Pendant une quinzaine d’années, les Oblats ont desservi la chapelle de Notre-Dame de la Croix, à une vingtaine de kilomètres à l’est de Notre-Dame de l’Osier.

Ce sanctuaire est situé dans un lieu isolé sur le mont Parménie (Isère) à plus de 700 mètres d’altitude. Au VIIe siècle s’y dressait un château fort appartenant aux archevêques de Vienne. Ils le cédèrent ensuite aux évêques de Grenoble qui y bâtirent la chapelle. Du XIIIe au XVe siècles, ce sont les religieuses chartreusines qui l’habitèrent. Au XVIe siècle, l’habitation fut réduite en cendres par la soldatesque qui ravageait le Dauphiné (guerres de Religion) et la chapelle fut à moitié détruite. L’ensemble fut restauré au XVIIe siècle et confié à la garde de prêtres diocésains jusqu’à la Révolution. Vendus comme propriété nationale, les bâtiments furent achetés en 1798 par l’abbé Marion qui prêta le serment à la constitution civile du clergé et adhéra ensuite au parti anticoncordataire de la petite Église. En 1830, Mgr Philibert de Bruillard, évêque de Grenoble de 1826 à 1853, acquit ce domaine. Il y installa, pendant quelque temps, des prêtres diocésains, puis des Capucins. En 1842, il fit de vives instances auprès de Mgr de Mazenod pour que les Oblats en prennent la direction. Celui-ci accepta par condescendance et les Oblats de Notre-Dame de l’Osier prirent possession des lieux le 15 juillet 1842.

Le père Eugène-Bruno Guigues, alors supérieur de Notre-Dame de l’Osier, y fit un séjour de deux semaines et, le 1er août 1842, écrivit au Fondateur: «Le coup d’œil est ravissant. Ceux des nôtres qui ont envie de faire une bonne retraite, et d’être entièrement séparés du monde pour se plonger dans l’étude, regarderont Parménie comme un des lieux les plus délicieux de l’univers. La solitude y est parfaite et non sans agrément. La chapelle plaît beaucoup dans un tel désert». Les bâtiments comprenaient une chapelle aux voûtes plutôt basses et deux corps de logis, séparés par un jardin: l’un destiné aux prêtres desservant le sanctuaire et l’autre aux pèlerins.

Des vingt-cinq fondations faites en France par Mgr de Mazenod, c’est celle-ci qui a laissé le moins de traces dans la correspondance et dans les archives. Le père Théophile Ortolan (I, p. 387) écrit: «Jamais les Oblats n’y furent très nombreux, car le service du pèlerinage n’était pas absorbant. Pendant l’hiver, il y avait des semaines, presque des mois entiers, d’inaction. Les pères se remplaçaient, venant de l’Osier, à tour de rôle. Il fallait être très ami de la solitude ou avoir quelque travail personnel de longue haleine, pour ne pas s’y ennuyer. Durant la belle saison, les Oblats suscitèrent un mouvement de pèlerins assez appréciable, surtout le dimanche, en conviant les paroisses avoisinantes. Deux grandes retraites, prêchées, chaque année, aux mois de mai et de septembre, y attiraient des foules. Le ministère des chapelains n’était donc pas sans fruit. Bien des âmes retrouvèrent, sur cette montagne tranquille, la paix de la conscience et l’énergie dont elles avaient besoin pour l’accomplissement de leurs devoirs.»

On ignore presque complètement quel fut le personnel de cette succursale de l’Osier. On sait qu’à l’automne 1842 le père Toussaint Dassy y passa quelques semaines, occupé à la composition de son ouvrage: L’abbaye de Saint-Antoine, en Dauphiné. Essai historique et descriptif, publié à Grenoble en 1844. Pendant l’été 1843, c’est le père Joseph Bise, économe de Notre-Dame de l’Osier, qui s’occupa des pèlerins, remplacé en 1844 par le père Frédéric Mouchel. Le 12 mai 1844, Mgr de Mazenod écrit en effet au père Guigues: «Puisqu’il vous faut quelqu’un à Parménie, je l’achemine [père Mouchel] vers cette solitude sans trop désirer qu’on la mette en honneur. Il faudrait au contraire que cette dévotion tombât. Il y a plus d’inconvénient que d’avantages à la soutenir».

De juillet à octobre 1846, une dizaine de jeunes pères y furent réunis sous la direction du père Ambroise Vincens pour se préparer par l’étude au ministère de la prédication. Le père Jules Piot y passa ensuite quelques années. Lorsqu’il fut envoyé à Nancy en 1850, le père Dassy ne put réussir à lui faire observer la Règle. Il écrivit au Fondateur, le 26 octobre: «C’est un sujet usé, usé jusqu’à la corde, une chimère de religieux. Il dit à qui veut l’entendre qu’on l’a laissé quatre années consécutives à Parménie, dans la situation la plus indépendante, la plus libre, que maintenant il ne peut plus s’astreindre à la règle; et comme notre maison est régulière, notre exemple au lieu de l’édifier l’irrite».

Au cours des mêmes années, deux frères s’occupèrent de la ferme: Gaspard Janin et Claude François Martel. Ils furent meilleurs religieux que le père Piot. Dans leur notice nécrologique, on loue leur austérité de vie, leur esprit d’obéissance et de dévouement. Le premier fut envoyé en Orégon en 1849 et le second à Notre-Dame de Talence, quelques années plus tard.

Au mois de mai 1847, Mgr de Mazenod fit une visite à Notre-Dame de l’Osier et se rendit alors à Parménie. «Il fut charmé du panorama qui se déroule aux pieds du visiteur, écrit le père Achille Rey (II, p. 254), mais il ne trouva pas que cette solitude trop profonde pût répondre aux fins de l’institut. Dans sa pensée, l’abandon de ce sanctuaire devait s’opérer tôt ou tard, lorsque la Providence en assignerait le moment opportun».

Au mois de septembre 1851, le père Charles Bellon fit la visite canonique de l’Osier et de Parménie. Après cela les sources oblates ne parlent plus de Parménie. On lit simplement dans le codex historique de l’Osier, le 16 juin 1856: «Les Olivétains nous remplacent à Parménie».

Yvon Beaudoin, o.m.i.