Le père Vital Fourmond est né à Aron, en France, le 17 mars 1828. D’abord ordonné prêtre diocésain, il exerce son ministère sacerdotal durant seize ans, comme vicaire et curé, au Mans. En 1868, à l’âge de quarante ans, il réalise le rêve qu’il caressait depuis longtemps : aller, comme missionnaire oblat, aider son co-paroissien, Mgr Vital Grandin, dans l’Ouest canadien. Après une année de noviciat à Saint-Albert, il aura à s’occuper des Amérindiens et des Métis dans différentes missions. Lors de la rébellion de 1885, qui se termine tristement par la pendaison de Louis Riel, il est fait prisonnier à Batoche. Durant son séjour à Saint-Laurent, au Manitoba, il érige avec le frère Jean-Pierre Piquet, un lieu de pèlerinage dédié à la Vierge Marie. Il meurt à Saint-Boniface, le 24 février 1892..

Au chevet des malades
C’est au cours d’une épidémie de la petite vérole, en 1871, qu’il vécut l’aventure suivante, en compagnie de Mgr Grandin. Pour échapper à la contagion, les Métis de Saint-Albert avaient choisi de s’éloigner des habitations et d’aller vivre sous la tente dans la prairie. Le père Fourmond décide alors de les accompagner. Il installe sa propre tente tout près des autres et prodigue ses soins aux moribonds. Au bout de quelques jours, il reçoit la visite de son évêque, Mgr Grandin, qui lui aussi veut bien donner l’exemple de charité chrétienne. Il se constitue, pour la nuit, garde-malade d’une famille éprouvée. De son côté, le père Fourmond décide ce même soir d’aller remplacer Paul, son guide, qui depuis plusieurs nuits s’épuise littéralement au chevet de sa pauvre mère. Sans tarder, le père Fourmond se rend donc chez Paul et lui enjoint d’aller dormir dans sa tente d’Oblat. Paul ne se le fit pas dire deux fois tant il était accablé. Aussi, à peine étendu sur sa paillasse, il s’endort d’un profond sommeil.

Changement de garde!
Les heures de la nuit s’écoulent tandis que le père Fourmond égrène des chapelets auprès de sa malade. La seule pensée qu’il procure quelques heures de repos à son guide suffit à le tenir en éveil malgré la fatigue.

Tout à coup, vers trois heures du matin, qui voit-il arriver, les yeux tout bouffis de sommeil? Paul lui-même ! « Comment ? lui demande le père, te voilà si tôt ! Pourquoi n’as-tu pas attendu que j’aille te chercher ? » Comme un homme qui sort d’un long rêve, le guide balbutie quelques mots empâtés et reprend son poste. Que s’était-il passé ? Le père Fourmond l’apprit bientôt de Monseigneur. Le brave Paul avait eu vraiment la louable intention de dormir de son mieux jusqu’au matin. Depuis quelques heures déjà il réussissait très bien, ronflant comme un soufflet de forge, lorsque Mgr Grandin, remplacé par un autre bénévole, revient à la tente du missionnaire pour se coucher.

Méprise de Mgr Grandin
Voyant quelqu’un endormi à côté de lui, il crut que c’était le père. Il se glisse donc sous la couverture, faisant le moins de bruit possible pour ne pas l’éveiller, d’autant plus que celui-ci avait avoué ne dormir que d’un œil depuis quelque temps. Malheureusement, à peine le prélat eut-il à son tour fermé la paupière qu’on vint réclamer un prêtre pour un mourant.

L’évêque se réveille le premier et, se tournant vers son voisin, lui crie à plusieurs reprises: « Père Fourmond, réveillez-vous ! On demande un prêtre; c’est à votre tour ! » Pour toute réponse, il n’entend qu’un sourd gémissement. Deux ou trois fois il réitère ses appels, ajoutant finalement cette réflexion : « C’est singulier ! le père me dit qu’il ne dort que d’un œil ! que serait-ce donc s’il dormait des deux yeux ? » Enfin, la parole ne suffisant pas, il en vient aux actes et secoue fortement son inconscient voisin. La méthode est efficace. Mais, ô surprise ! c’est le bon Paul, à moitié endormi, qui demande, filandreux: « Qu’y a-t-il, Monseigneur ? »

Mgr Grandin, stupéfait de sa méprise, ne sait que répondre. Plongé dans la plus complète obscurité, il ne parvient pas à s’expliquer comment en si peu de temps, le père Fourmond se soit métamorphosé de la sorte. Même sa voix était devenue méconnaissable!

André DORVAL, OMI