Présence oblate : 1869-1917. Situation géographique : nord du Québec

Un récit de Mgr N.Z. Lorrain, en 1884, nous décrit le village de Mattawa. « C’est l’endroit le plus pittoresque du monde avec ses aspects sévères, sombres et grandioses. Au nord, reposant sur ses vastes assises, une énorme montagne aux bases gigantesques porte dans la nue son front presque chauve; au nord-ouest, l’oeil s’étend sur l’Ottawa (la rivière des Outaouais aujourd’hui), apercevant trois ou quatre croupes arrondies, jusqu’à ce qu’un nouveau rideau de montagnes vienne fermer l’horizon; à l’est, autre montagne; au sud, une succession de légères collines s’élève par gradins, en amphithéâtre; et au fond du bassin, au point de jonction des deux rivières, sur une pointe allongée qui n’est autre qu’une batture de roches, se dresse fière, la future métropole du Haut de l’Ottawa. »

Dans l’histoire des Oblats, la première mention est faite de Mattawa (ou Mattawan, comme on disait alors) le 8 mai 1845, alors que le père Nicolas Laverlochère, o.m.i., accompagné du père André-Marie Garin, y administra un baptême. Désormais, le père y passa tous les ans jusqu’au jour où il y fonda une résidence permanente. En passant par Mattawa ou en s’y rendant, les missionnaires exerçaient leur ministère là où ils rencontraient des gens. En 1850, le père Laverlochère demeure un peu plus longtemps à Mattawa et donne deux jours de retraite. Les années suivantes, les figures changent, mais les missionnaires font leur halte habituelle et donnent les services nécessaires à la population.

En 1862, le père Lebret dirigea la mission et y laissa le récit de ses travaux. Parti de Témiscamingue, il arriva à Mattawa le 20 août et célébra la messe dans un appartement mis à sa disposition par le chef de la Compagnie de la Baie-d’Hudson. Les Indiens campèrent autour du magasin converti en chapelle pour la circonstance. Les Canadiens, qui commençaient à devenir nombreux, campèrent eux aussi avec leur famille, tout comme les Indiens. La mission se termina par une procession au cimetière et une consécration spéciale à la sainte Vierge.

Avant le départ de l’apôtre, les Canadiens affirmèrent qu’ils étaient capables d’élever une chapelle. Le prêtre accéda à leur désir et un site convenable fut choisi. Une souscription organisée à cet effet rapporta la somme de 133 livres. Cette maison de prière fut bénite par Mgr Guigues, évêque d’Ottawa, au mois d’août 1864.

On en était à ce point lorsque l’apôtre légendaire du village, le père Jean-Marie Nédélec entreprit son premier voyage à Matawa en 1868.

Une lettre du 3 juillet du père à Mgr Guigues, est sans doute à l’origine de la résidence des Oblats, car le Conseil provincial trouvait convenable de placer des missionnaires à Mattawa une bonne partie de l’année pour s’occuper des habitants, sans pour autant délaisser le poste de Témiscamingue.

Conformément à cette décision, le père Nédélec se rendit sur place le 26 octobre 1869. Il y hiverna, seul d’abord, puis le père Jean-Pierre Guégen le rejoignit en février 1870. Les deux prêtres habitèrent une maisonnette prêtée par M. Noé Timmins. Sur semaine, ils offraient l’eucharistie dans la cabane de l’Amérindien Amable Dufond. Le père Nédélec passa encore l’hiver de 1870-1871 à Mattawa et prit logement, cette fois, dans la maison d’Amable Dufond, où il trouvait tout ce qu’il fallait pour vivre pauvrement et souffrir. Le dimanche, il traversait la rivière et présidait les exercices religieux dans la chapelle dont nous avons parlé plus haut.

Après plusieurs essais, c’est en 1884 qu’un presbytère plus définitif vit le jour à proximité de l’église.

Le bon Dieu ne fut pas négligé à Mattawa. On se souvient que les Canadiens s’étaient offerts, en 1862, à construire une petite chapelle. Mgr Guigues y présida, en 1864, la célébration des confirmations et la bénit le 6 août. Il prêcha lui-même une mission de trois jours « aux voyageurs » ou gens des chantiers.

La messe de minuit, la première à Mattawa, fut tout un événement pour la population. Belle fête et décoration splendide, dit-on. Mr Hunter, le bourgeois de l’Honorable Cie de la Baie d’Hudson eut l’honneur de nous donner le Pain Bénit. Il fut très généreux. Un morceau fut réservé pour chacun des chantiers voisins.?En 1880, le père Nédélec avertit le nouveau provincial que, suite à l’augmentation constante de la population, la chapelle était trop petite. Après de multiples demandes, le père Régis Déléage donne son opinion et propose d’élever une charpente de bois de 80 pieds sur 40 que l’on recouvrerait de brique quand les moyens financiers le permet- traient.

Matawa avait besoin d’une école. Le père demanda les Sœurs Grises d’Ottawa. Elles arrivèrent en 1878. Les missionnaires leur cédèrent leur habitation pour leur servir de résidence, d’école et d’hôpital. L’hôpital ouvrit ses portes le 14 novembre. Le premier malade ne se fit pas attendre puisqu’il arriva le 18 du même mois.

L’organisation religieuse de Mattawa était maintenant complète à la fin du siècle dernier, grâce au dévouement des desservants et de leurs généreuses collaboratrices. De ce centre, les Oblats rayonnent dans toutes les directions et s’occupent de toutes les œuvres, de sorte que Mattawa mérite bien le titre de Centre religieux.

Le labeur apostolique à Mattawa, dans les chantiers et sur la ligne de chemin de fer aurait suffi à occuper une nombreuse communauté. Pourtant bien d’autres travaux vinrent s’y ajouter : ministère dans plusieurs petits postes naissants, missions auprès des Indiens de Golden Lake et missions de la Baie James. C’est ainsi que les Oblats exerceront le ministère à Des Joaquims (Moore’s Lake), à Rockliffe (Bois Francs), à Lock’s Mills, à la Roche Capitaine, à North Bay et à au moins une dizaine d’autres endroits.

La mission Des Érables était située sur la rive ontarienne de l’Outaouais, à 10 milles au-dessus de Mattawa. La chapelle de 30 pieds sur 22 ne date que de 1895, mais le père Guégen y était passé en 1884.

Quant au postes de North Bay, de Sturgeon Falls, de Sudbury et de Verner, les Oblats n’y exercèrent le saint ministère qu’occasionnellement au moment de la construction du chemin de fer.

L’apostolat dans la région de Mattawa s’est exercé dans des conditions matérielles difficiles et au prix d’incessants labeurs. Seul le souci des âmes pouvait donner le courage nécessaire à l’accomplissement du devoir. Les missionnaires s’intéressèrent toujours et avant tout à l’amélioration de la vie religieuse des populations placées sous leur direction. Pour autant, ils ne négligèrent pas le développement du pays et le bien-être des habitants ne les laissaient pas indifférents.

Malgré leur départ en 1917, la présence des Oblats reste vive dans le cimetière paroissial où l’on retrouve les restes des pères A. Brunet, Jean-Marie Nédélec, Moïse Lecompte et Georges Lemoine. La présence des Oblats est aussi rendue sensible par les noms dont s’émaille la topographie de la région de Mattawa et Témiscamingue et qui perpétue la mémoire des missionnaires : Déléage, Dozois, Gendreau, Guégen, Guigues, Laverlochère, Lebret, Lemoine, Moffet, Mourier, Nédélec, Pian, Poitras, Reboul et d’autres encore.

Eugène Lapointe OMI