FRANCE

Un Oblat bien connu et un grand fils de Saint Eugène de Mazenod, le P. George Laudin, OMI est décédé à Fontenay sous Bois, le 21 avril 2022.

Georges Laudin est né à Paris le 15 janvier 1926. En 1944, la France encore en guerre est libérée de l’occupation par l’Allemagne nazie. Georges, âgé de 18 ans, a décidé de consacrer sa vie comme religieux missionnaire. Il est admis au noviciat des Missionnaires Oblats à Pontmain ; co-novice du Bienheureux Jean Wauthier, il y fait ses premiers vœux quinze jours plus tôt, le 15 octobre 1945. Tous deux se retrouveront à La Brosse-Montceaux pour les études de philosophie, puis à Solignac pour la théologie. Les deux amis font ensemble leur Oblation perpétuelle le 8 décembre 1949, et sont ordonnés prêtres, toujours à Solignac, le 17 février 1952.

À l’été, leurs routes se séparent. En octobre, Jean Wauthier s’en va vers la mission du Laos ; quant à Georges Laudin, il a reçu dès le 8 mars 1952 son obédience pour la Province de France-Nord (Paris). Il est destiné aux missions populaires.

À cette époque, entre 1950 et 1970, de nombreux Oblats de France participent aux « Missions Générales », un concept renouvelé pour les missions intérieures. Georges est l’un d’entre eux : dans ce métier traditionnel oblat, grâce à ses qualités intellectuelles hors pair et à son enthousiasme apostolique, il prend peu à peu un rôle dirigeant, par exemple pour la mission de l’agglomération de Rouen. On a de lui un article de réflexion sur les missions générales de 30 pages, publié en 1961 dans la revue Missions des OMI ; il y fait appel entre autres aux ressources de la sociologie. Le concept de « nouvelle évangélisation » n’est pas encore inventé, mais on s’y prépare…

Mais les Missions Générales ne sont pas une « recette » magique. Les fils d’Eugène de Mazenod avaient dû, à partir de 1830, renouveler leur méthode favorite. En 1965-1966, au lendemain du Concile Vatican II, on est de nouveau à un tournant capital. Georges Laudin est nommé responsable pour la préparation de la Mission de l’agglomération strasbourgeoise, opération à laquelle adhèrent plusieurs congrégations ; mais cette mission n’aura jamais lieu…

Geroges Laudin en Guyane française

Georges n’a pas le temps de pleurer sur le passé et les occasions perdues. Cette même année 1965-1966, trois événements majeurs marquent sa vie.

  • Il s’en va au Laos pour y prêcher la retraite annuelle des Missionnaires Oblats. À cette occasion, il aide l’équipe locale à se préparer à une seconde vague de l’évangélisation. Il s’agit de prendre une meilleure conscience des réalités de terrain dans la ville de Vientiane, en commençant par la situation sociale des campagnards venus là gagner leur vie comme cyclo-pousses. D’une façon plus large, Georges aidera à établir une image de la ville au moyen d’un tableau des diverses catégories sociales : c’est un gros effort, qui portera des fruits à long terme.
  • Georges Laudin est délégué de France-Nord au Chapitre général de 1966, qui doit concevoir les retombées de Vatican II pour l’ensemble de la Congrégation. Il est un des acteurs majeurs de ce Chapitre, notamment pour la rédaction des nouvelles Constitutions post-Vatican II. Il est aussi l’un des rédacteurs du commentaire officiel, intitulé « Dans une volonté de renouveau ».
  • Le Chapitre de 1966 élit Jacques Dherbomez, provincial de France-Nord, comme assistant général de la Congrégation. Georges Laudin est nommé provincial pour lui succéder. Il fera deux triennats dans ce rôle capital, jusqu’à 1972. Une de ses décisions sera de déplacer la maison provinciale hors des quartiers chics de Paris vers la banlieue (Saint-Maur des Fossés).

Quelques autres événements marquent son provincialat. Le 27 décembre 1967, il représente la Congrégation à la célébration en mémoire de son ami le bienheureux Jean Wauthier (+ 16/12/1967), présidée par l’archevêque de Cambrai. En 1970, il signe un article de 38 pages sur l’évolution de la Congrégation, publié en espagnol dans le revue Mission des OMI. L’année suivante, son long rapport sur la Province de France-Nord est aussi l’un des textes marquants pour la préparation du Chapitre général de 1972 ; de même deux articles de réflexion, publiés dans la même revue, l’un sur les « Petites Communautés » chrétiennes, qu’on nommera par la suite « communautés de base », l’autre sur les enjeux du prochain chapitre général.

Après le chapitre, avec toutes ses qualités intellectuelles et spirituelles, Georges Laudin redevient un Oblat de base. Le 7 novembre 1972 Michel Berche lui succède comme provincial de France-Nord, et Georges – qui parle anglais couramment – reçoit son obédience pour l’île de Jersey, où les Oblats français sont en charge des travailleurs migrants.

Fin septembre 1977, il rejoint Yves Chalvet de Récy à la rue de Chavril à Ste-Foy-lès-Lyon, pour lancer la maison interprovinciale de pastorale des jeunes. Georges travaille comme aumônier de lycée. Lui et Yves commencent à accueillir des étudiants qui veulent partager leur foi d’une manière alternative. Très vite, ils s’ouvrent à la présence des étudiants étrangers ; puis, dans une troisième étape, à la mixité. Chavril permet ainsi à des Oblats et à des jeunes, hommes et femmes, de vivre ensemble une ou plusieurs années, pour se rencontrer, découvrir la dimension interculturelle, voir « comment fonctionne l’autre », parfois s’y frotter car la vie internationale n’est pas toujours évidente, sans compter la personnalité de chacun !

En septembre 1989, Georges Laudin est nommé supérieur du scolasticat interprovincial, qui est établi à Lyon, 36 rue de Trion.

En octobre 1993, les trois Provinces de France lancent la première étape de leur unification. Georges Laudin reçoit la fonction nouvelle de « Provincial de France » ; chargé des dossiers de l’unification et de la formation première, il préside les discussions du groupe des provinciaux…

Cette même année 1993, il fonde conjointement avec la Province oblate d’Haïti la Mission de Guyane Française, territoire où des Oblats travaillent déjà auprès des réfugiés Hmong.

En 1995, Georges reprend la route de l’Asie en sa qualité de Provincial de France. Guidé par Jacques Nguyễn Văn Thơm, il visite différentes régions du Viêt Nam jusqu’à Hưng Hóa, où il contacte les Hmong. Il constate à la fois une vive demande pour une présence oblate, et l’impossibilité de fonder une Mission. Il encourage les Oblats originaires du pays ou ayant des liens avec le pays à garder le contact, et à se rendre disponibles pour des services occasionnels.

En septembre 1996, libéré de son service comme provincial, Georges retourne une fois de plus à la base : il reçoit son obédience pour la Mission de Guyane. Au sein de l’équipe oblate et du diocèse, il est entre autres chargé de la formation des laïcs, et devient peu après vicaire général pour de longues années. En 2003, il est auteur d’un rapport sur cette Mission.

Geroges Laudin en Guyane française

En 2005, Georges a 79 ans. On le retrouve à la paroisse de Mirza, la plus pauvre de l’agglomération de Cayenne. C’est une paroisse de près de 20 000 habitants, où se trouvent les jeunes de la rue et où fleurissent la prostitution et la drogue… Son collaborateur le plus proche est un scolastique de la Province du Cameroun, venu en stage pour 2 ans. Georges Laudin, curé de cette paroisse, garde en plus la charge du catéchuménat et de la formation des laïcs pour l’ensemble du diocèse.

En 2012, Georges a 86 ans. Les premières alertes de santé apparaissent. À partir de 2016 (90 ans !) les problèmes s’aggravent : perte de l’audition, puis perte progressive de l’autonomie personnelle. Il est temps de rentrer en France. Le 29 mai 2018, il est accueilli provisoirement à la communauté de Pontmain, puis après quelques semaines il entre à l’Ehpad de Fontenay-sous-Bois, à quelques mètres de la maison oblate ; il y est soigné par les Sœurs de Saint François d’Assise, et par Samuel, un Oblat pakistanais qui est aide-soignant dans l’établissement. Lui, le parisien, peut aussi recevoir des visites régulières de ses neveux et nièces. Mais déjà, son esprit vagabonde dans un autre monde…

Le 21 avril 2022, il rejoint la Maison du Père, et la grande famille céleste d’Eugène de Mazenod et des Bienheureux Oblats, où il retrouve son ami Jean Wauthier. R.I.P.

Roland Jacques, o.m.i.

(Texte destiné à la Mission du Viêt Nam)