1. Missionnaire des campagnes
  2. Supérieur

Naissance à Dolomieu (Isère), le 22 octobre 1809
Ordination sacerdotale à Grenoble, le 5 juillet 1835
Prise d’habit à N.-D. de l’Osier, le 17 février 1841
Oblation à N.-D. de l’Osier, le 17 février 1842 (no 92)
Décès à N.-D. de l’Osier, le 23 février 1900.

Joseph Melchior Burfin est né à Dolomieu (Isère), le 22 octobre 1809. Après ses études au petit et au grand séminaires de Grenoble, il fut ordonné prêtre par Mgr Philibert de Bruillard, le 5 juillet 1835. Vicaire à Allenard puis à Grenoble, il connut le père Ambroise Vincens et le suivit à Notre-Dame de l’Osier, où il prit l’habit le 17 février 1841, premier novice de cette maison qui allait être le noviciat de France pendant soixante-deux ans. Il prononça ses vœux le 17 février 1842. «Vous savez, mon cher père Vincens, avait écrit le Fondateur, le 12 novembre 1840, que tout ce que nous demandons à Dieu c’est de nous envoyer des prêtres selon son cœur qui, saintement épris du bonheur de vivre conformément aux conseils de notre divin Maître, veuillent marcher sur les traces des Apôtres et des disciples favorisés qui surent les imiter. Celui dont vous parlez dans votre lettre au père Tempier paraît être de cette trempe. L’éloge que vous faites de lui le place tout à fait dans cette catégorie. Je ne puis donc que bénir le Seigneur de l’inspiration qu’il lui donne de vouloir s’agréger à une société d’ouvriers évangéliques dont le nombre est insuffisant pour recueillir l’immense moisson que le père de famille la charge de moissonner. Melchior Burfin ayant les qualités propres pour remplir ce grand ministère et son bon caractère devant d’ailleurs le faire chérir dans nos communautés où l’on s’aime comme des frères, je n’hésite à consentir que vous lui donniez une chambre où il puisse faire du feu puisque ce ménagement est nécessaire à sa santé qui nous devient précieuse dès l’instant qu’il fait partie de la famille.»

Missionnaire des campagnes
Pendant cinquante ans, de 1842 à 1892, le père Burfin prêcha sans cesse dans les divers diocèses de France où se trouvaient l’Osier, Limoges, Romans, Arcachon et Talence, Nancy et Sion, maisons où il habita tour à tour. Le 24 octobre 1847, Mgr de Mazenod écrivit à Mgr Buissas, évêque de Limoges, que le père a «un talent distingué» pour la prédication. En effet, non seulement il donna beaucoup de missions, mais prêcha aussi des carêmes et des retraites dans les séminaires. «Nous pouvons le dire, écrit l’auteur de sa notice nécrologique, Dieu n’avait pas été parcimonieux à son égard; il avait reçu de la Providence des dons magnifiques. Son esprit était vif, pénétrant, puissant même. Il abordait hautement et de face toutes les questions; une fois son opinion faite, il était tenace jusqu’à l’entêtement. Il y avait en lui du montagnard, comme il y avait dans son intelligence tous les traits du logicien et du raisonneur. La trempe de son esprit était aux idées fortes; il lisait les grands auteurs et avait toujours sur son bureau quelque volume des saints Pères. Ses œuvres portaient son estampille personnelle. Ses sermons, pleins de doctrine et d’idées, étaient de lui, faits moins avec son cœur qu’avec son esprit ingénieux et parfois caustique. Ses prédications constituaient un travail fini, délicat, spirituel, original, en même temps que doctrinal et sérieux.»

Supérieur
Le père Burfin fut souvent supérieur: à Notre-Dame de l’Osier en 1846-1848 et 1851-1853, à Limoges en 1848-1851, 1856-1861, 1867-1872, à Saint-Jean d’Autun de 1872 à 1875. Il a été provincial du Nord du 23 décembre 1861 au 18 août 1867. Il a habité ensuite à Limoges de 1876 à 1887 ou 1888, puis à Notre-Dame d’Arcachon, où il se trouvait lors de ses noces d’or d’oblation en 1892. De 1892 à 1900, il a fait partie de la communauté de Notre-Dame de l’Osier.

Si Mgr de Mazenod a apprécié les talents oratoires du père Burfin, il n’a guère eu confiance en lui comme supérieur, à cause de son franc-parler, de son esprit critique et de son peu de régularité. En janvier 1842, le Fondateur avait déjà quelque doute sur l’admission du père à la profession: «Je conviens, écrivait-il au père Eugène-Bruno Guigues, le 12 janvier 1842, qu’il y aurait de graves inconvénients à renvoyer ce sujet, après qu’il a passé si longtemps dans la maison, mais l’inconvénient serait cent fois pire s’il nous quittait après sa profession, et du caractère dont on me dépeint cet homme n’avez-vous pas à craindre ce nouveau scandale? S’il n’approuve rien de ce qui se fait, si tous les membres de la société lui sont impossibles, peut-on se flatter qu’il modifiera son opinion exagérée et injuste sur plusieurs points? Voilà ce que j’aurais voulu que tu me dises, toi qui le connais et qui vis avec lui depuis un ans…»

En mars 1846, on pense l’envoyer économe au grand séminaire d’Ajaccio mais le Fondateur change d’idée parce que, écrit-il, le père Burfin «a les mains percées et il ne fait pas cas des petites choses». C’est alors cependant qu’il est nommé supérieur à Notre-Dame de l’Osier, au moment où la maison se remplit de novices. Le père Burfin demande sans cesse de l’argent au père Tempier. Il en reçoit au mois d’août et écrit: «Le mandat de 1 400 francs est arrivé bien portant: je lui ai fait l’accueil le plus gracieux afin d’encourager ses confrères… Je vous exhorte à la persévérance, car je suis homme à crier tant que je n’aurai pas la gueule pleine… Parménie me dévore, et puis les frères nous inondent, c’est une vraie calamité; je vous en prie, fermez le robinet et que tout le monde dans la société ne se mêle pas de nous envoyer sans examen des gens aussi gueux que le juif errant et dont la tête est aussi vide que la bourse…» Le 5 septembre 1846, il écrit encore au père Tempier: «S’il y a des économies à faire, comme je le pense, ce n’est pas sur les réparations qui sont urgentes, mais bien sur la porte de la maison qui s’ouvre beaucoup trop facilement devant des gens qui nous arrivent de tous côtés… Quand je m’en plains, on a ici une réponse toute prête: le révérend père Tempier a dit qu’il fallait ouvrir la porte à deux battants, qu’il ne fallait pas s’inquiéter de la dépense, que l’argent ne devait pas être une question; voilà mon révérend père ce qu’on vous fait dire: si ce n’est pas votre pensée, désavouez-la, si c’est votre pensée, payez…»

On a là quelques exemples de la façon assez désinvolte avec laquelle le père Burfin écrit à ses supérieurs. Si le père Tempier semble s’en accommoder, le Fondateur ne l’accepte pas. En 1853, après deux années de supériorat à Notre-Dame de l’Osier, le père Burfin menace de renoncer à la charge si on ne l’écoute pas. Mgr de Mazenod le prend au mot et le remplace par le père Vincens. Il n’aime pas ces «esprits mal tournés» qui critiquent son administration. Le père Burfin considère cette décision comme «un soufflet» qu’il reçoit «à la présence de tout son diocèse.» Le Supérieur général avait pourtant doré la pilule en écrivant: «J’ai pour vous une estime très réelle et une véritable affection. Je le dois à la régularité de votre conduite, à vos services et à votre attachement à la Congrégation. Vous auriez tort de penser que quelques petites observations que j’ai pu vous faire dans le temps, au sujet de certains procédés, aient atténué le moins du monde ce sentiment; il n’en est rien. J’ai toujours su distinguer le fond de la forme et j’ai toujours rendu justice au mérite réel que je reconnais en vous et que je remercie le bon Dieu que vous employassiez pour sa gloire…»

Les relations entre le père Joseph Fabre, supérieur général de 1861 à 1892, et le père Burfin, devenu moins pétulant, ont été meilleures. Le père Fabre a fait confiance à celui-ci en le nommant provincial et plusieurs fois supérieur. Le père Burfin a démontré sa reconnaissance par une correspondance suivie et par une bonne administration. «Partout, lit-on dans la notice nécrologique, il se distingua par la sagesse de sa direction et l’intérêt aux affaires de sa famille religieuse.»

Le père Burfin passa les huit dernières années de sa vie, en demi-repos, à Notre-Dame de l’Osier. L’auteur de sa notice écrit encore: Il se servit toujours «de cette liberté de langage et de critique dont il fut un parfait modèle pendant sa vie. Dans ses dernières années à l’Osier, il resta ce qu’il avait été toujours. Il fut lui! Il eut imperturbablement ses idées à lui, ses appréciations à lui, et un peu sa vie à lui…»

Sa santé se maintint très bonne jusqu’au mois de février 1900. Il y eut alors une épidémie de grippe. Elle le terrassa rapidement. Il reçut le sacrement des malades et mourut le 23 février 1900 dans sa 91e année. Ses restes reposent dans le cimetière oblat de Notre-Dame de l’Osier.

Yvon Beaudoin, o.m.i.