions
En plus de fournir le personnel du collège et de la paroisse, les Oblats de Buffalo se sont fait connaître par la prédication des missions paroissiales, autre ministère fondamental de l’Institut. Dans une lettre à l’administration géné­rale en 1859, le provincial annonçait que, pendant l’automne et l’hiver, le père Chevalier n’avait été à la maison que deux dimanches, ayant donné 14 retraites ou missions. D’après le Codex historique de la maison, en six ans, en plus de 180 missions ou retraites dans les paroisses, les Oblats ont prêché une douzaine de retraites à des communautés religieuses. Commentant les succès de ces missions, le père Chevalier affirme: «Je ne pense pas me tromper en disant que sans ces missions, la moitié de ces populations serait perdue pour le catholicisme.»

Le père Édouard Chevalier
Comme on a pu le constater, le père Chevalier a joué le principal rôle parmi les Oblats de Buffalo. Sa présence n’a cependant pas été sans problèmes, en par­ticulier dans ses relations avec Mgr Timon. Le père Chevalier avait accompagné le père Tempier dans sa visite à Mgr Timon lorsqu’on accepta d’aller à Buffalo, et c’est lui qui a été le supérieur de la première communauté oblate dans cette ville. Des conflits s’élevèrent entre lui et l’Évêque au sujet de la promesse non tenue par Mgr Timon d’aider financière­ment la Congrégation, au sujet également de l’obligation faite aux paroisses de payer l’emplacement des tombes des pauvres dans le cimetière, et enfin d’une lettre que, sans permission, le père Chevalier a écrite au cardinal Barnabò pour se plaindre de l’Évêque. En 1862, pour la seconde fois, Mgr Timon révoqua les facultés au père Chevalier qui fut envoyé à Plattsburgh.

Autres institutions de Buffalo dirigées par les Oblats
Au cours de l’histoire récente, les Oblats ont aussi dirigé les institutions sui­vantes dans le diocèse: les écoles secon­daires Mgr Fallon et Cardinal Neumann, les paroisses Sainte-Rose de Lima et de l’Annonciation. Aujourd’hui la Congréga­tion fournit encore le personnel à la paroisse Holy Angels, au prénoviciat dans la propriété originale, et à la paroisse de l’Annonciation située elle aussi à l’ouest de Buffalo.

Hank Lemoncelli, o.m.i.