Naissance à Lauzon, Bas-Canada, le 30 octobre 1799
Ordination sacerdotale, le 30 novembre 1822
Ordination épiscopale, le 25 juillet 1837
Décès au Sault-au-Récollet, le 8 juin 1885.

Ignace Bourget est né le 30 octobre 1799 dans la paroisse Saint-Joseph de Lauzon, diocèse de Québec, onzième des treize enfants de Thérèse Paradis et Pierre Bourget, cultivateur. Il étudie au petit séminaire de Québec puis, à partir de septembre 1818, au grand séminaire de Nicolet où, en même temps, il enseigne au petit séminaire. Ordonné sous-diacre le 20 mai 1821, il est immédiatement nom­mé secrétaire de Mgr Jean-Jacques Lar­tigue, évêque auxiliaire à Montréal. Il est ordonné prêtre le 30 novembre 1822.

Homme de confiance de Mgr Lartigue, il cumule bientôt diverses fonctions: secrétaire de l’évêque, surveillant des travaux de construction de l’évêché et de l’église Saint-Jacques, chargé du ministère de cette paroisse et du grand séminaire installé au rez-de-chaussée de la maison épiscopale. Nommé évêque de Montréal en 1836, Mgr Lartigue propose aussitôt son secrétaire comme successeur. Par un bref apostolique de Grégoire XVI, le 10 mars 1837, l’abbé Bourget est nommé évêque de Telmesse in partibus infidelium et coadjuteur de l’évêque avec droit de succession. Il est ordonné évêque le 25 juillet suivant en la cathédrale Saint-Jacques.

De 1838 à 1840, le coadjuteur fait la visite du diocèse qui s’étend des États-Unis à la Baie James, de la frontière entre le Haut et le Bas-Canada à l’ouest, jusqu’à une ligne qui se situe à mi-chemin entre Montréal et Québec à l’est. Lorsqu’il devient évêque de Montréal, au décès de Mgr Lartigue le 19 avril 1840, il connaît bien son diocèse qui compte alors 79 paroisses, 34 dessertes et 4 missions parmi les Amérindiens.

Une de ses premières décisions consiste à chercher des collaborateurs en Europe. Les Jésuites et les religieuses de la Société du Sacré-Cœur de Jésus vien­dront à Montréal en 1842, les religieuses de Notre-Dame de la Charité du Bon-Pasteur d’Angers en 1844; en 1841, l’évêque n’obtient que les Oblats de Marie Immaculée qu’il aimera comme un père et à qui il demandera beaucoup. Il écrit déjà à Mgr de Mazenod, le 19 août 1841: «J’espère que Dieu fera passer dans mon cœur les sentiments de la tendre affection que vous portez à ceux que vous avez engendrés en Jésus-Christ.» Il confie aux Oblats la cure de Saint-Hilaire, la prédica­tion des missions paroissiales et, peu après, l’évangélisation des Amérindiens. Le père Honorat écrit au Fondateur, le 19 octobre 1843: «Monseigneur n’emploie les Jésuites que dans une paroisse. Pour nous, il nous charge et des missions des paroisses formées et des townships et des chantiers et des Algonquins et des Iroquois et dans son diocèse et dans trois ou quatre diocèses qui l’entourent, car tout cela c’est nous qui devons le faire et non pas d’autres.»

Non seulement Mgr Bourget charge les Oblats de nombreux travaux, mais il les suit de près, leur donne des conseils et leur fait quelquefois des reproches. Pour rendre ses admonitions plus acceptables et efficaces, il les fait quelquefois passer par Mgr de Mazenod. Il lui écrit, par exemple, le 4 mai 1844: «Je puis vous assurer que vous ne perdez pas votre temps à écrire à ces bons pères, car vos lettres sont pour eux tous un baume qui adoucit l’amertume des contradictions qu’il plaît à la divine Providence de leur ménager. Et puisque nous sommes sur ce chapitre je vous prie de leur recommander, quand l’occasion s’en présentera, de se réunir le plus qu’ils le pourront dans leur maison de Longueuil entre leurs missions pour prendre dans la retraite un même esprit et un même cœur; de montrer beaucoup de gravité dans les différents presbytères où ils ont occasion de demeurer pendant leurs missions; d’être rusés comme des serpents et simples comme des colombes dans leurs rapports avec le clergé et le peuple; de ne jamais faire même en riant aucune réflexion qui, si elles étaient rapportées, pourraient mortifier quelque prêtre, disant de bon cœur ce qui est louable, et taisant ce qui est blâmable; de ne pas trop se familiariser avec le peuple de ce pays qui est sous cette impression que les prêtres doivent se tenir à leur rang pourvu que ce soit sans fierté; de prendre surtout bien garde maintenant qu’ils s’établissent dans les diocèses étrangers, de faire quelques réflexions contre l’administration diocé­saine; de paraître toujours très unis et très attachés les uns aux autres; de faire tous leurs efforts pour que leur supérieur soit honoré et respecté, soutenant de toutes leurs forces son administration; de ne pas se décider trop vite à entreprendre les œuvres qui leur sont proposées, comme aussi de ne pas changer aisément ce qui a été une fois décidé. Je n’ai qu’à me louer de la respectueuse soumission avec laquelle vos enfants reçoivent ce que je leur dis dans leur intérêt. Toutefois je suis convaincu qu’un mot de votre part en vaut plus de cent de la mienne, car vous êtes la fontaine commune d’où coulent tous les ruisseaux qui arrosent l’arbre que vous avez planté dans le champ de l’Église et qui commence à étendre ses branches au loin…»

Mgr de Mazenod avait déjà reçu une lettre semblable, écrite le 30 janvier 1843. En la lisant, il avait écrit dans son journal, le 20 mars: «Lettre de Mgr l’évêque de Montréal. Je l’ai lue avec attendrissement, admiration et reconnaissance. Je ne puis pas la transcrire parce qu’elle n’a pas moins de huit pages; mais elle est précieuse comme document et elle donne une connaissance exacte de l’état de la communauté du Canada. Il en connaît toutes les misères et il les juge avec une modération toute paternelle. Il n’en résulte pas moins de ses observations que nos pères se sont conduits avec une impru­dence rare dès le commencement. Ils se sont montrés dans toute leur imperfection non seulement aux yeux de l’évêque porté à les excuser, mais aux yeux du clergé et même des laïques. C’est pitoyable! Trom­per ainsi toutes les espérances, abuser de ma confiance, ne faire aucun cas de mes recommandations pour se surmonter, pour se supporter mutuellement, pour se soute­nir envers ceux du dehors; au lieu de cela se trahir et se dénigrer non point sous le rapport des vertus, mais sur leur caractère, leurs connaissances, etc. Malgré cela le bon Dieu a béni leur ministère propter gloriam nominis sui et par une suite de la protection qu’il daigne accorder à notre congrégation […]

Mgr de Mazenod ne répond à Mgr Bourget que le 30 mai suivant. Il lui dit, entre autres: «Quelle lettre que celle à laquelle je dois répondre! Je me prosterne devant le cœur qui l’a dictée. Non, monseigneur, je ne pourrai jamais vous exprimer à quel point elle a ému ma sensibilité et excité mon admiration et ma reconnaissance. Souffrez que j’épanche mon cœur avec cette simplicité et cette franchise qui excluent toute flatterie; à chaque ligne j’ai admiré la générosité de l’évêque, la bonté d’un père, l’abandon d’un ami. Je voudrais que ceux qui en sont l’objet eussent toujours sous les yeux cette admirable lettre comme je la garde gravée dans mon âme. Croyez, monseigneur, que, quelque sujet de peine qu’ils vous aient donné sans le vouloir, ils méritent pourtant vos bontés par les sentiments qui les animent à votre égard. Ils vous considèrent avec raison comme leur protecteur et leur père; leur devoir comme leur inclination les rendront toujours dociles à tous vos avis et soumis à tous les ordres que vous pourrez leur donner […]»

En écrivant au père Honorat, le 31 mai, Mgr de Mazenod copie des extraits de la lettre de l’évêque de Montréal et ajoute: «Quelle admirable lettre! Quelque obligeante qu’elle soit pour moi, elle me remplit l’âme des sentiments les plus vifs de reconnaissance pour le saint prélat qui s’est donné la peine de me l’écrire. Quelle mesure, quelle douceur, quelle charité! Avec tant de sujets de mécontentement, ne pas articuler une plainte; relever même les œuvres et les vertus de ceux qui se montrent si imparfaits, si fort au-dessous de leur sainte mission, comme il le fait dans la première partie de sa lettre que je n’ai pas copiée. Mais aussi quelle leçon dans les recommandations qu’il me suggère de leur faire! Pas une parole ne porte à faux. C’est la vérité toute pure. C’est le miroir fidèle d’une réalité trop incontestable […]»

Mgr de Mazenod et Mgr Bourget s’en­tendaient donc bien: même cœur, même zèle. Grâce à leur étroite collaboration, la congrégation des Oblats s’est développée rapidement dans tout le Canada et a joué le rôle incontestable qu’on lui connaît dans l’histoire de l’Église canadienne aux XIXe et XXe siècles.

Mgr Bourget est le véritable fondateur de l’Église de Montréal. En plus d’ac­cueillir plusieurs congrégations reli­gieuses d’hommes et de femmes, il en fonde quelques-unes, crée de nouvelles paroisses surtout dans la ville qui se développe rapidement; il introduit la liturgie romaine, adopte la morale de saint Alphonse, confie la direction du grand séminaire aux Sulpiciens, etc. Un souffle d’incrédulité et de dénigrement passe alors dans les hautes classes sociales. Le fléau de l’intempérance exerce ses ravages, les bals et les divertissements donnent nais­sance à des abus qui blessent les mœurs. Le pasteur veille et intervient par de nombreuses lettres pastorales. Il donne également un grand essor aux œuvres sociales et charitables. De plus, il s’inté­resse à l’Église canadienne, comme l’éta­blissement de la province ecclésiastique de Québec en 1844, la création du diocèse de Toronto en 1841 et de Bytown en 1847 où, non sans difficultés, il fait nommer Mgr Guigues, l’envoi de missionnaires dans l’Ouest, etc.

Mgr Bourget nomme Mgr Jean-Charles Prince son coadjuteur de 1845 à 1852, et Mgr Édouard-Charles Fabre à partir de 1873. Il démissionne en 1876 et est nommé archevêque titulaire de Martiano­polis. Il se retire alors au Sault-au-Récollet, où il meurt le 8 juin 1885. Ses restes reposent dans la chapelle mortuaire des évêques de la cathédrale de Montréal.

Yvon Beaudoin, o.m.i.